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18/06/2020 | FRANCE | N°19MA00770

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 18 juin 2020, 19MA00770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1806755 du 11 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te, enregistrée le 12 février 2019, M. D... F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1806755 du 11 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2019, M. D... F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait quant à la résidence habituelle en France du requérant ;

- l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFFII) est incomplet car les éléments de procédure font défaut en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle est entachée d'erreur de fait à la fois en ce qui concerne la présence habituelle en France du requérant et la disponibilité en Algérie du Baraclude, indispensable au traitement de la pathologie de M. F... ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et méconnaît l'article L. 511-4 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 21 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. F... et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 11 janvier 2019, dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. F... soutenait dans sa demande de première instance que l'arrêté du 21 juin 2018 était entaché d'erreur de fait à deux titres, d'une part en ce qu'il indique que l'intéressé ne justifie pas d'une résidence habituelle en France, d'autre part en ce qu'il indique que l'intéressé peut bénéficier d'une prise en charge médicale en Algérie. Le tribunal a répondu au moyen tiré de l'erreur de fait s'agissant de la disponibilité en Algérie du traitement nécessaire à la prise en charge médicale de la pathologie du requérant. En revanche, il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait en ce qui concerne le défaut de présence habituelle en France du requérant, lequel moyen n'était pas inopérant. Le tribunal a ainsi entaché son jugement d'irrégularité, et le requérant est dès lors fondé à en demander l'annulation.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu d'évoquer l'affaire et d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par M. F... devant le tribunal et la Cour.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 juin 2018 :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, par arrêté du 26 février 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône, M. E..., signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation aux fins de signature des arrêtés portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de la destination du pays d'éloignement. Le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été signé par une autorité incompétente doit dès lors être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de cet article 6 de l'accord francoalgérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence présentées par des ressortissants algériens, dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 31322. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration " ;

6. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. Il ressort de l'avis rendu par les médecins de l'OFFII que ceux-ci doivent être regardés comme ayant indiqué qu'aucune convocation pour examen n'avait été effectuée et aucun examen complémentaire ni justification d'identité n'avaient été demandés. Le moyen tiré de ce que cet avis aura été rendu en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

8. En troisième lieu, les articles de presse et le certificat médical produits par M. F... sont trop imprécis pour établir que le traitement nécessaire à la prise en charge médicale de la pathologie dont il est affecté ne serait pas disponible en Algérie et qu'il ne pourrait pas effectivement en bénéficier dans ce pays.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " . Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est célibataire sans enfant. Il ne peut être regardé comme dépourvu d'attaches familiales en Algérie, son pays d'origine, où résident ses parents et où il a vécu pour le moins jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. L'attestation produite par la soeur du requérant n'est pas de nature à établir que la présence de M. F... serait indispensable à ses côtés. Dans ces conditions, le requérant ne justifie pas avoir constitué en France le centre de ses attaches familiales. En lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit à mener une vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel cette décision a été prise.

11. En cinquième lieu, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris légalement la même décision s'il ne s'était pas fondé sur la circonstance que le requérant ne justifierait pas d'une résidence habituelle sur le territoire français.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. M. F... n'établissant pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de celle-ci ne peut qu'être écarté.

13. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) ; 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...). ".

14. Pour les motifs développés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé demander l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2018. Ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie essentiellement perdante à l'instance, la somme que demande le requérant sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. F... devant le tribunal administratif de Marseille et la Cour est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. C... président assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 19MA00770

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00770
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : LARCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-18;19ma00770 ?
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