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22/06/2020 | FRANCE | N°19MA04602

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 22 juin 2020, 19MA04602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1902305 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 3 octobre 2019 et l'arrêté du préfet du Var du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1902305 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 3 octobre 2019 et l'arrêté du préfet du Var du 27 mai 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- certains des soins et suivi médical nécessités par son état de santé ne peuvent pas se poursuivre en Tunisie ;

- sa prise en charge est complexe, requérant des soins dans des spécialités différentes et sans lien ;

- l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ct du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 9 novembre 1990, relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire qu'il avait obtenue en qualité d'étranger malade et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et s'il existe un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une paralysie de la corde vocale droite et de dysphonie, de troubles psychiatriques et a été opéré en 2010 d'un astrocytome pilocytique de la fosse postérieure. Dans son avis du 25 avril 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si le défaut de traitement pouvait entraîner des risques d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement en Tunisie. Il ressort des certificats médicaux produits qu'une première intervention a été réalisée en 2015 pour traiter la pathologie en lien avec la corde vocale et que la pose d'un implant de Montgomery est envisagée sans date précise pour remédier à l'importance d'une fuite glottique avec forçage vocal. Il ressort également des compte rendus d'IRM cérébraux que le volume lésionnel résiduel lié à l'astrocytome est stable depuis 2017, contrairement à ce que soutient le requérant, et nécessite une surveillance annuelle par IRM. Les certificats médicaux produits par M. B..., émanant pour l'un de son psychiatre le 17 octobre 2019, indiquant qu'" un suivi en métropole est fortement souhaitable ", et pour l'autre d'un médecin généraliste tunisien, qui atteste de ce que l'état de santé de l'intéressé " nécessite un suivi sur le territoire français puisqu'on ne dispose pas d'un plateau technique complet pour une prise en charge en Tunisie " sont insuffisants par leur manque de précision à remettre en cause l'avis porté par le collège de médecins de l'OFII, de même que l'allégation du requérant selon laquelle sa prise en charge est complexe, requérant des soins dans des spécialités différentes et sans lien. Dans ces conditions, le préfet du Var n'a pas méconnu les dispositions du 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'admettre M. B... au séjour pour raisons médicales.

5. En deuxième lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas le fondement de sa demande de titre de séjour et au regard desquelles le préfet du Var n'a pas fait porter son examen.

6. En troisième et dernier lieu, il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, de se prononcer au regard des conditions de délivrance de ce titre prévues par les dispositions qui viennent d'être rappelées au point 2. Il suit de là que, saisi d'une demande présentée sur un fondement déterminé, l'autorité compétente n'est pas tenue de rechercher si la demande de titre de séjour aurait pu être satisfaite sur le fondement d'autres dispositions. Le préfet du Var n'était pas tenu d'examiner d'office si le refus de titre, sollicité sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne portait pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il avait été pris et s'il ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'ayant pas examiné la demande au regard de ces stipulations, le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour, mais reste opérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a vécu de l'âge de trois ans à dix-huit ans avec sa mère et sa fratrie en Tunisie et qu'il est entré en France en 2008 pour raisons de santé, où il a bénéficié d'interventions chirurgicales, notamment en 2010 et 2015. Il ne justifie d'une insertion qui n'est que très récente, ayant travaillé durant un an dans une association en tant qu'ouvrier polyvalent en 2017-2018 et ayant suivi une formation en 2018 pour obtenir un certificat d'aptitude professionnelle de cuisine. Nonobstant le fait qu'il vive avec son père, lequel réside en France depuis de nombreuses années, il est célibataire et sans enfant et ne démontre ni être dépourvu d'attaches en Tunisie ni ne pas pouvoir y être soigné. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en édictant une mesure d'éloignement à son encontre.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 27 mai 2019. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2020.

5

N° 19MA04602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04602
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DANTCIKIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-22;19ma04602 ?
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