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22/06/2020 | FRANCE | N°19MA02242

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 22 juin 2020, 19MA02242


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA02242, le 21 mai 2019, 27 août 2019, 9 octobre 2019 et 28 janvier et 5 février 2020, M. C... G..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le maire de SaintMaximin-la-Sainte-Baume a accordé un permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, autorisant la création d'un espace commercial dénommé " Espace Mirade " de 9 lots et 4 bâtiments, lot A : création d'un magasin à l'enseigne Décathlon d'une

surface de vente de 2.887 m2, lot B : création de quatre moyennes surfaces et un...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 19MA02242, le 21 mai 2019, 27 août 2019, 9 octobre 2019 et 28 janvier et 5 février 2020, M. C... G..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le maire de SaintMaximin-la-Sainte-Baume a accordé un permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, autorisant la création d'un espace commercial dénommé " Espace Mirade " de 9 lots et 4 bâtiments, lot A : création d'un magasin à l'enseigne Décathlon d'une surface de vente de 2.887 m2, lot B : création de quatre moyennes surfaces et une salle de sport totalisant 2.060 m2 de surface, lot C : Restauration rapide (PC à part) et lot D création d'un supermarché à l'enseigne Lidl d'une surface de 2.589 m2, et, sur le territoire de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume déposé par la SCI " Arc Argens ", sur un terrain sis Quartier Mirade, cadastré AL 567, AL 584, AL 644 et AL 646 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et de la SCI Arc Argens la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il dispose d'un intérêt pour agir et a exercé les notifications nécessaires ;

- la décision méconnait l'article R 431-16 du code de l'urbanisme ;

- le projet est incompatible avec les orientations d'aménagement et de programmation du secteur de Mirande ;

- il viole les dispositions de l'article R 11-4 du code de l'urbanisme ;

- il méconnait les dispositions de l'article UB10 du plan local d'urbanisme tant dans son aspect toitures que façades.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juin, 18 octobre 2019 et 4 mars 2020, la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. G... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, M. G... ne disposant pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les autres moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 septembre, 17 octobre 2019 et 30 janvier 2020, la SCI Arc Argens, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que la cour ordonne les mesures de régularisation nécessaires, et à ce qu'il soit mis à la charge de M. G... une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- la requête est irrecevable, M. G... ne disposant pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les autres moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., substituant Me E..., représentant M. G..., de Me B..., représentant la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, et de Me A..., représentant la SCI Arc Argens.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... demande l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le maire de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume a accordé un permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, autorisant la création d'un espace commercial dénommé " Espace Mirade " de 9 lots et 4 bâtiments, lot A : création d'un magasin à l'enseigne Décathlon d'une surface de vente de 2.887 m2, lot B : création de quatre moyennes surfaces et une salle de sport totalisant 2.060 m2 de surface, lot C : Restauration rapide (PC à part) et lot D création d'un supermarché à l'enseigne Lidl d'une surface de 2.589 m2, et, sur le territoire de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume déposé par la SCI " Arc Argens ", sur un terrain sis Quartier Mirade, cadastré AL 567, AL 584, AL 644 et AL 646.

Sur la recevabilité :

2. Il ressort des pièces du dossier que le courrier de réponse au recours gracieux de M. G... porte la date du 18 mars 2019, sans que sa date d'expédition puisse être précisément déterminée, pas davantage que sa date de réception par l'intéressé. Dans ces conditions, la requête déposée le 21 mai 2019 n'est pas tardive.

3. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme prévoit que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. La propriété de M. G... jouxte le terrain qui doit accueillir le projet, dont les constructions seront réalisées à sa proximité immédiate, sur une zone étendue qui a la nature d'un champ. La vue sur ce champ sera remplacée par une vue sur l'arrière du nouveau bâtiment. La hauteur prévue du bâtiment produira une perte d'ensoleillement et son exploitation des nuisances sonores et olfactives, et une forte augmentation du trafic automobile dans le voisinage. Il produit enfin une attestation d'un agent immobilier prévoyant une baisse significative de la valeur vénale de sa propriété. Au total, M. G... dispose d'un intérêt pour demander l'annulation du permis de construire attaqué.

Sur le fond :

5. Aux termes de l'article L. 152-1 du Code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et l'ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. " Aux termes de l'article L. 123-1-4 du même code : " Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation comprennent des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports et les déplacements. / 1. En ce qui concerne l'aménagement, les orientations peuvent définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune. Elles peuvent favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu'en cas de réalisation d'opérations d'aménagement, de construction ou de réhabilitation, un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces ". Aux termes des orientations d'aménagement et de programmation du secteur de Mirande, où est situé le projet : " • Principes de vocation par îlots et de morphologie urbaine:/ La particularité de Mirande est la définition d'un projet mixte, pouvant accueillir des constructions à usage commercial, de services et bureaux, comme d'habitations. / Mirande accueillera plusieurs îlots bâtis structurés par le maillage viaire du quartier. Ces îlots seront de taille, de fonction et d'usages variés :/ • les îlots 1 à 5 seront destinés à l'accueil de constructions à usage d'habitation, de commerces, de services et de bureaux/ • l'îlot 6 sera destiné à accueillir un groupe scolaire. / Le groupe scolaire constituera le point de centralité, au milieu de constructions d'habitat et de commerces. Les autres îlots se caractériseront par des usages mixtes, avec toutefois une dominante plus résidentielle sur la partie Sud (îlots 2 à s). / Dans l'ensemble du futur quartier, les commerces ne seront autorisés qu'au premier niveau des constructions (rez-de-chaussée).

