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26/06/2020 | FRANCE | N°18MA04098

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 26 juin 2020, 18MA04098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur (FNE PACA) et l'association France Nature Environnement (FNE), ont demandé au tribunal administratif de Marseille de réformer l'arrêté du 28 décembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Altéo Gardanne à apporter des modifications substantielles à l'exploitation de son usine de fabrication d'alumine visant à cesser le rejet en mer d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur (FNE PACA) et l'association France Nature Environnement (FNE), ont demandé au tribunal administratif de Marseille de réformer l'arrêté du 28 décembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Altéo Gardanne à apporter des modifications substantielles à l'exploitation de son usine de fabrication d'alumine visant à cesser le rejet en mer de résidus de fabrication tout en maintenant le rejet d'un effluent liquide résiduel, et fixant à cette société des prescriptions techniques visant à protéger les intérêts mentionnés aux articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement, en ramenant le terme de la dérogation aux valeurs limites d'émission accordée aux articles 4.4.6 et 4.5.2 dudit arrêté au 31 décembre 2018, ou, au plus tard, à la fin du premier trimestre de l'année 2019, en lieu et place du 31 décembre 2021.

Par un jugement n° 1610285 du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a ramené la durée de la dérogation accordée en ce qui concerne les valeurs limites d'émission de l'arsenic, de l'aluminium, du fer, du pH, de la DBO5 et de la DCO, à la date du 31 décembre 2019, en lieu et place du 31 décembre 2021 et réformé en conséquence les articles 4.4.6 et 4.5.2 de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 décembre 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 août 2018, le 22 juillet 2019, le 28 novembre 2019 et le 27 février 2020, la société Altéo Gardanne, représentée par le cabinet CMS Lefebvre Neuilly, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juillet 2018 en tant qu'il a ramené la durée de la dérogation qui lui était accordée par les articles 4.4.6 et 4.5.2 de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 décembre 2015 en ce qui concerne les valeurs limites d'émission de la DBO5 et de la DCO au 31 décembre 2019, en lieu et place du 31 décembre 2021 ;

2°) de fixer une nouvelle date d'échéance concernant les valeurs limites d'émission de ces deux paramètres qui ne soit pas en tout état de cause inférieure au 30 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge des associations intimées une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à ajuster et réduire ses prétentions en cours d'instance ;

- la durée de la dérogation qui lui a été accordée par l'arrêté du 28 décembre 2015 avec une échéance au 31 décembre 2021 était régulière et raisonnable ;

- cette dérogation est indispensable pour permettre le fonctionnement de son usine ;

- les demandes des associations intimées en première instance étaient irréalistes et incompatibles avec la poursuite de son exploitation ;

- c'est de manière erronée et injustifiée que le tribunal administratif a fixé l'échéance de la dérogation au 31 décembre 2019 ;

- cette décision engendre pour elle des conséquences disproportionnées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 octobre 2019 et le 9 janvier 2020, l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur (FNE PACA) et l'association France Nature Environnement (FNE), représentées par Me I..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Altéo Gardanne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de chacune des associations intimées.

Elles soutiennent que :

- la société Altéo Gardanne a modifié les conclusions de sa requête en cours d'instance pour ne plus demander que la réformation du jugement attaqué en ce qu'il fixe des nouvelles dates de dérogation pour la DBO5 et de la DCO. Ces conclusions nouvelles présentées après l'expiration du délai d'appel sont irrecevables.

- les moyens soulevés par la société Altéo Gardanne ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et solidaire qui n'a pas produit d'observations.

Par une lettre, enregistré le 27 février 2020, les mandataires judiciaires et administrateurs judiciaires de la société Altéo Gardanne désignés par jugement du 12 décembre 2019 du tribunal de commerce de Marseille ont demandé à être mis en cause dans la présente instance.

Par ordonnance du 13 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2020.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'intervention de l'arrêté du 30 décembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône prescrivant à la société Altéo Gardanne de respecter les valeurs limites de rejet dans le milieu naturel pour la DCO et pour la DBO5 à compter du 9 juin 2020, au lieu du 31 décembre 2019 a eu, implicitement mais nécessairement, pour effet de mettre fin aux prescriptions fixées par le jugement attaqué s'agissant de ces paramètres et que la requête de la société Altéo Gardanne tendant à ce que la Cour réforme le jugement du tribunal administratif qui fixait la date du 31 décembre 2019 pour le respect de ces prescriptions est devenue sans objet.

