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18/06/2020 | FRANCE | N°18MA05481

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 18 juin 2020, 18MA05481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me E... G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le maire de la commune Briançon lui a refusé la délivrance d'un permis de construire portant sur des travaux de rénovation et d'extension des immeubles existants sur les parcelles cadastrées section AH n° 52 et 53, anciennement à usage de clinique privée et destinés à des logements d'habitation. Le projet prévoit que l'accès véhi

culaire se fait par une descente existante.

Par un jugement n° 1601677 du 25 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me E... G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le maire de la commune Briançon lui a refusé la délivrance d'un permis de construire portant sur des travaux de rénovation et d'extension des immeubles existants sur les parcelles cadastrées section AH n° 52 et 53, anciennement à usage de clinique privée et destinés à des logements d'habitation. Le projet prévoit que l'accès véhiculaire se fait par une descente existante.

Par un jugement n° 1601677 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 mai 2019, Me E... G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2015 du maire de la commune de Briançon portant refus de permis de construire ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Briançon de réexaminer la demande de permis de construire déposée par la commune de Briançon, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'à ce que les juridictions judiciaires se soient prononcées sur la propriété de la rampe d'accès en litige ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Briançon une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- le permis de construire a été refusé au motif que le dossier ne comprendrait pas l'autorisation du gestionnaire de la voirie ; or elle justifie être propriétaire de la rampe d'accès ;

- elle bénéficie en tout état de cause d'une prescription acquisitive trentenaire sur la rampe qui dessert uniquement sa propriété et donne accès à un garage existant ;

- le projet ne prévoit aucune modification de l'accès à la voie communale ; les services techniques municipaux ne pouvaient donc être consultés ; et leur avis a exercé une influence sur le sens de la décision ;

- le maire s'est estimé à tort lié par les avis des services techniques.

Par des mémoires enregistrés les 11 mars et 12 juin 2019, la commune de Briançon, représentée par le cabinet ASEA, agissant par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du défendeur de la somme de 3 000 euros ;

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- elle demande une substitution de motifs tirée des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme car la requérante ne justifie pas de la propriété de la rampe d'accès à son projet.

Par courrier du 12 mars 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 6117-3 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de prononcer d'office à l'encontre de la commune de Briançon une injonction de délivrer un permis de construire.

Par des mémoires enregistrés les 13 et 24 mars 2020, la commune de Briançon fait valoir que l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative n'est pas applicable aux procédures en cours et qu'eu égard à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SCI le Paradis, celle-ci ne dispose plus de la personnalité morale et ne peut dès lors se voir délivrer un permis de construire ; la procédure devant la Cour est d'ailleurs devenue sans objet.

Par des mémoires enregistrés les 13 et 23 mars 2020, le requérant demande à la Cour d'enjoindre à la commune de Briançon de délivrer le permis de construire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., substituant Me H..., représentant le requérant, et de Me C... substituant Me A..., représentant la commune de Briançon.

Une note en délibéré a été produite le 9 juin 2020 par Me G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis.

Considérant ce qui suit :

Sur le non-lieu à statuer :

1. La SCI Le Paradis a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le maire de la commune Briançon lui a refusé la délivrance d'un permis de construire portant sur des travaux de rénovation et d'extension des immeubles existants sur les parcelles cadastrées section AH n° 52 et 53, anciennement à usage de clinique privée et destinés à des logements d'habitation. Par un jugement du 25 octobre 2018, dont Me B..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, relève appel, le tribunal a rejeté la demande de ladite SCI tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Il appartient au liquidateur judiciaire, qui administre les biens du débiteur, de relever appel, s'il s'y croit fondé, d'un jugement qui a rejeté une demande d'annulation d'un refus de permis de construire opposé au débiteur. Dès lors, la circonstance que la SCI Le Paradis fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, non encore clôturée, ne rend pas sans objet l'appel formé par son liquidateur. Il y a lieu encore lieu de statuer sur sa requête.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2015 :

3. L'arrêté contesté est motivé par le fait que le projet en litige prévoit que l'accès véhiculaire se fait par une descente existante qui fait partie du domaine public communal et que le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas de pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager une procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, conformément à l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme.

4. L'article R. 431-13 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ".

5. En l'absence de titre en attribuant la propriété aux propriétaires des parcelles en bordure desquelles il est édifié ou à des tiers, un chemin situé en aval d'une voie publique et dont il contribue au soutènement, doit être regardé comme un accessoire de la voie publique, même s'il a aussi pour fonction de permettre la desserte d'une construction privée.

6. En se bornant à se prévaloir d'un acte notarié du 5 avril 1859 dépourvu de précision quant à la propriété de la dépendance en cause, d'un autre acte notarié du 17 janvier 2005, qui n'est pas plus précis, et du relevé d'un géomètre dépourvu de caractère probant, la SCI Le Paradis ne justifie pas d'un titre lui attribuant la propriété de la descente.

7. En revanche, il ressort des pièces du dossier que la rampe d'accès en cause, située en dessous de la route de Grenoble, n'a pas vocation à soutenir cette voie publique passant en surplomb et a une fonction parfaitement autonome de celle de la route, qui est de permettre l'accès à l'immeuble objet du permis de construire en litige. Elle n'est pas un accessoire de cette voie publique et n'appartient pas au domaine public communal. La requérante est donc fondée à soutenir que le maire de la commune de Briançon ne pouvait pas légalement se fonder sur les dispositions de l'article R. 431-13 pour refuser le permis de construire.

8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique ". En vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce, la demande de permis de construire comporte " l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. "

10. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude. Lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande.

11. Le maire de la commune de Briançon ne disposait à la date de l'arrêté attaqué d'aucune information de nature à établir le caractère frauduleux de l'attestation produite par le pétitionnaire ou faisant apparaître que le pétitionnaire n'aurait disposé d'aucun droit à déposer cette attestation, puisque la rampe d'accès à l'immeuble objet du permis de construire ne constitue pas une dépendance du domaine public, ainsi qu'il a été dit précédemment. La commune de Briançon n'est donc pas fondée à soutenir que le permis de construire pouvait être refusé sur le fondement de l'article R. 423-1 et sa demande de substitution de motifs doit dès lors être rejetée.

12. Il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande et à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que de l'arrêté du 1er octobre 2015.

13. Pour l'application de l'article L. 60041 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier.

Sur l'injonction :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, issu des dispositions de la loi 2029-222 du 23 mars 2019, mais applicable aux procédures en cours, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

15. Il résulte de l'instruction qu'aucun motif n'est de nature à justifier le refus de délivrer le permis de construire sollicité. Si la commune de Briançon souligne que la SCI Le Paradis fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, cette circonstance ne fait pas obstacle à la délivrance d'un permis de construire, eu égard à l'indépendance des législations. Il y a lieu dans ces conditions d'enjoindre à la commune de Briançon de délivrer le permis de construire à Me G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI du Paradis, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Me G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande la commune de Briançon sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Briançon une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 1er octobre 2015 du maire de la commune Briançon sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Briançon de délivrer un permis de construire à Me G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Briançon versera à Me G..., es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Le Paradis, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... G..., es qualité de liquidateur de la SCI Le Paradis, à la SCI le Paradis et à la commune de Briançon.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, où siégeaient :

- M. Poujade président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Baizet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18MA05481

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05481
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : ROMA-COLLIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-18;18ma05481 ?
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