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause, à vocation commerciale, occupera l'intégralité de l'ilot n°1. Il aura une fonction uniquement commerciale, et méconnait donc la vocation mixte du secteur, la condition de mixité devant s'apprécier, aux termes des dispositions précitées ilots par ilots, et non pas au regard des six ilots de la zone. La circonstance que le projet ne prévoit une construction qu'en rez-de-chaussée est sans effet sur l'incompatibilité du projet aux orientations d'aménagement et de programmation. Contrairement aux affirmations de la commune, ces orientations définissent une action ou une opération portant sur l'aménagement d'un quartier ou d'un secteur au sens des dispositions du 1 de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme citées au point 2 et comporte des dispositions qui sont au nombre de celles qui peuvent être définies au titre de ces mêmes dispositions. Au total, le projet est incompatible avec les orientations d'aménagement et de programmation du secteur de Mirande.

7. Aux termes du plan local d'urbanisme de la commune : " Article UB 10 : aspects extérieurs des constructions et aménagements de leurs abords ... 2 • Dispositions particulières/ 2.1. Les couvertures a) Pentes/ Les toitures sont simples, généralement à deux pentes opposées. Les toitures terrasses sont autorisées sous réserve d'être réalisées dans un projet d'ensemble garantissant la bonne intégration architecturale et urbaine des constructions. / b) Couvertures/ Pour les constructions à toitures en pentes, les couvertures doivent être exécutées en tuiles rondes, "canal" de même couleur que les tuiles environnantes. Les tuiles plates mécaniques et les éverites non recouvertes sont interdites. Des panneaux vitrés destinés à l'éclairage zénithal de surface sont autorisés s'ils ne dépassent pas 10% de la surface de la toiture. Les toitures terrasses doivent être plantées, gravillonnées ou dallées avec des matériaux garantissant leur bonne intégration architecturale et urbaine ". Contrairement à ce que soutient la commune la condition tenant à la garantie d'un bonne intégration architecturale et urbaine et celle imposant aux toitures d'être plantées, gravillonnées ou dallées ne sont pas alternatives, mais cumulatives. Or, il est constant que les toits en terrasses seront réalisés en bacs isolés avec une membrane d'étanchéité pvc grise, et en conséquence, en méconnaissance les dispositions précitées du plan local d'urbanisme.

Sur la demande d'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L600-5 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive. ". Aux termes de l'article L600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

9. Il résulte de ces dispositions que si le juge administratif peut être tenu de surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable dont il est saisi, en vue de permettre la régularisation en cours d'instance d'un vice qui entache la décision litigieuse et entraîne son illégalité, c'est à la condition que, à la date à laquelle il se prononce, une autorisation d'urbanisme puisse légalement intervenir pour régulariser le projet, compte tenu de ses caractéristiques, de l'avancement des travaux et des règles d'urbanisme applicables, dans les mêmes conditions que si l'autorisation d'urbanisme initiale avait été annulée pour excès de pouvoir.

10. Le présent arrêt a relevé deux illégalités tenant respectivement au non-respect des orientations d'aménagement et de programmation de la zone du projet, et des dispositions du plan local d'urbanisme relatives aux toitures. Si la seconde paraît susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation, tel n'est pas le cas de la première, qui interdit toute construction de caractère non mixte. La réalisation du projet en cause nécessite donc, en tout état de cause, des modifications substantielles qui excèdent celles pouvant être réalisés dans le cadre des dispositions précitées du code de l'urbanisme. La demande fondée sur les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 précités ne peut qu'être rejetée.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le permis de construire délivré à la SCI Arc Argens ne peut qu'être annulé.

Sur les frais du litige :

12. Les demandes formulées par la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, M. G... n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et de la SCI Arc Argens une somme de 2000 euros chacune à verser à M. G....

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le maire de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume a accordé un permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, autorisant la création d'un espace commercial dénommé " Espace Mirade " est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et de la SCI Arc Argens sont rejetées.

Article 3 : Il est mis à la charge de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et de la SCI Arc Argens une somme de 2 000 euros chacune, à verser à M. G....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, à la SCI Arc Argens, à M. C... G... et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera délivrée au préfet du Var et au procureur de la République de Toulon.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. H..., président assesseur,

- Mme J..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2020.

6

N° 19MA02242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02242
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-22;19ma02242 ?
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