Par des mémoires, enregistrés le 23 mars 2020 et le 5 juin 2020, la société Altéo Gardanne a présenté des observations sur ce moyen relevé d'office en faisant valoir que les conditions pour prononcer un non-lieu n'étaient pas réunies en l'espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me D... et Me L..., représentant la société Altéo Gardanne, et de Me I..., représentant l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 décembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la société Altéo Gardanne à apporter des modifications substantielles à l'exploitation de son usine de fabrication d'alumine visant à cesser le rejet en mer de résidus de fabrication tout en maintenant le rejet d'un effluent liquide résiduel et fixant à cette société des prescriptions techniques visant à protéger les intérêts mentionnés aux articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l'environnement. A la demande de l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), de l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur (FNE PACA) et de l'association France Nature Environnement (FNE), le tribunal administratif de Marseille a, par son jugement du 20 juillet 2018, ramené la durée de la dérogation accordée à la société Altéo Gardanne en ce qui concerne les valeurs limites d'émission de six substances à la date du 31 décembre 2019, en lieu et place du 31 décembre 2021 et réformé en conséquence les articles 4.4.6 et 4.5.2 de l'arrêté du 28 décembre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône. La société Altéo Gardanne relève appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Aucune règle ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'un requérant réduise ses prétentions en cours d'instance, y compris après l'expiration du délai d'appel. Si dans sa requête, la société Altéo Gardanne demandait la réformation du jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il diminuait la durée de la dérogation qui lui était accordée pour les valeurs limites d'émission de six substances, dans le dernier état de ses écritures, elle ne conteste plus cette réduction que pour deux d'entre elles, la demande chimique en oxygène (DCO), d'une part, et la demande biochimique en oxygène pour cinq jours (DBO5), d'autre part. La requérante ayant abandonné toute contestation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé au 31 décembre 2019 la durée de la dérogation, pour l'arsenic, l'aluminium, le fer, et le potentiel hydrogène (pH), la Cour n'est plus saisie à hauteur d'appel, par des conclusions recevables, que du seul litige portant sur la dérogation accordée au titre de la DCO et de la DBO5.

Sur l'objet du litige :

3. Il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mis à leur charge par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

4. Par l'arrêté du 28 décembre 2015 mentionné au point 1, le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé comme valeur limite de rejet dans le milieu naturel une concentration maximale sur 24 heures totale de 800 mg/l pour la DCO et de 80 mg/l pour la DBO5. Le même arrêté a toutefois prévu qu'à la date du 31 décembre 2021 l'exploitant devrait respecter les valeurs limites de 125 mg/l pour la DCO et de 30 mg/l pour la DBO5. Par le jugement attaqué du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a estimé que ces dernières valeurs limites devraient être respectées par la société Altéo Gardanne dès le 31 décembre 2019 et a décidé en conséquence de réformer les articles 4.4.6 et 4.5.2 de l'arrêté du 28 décembre 2015 et de ramener la durée de la dérogation accordée à l'exploitant à la date du 31 décembre 2019 au lieu du 31 décembre 2021.

5. Il résulte toutefois de l'instruction que par un arrêté modificatif du 20 juillet 2018, pris le même jour que le jugement attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé une nouvelle valeur limite de rejet dans le milieu naturel correspondant à une concentration maximale sur 24 heures totale de 533 mg/l pour la DCO. Puis cette limite a été ramenée à 200 mg/l à compter du 1er janvier 2020 par un nouvel arrêté préfectoral du 30 décembre 2019. Le même arrêté a en outre prescrit à l'exploitant de respecter les valeurs limites de 125 mg/l pour la DCO et de 30 mg/l pour la DBO5 à compter du 9 juin 2020. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 30 décembre 2019 ni des éléments de l'instruction que celui-ci présenterait un caractère provisoire ni qu'il aurait été pris pour l'exécution du jugement du 20 juillet 2018 du tribunal administratif. Au demeurant, ainsi que cet arrêté le mentionne explicitement, il repose sur des circonstances de fait survenues postérieurement au jugement. L'intervention de cet arrêté, qu'il ait ou non acquis un caractère définitif, a ainsi eu implicitement mais nécessairement pour effet de mettre fin aux prescriptions fixées par le jugement attaqué en ce qui concerne la DCO et la DBO5. Enfin, la contestation de la légalité de l'arrêté du 30 décembre 2019 en tant qu'il fixe une échéance au 8 juin 2020 et non pas au 30 juin 2020 comme demandé par la société Alteo relève d'un litige distinct de celui qui a été tranché par ce jugement. Dès lors, il n'appartient pas à la Cour d'en connaître dans le cadre de la présente instance. En tout état de cause, l'échéance du 8 juin 2020 a été de plein droit reportée au 29 juin 2020 en vertu des dispositions combinées de l'article 9 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période et du décret n° 220-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de covid-19.

6. Par suite, à la date du présent arrêt, la requête de la société Altéo Gardanne est devenue sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 qu'en tout état de cause il n'y a pas lieu de mettre en cause dans la présente instance les mandataires et administrateurs judiciaires de la société Altéo Gardanne désignés par jugement du 12 décembre 2019 du tribunal de commerce de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Altéo Gardanne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Altéo Gardanne la somme demandée à ce même titre par l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et autres.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Altéo Gardanne à fin de réformation du jugement n° 1610285 du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Altéo Gardanne est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône et autres tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Altéo Gardanne, à l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13), à l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur (FNE PACA) et à l'association France Nature Environnement (FNE).

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire, au préfet des Bouches-du-Rhône, à Maître F... K... et Maître M... A..., mandataires judiciaires et à Maître H... J... et Maître G... C... administrateurs judiciaires de la société Altéo Gardanne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 26 juin 2020.

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N° 18MA04098

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04098
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-04 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DLA PIPER FRANCE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-26;18ma04098 ?
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