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16/06/2020 | FRANCE | N°19MA01434

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 juin 2020, 19MA01434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 et " des années antérieures " ainsi que le règlement des intérêts moratoires sur les impôts déjà acquittés.

Par un jugement n° 1601566 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2

7 mars 2019, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 et " des années antérieures " ainsi que le règlement des intérêts moratoires sur les impôts déjà acquittés.

Par un jugement n° 1601566 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2019, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 1 000 euros au titre de l'article R. 761-1.

Ils soutiennent que :

- en application du premier alinéa de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, un dégrèvement d'office devra être prononcé au titre des années antérieures aux années en litige ;

- les pensions de retraite perçues par Mme A... sont exonérées d'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 18 de la convention fiscale franco-américaine, dont les stipulations ont été reprises à l'article VI de l'instruction 14 A-6-10 du 2 septembre 2010, ainsi qu'en application du b) de la section 19 de l'article 6 de la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, retranscrit au bulletin officiel du 2 juin 2005 sous la référence 5 B-16-05, et des articles 34 et 38 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la doctrine référencée au BOI-RS-PENS-10-10-10-10 n°10.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée générale des Nations Unies le 21 novembre 1947 ;

- la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques ;

- la convention conclue le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ancienne fonctionnaire du Haut-Commissariat pour les réfugiés à Genève, a été assujettie à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre de ses pensions de retraite conformément à ses déclarations et au titre des revenus des années 2012, 2013 et 2014. Mme A... a sollicité l'exonération de ces revenus. Sa demande ayant été rejetée le 25 mars 2016, M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu relatives aux pensions de retraite de Mme A... perçues au titre de ces années. Ils relèvent appel du jugement du 28 janvier 2019 qui a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales :

2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard e 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) ". L'article R. 211-1 du même code dispose : " La direction générale des finances publiques (...) peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d'instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée. ".

3. La décision par laquelle le directeur général des finances publiques décide de prononcer un dégrèvement ou une restitution d'office sur le fondement de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales présente un caractère purement gracieux. Il résulte de ces dispositions que le contribuable n'a aucun droit à un dégrèvement d'office et qu'il n'appartient à la juridiction administrative ni d'apprécier l'usage fait par l'administration des pouvoirs qu'elle tient de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, ni de se substituer à elle pour, le cas échéant, prononcer un dégrèvement d'office. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander à la Cour de prononcer " le dégrèvement d'office au titre des impôts prescrits au titre des années antérieures " à celles en litige.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt de rechercher d'abord si l'imposition contestée a été valablement établie au regard de la loi fiscale nationale et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". L'article 4 B du même code, dans sa rédaction applicable, dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile en France au sens de l'article 4 A : a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) ". Aux termes de l'article 79 de ce code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ".

6. Il est constant que Mme A... a en France son foyer et son lieu de séjour principal. Par suite, sous réserve de l'application des conventions internationales, elle est fiscalement domiciliée en France et est imposable sur l'ensemble de ses revenus, notamment sur ses pensions de retraite, qui, en vertu de l'article 79 du code général des impôts, concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 de la convention conclue le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis : " 1. Les sommes payées en application de la législation sur la sécurité sociale ou d'une législation similaire d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant ou à un citoyen des Etats-Unis, ainsi que les sommes versées dans le cadre d'un régime de retraite et autres rémunérations similaires qui proviennent de l'un des Etats contractants au titre d'un emploi antérieur à un résident de l'autre Etat contractant, sous la forme de versements périodiques ou d'une somme globale, ne sont imposables que dans le premier Etat (...) ".

8. Les requérants soutiennent que les pensions de retraite perçues par Mme A... seraient exonérées en vertu des stipulations de l'article 18 de la convention franco-américaine. Toutefois, ils n'apportent aucun élément de nature à justifier que ces pensions proviendraient des Etats-Unis. La seule circonstance que le siège social de l'Organisation des Nations Unies se situe aux Etats-Unis ne permet pas, à elle seule, d'établir que les pensions de retraite versées par la caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies constituent des revenus de source américaine. En outre, les requérants affirment eux-mêmes que les pensions versées par cette caisse ne sont pas un revenu de source américaine et ne sont pas imposables aux Etats-Unis. Par suite, les requérants doivent être imposés à raison des pensions de retraite perçues par Mme A..., conformément aux dispositions du code général des impôts, sans qu'ils ne puissent utilement faire valoir que la convention est, en vertu des dispositions constitutionnelles françaises, de valeur supérieure à la loi, les stipulations de cette convention n'ayant pour objet que d'éviter les doubles impositions. Ainsi, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'article 18 de la convention fiscale franco-américaine.

9. En troisième lieu, aux termes de la section 19 de l'article 6 de la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 21 novembre 1947, en vigueur depuis le 2 août 2000 : " Les fonctionnaires des institutions spécialisées : (...) b) Jouiront, en ce qui concerne les traitements et émoluments qui leur sont versés par les institutions spécialisées, des mêmes exonérations d'impôt que celles dont jouissent les fonctionnaires de l'Organisation des Nations unies et dans les mêmes conditions (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces stipulations qu'elles ne visent pas les pensions de retraite. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils devraient bénéficier de l'exonération fiscale définie au b) de la section 19 de l'article 6 de cette convention.

10. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 : " Les fonctions d'une mission diplomatique consistent notamment à : a. représenter l'Etat accréditant auprès de l'Etat accréditaire ; b. protéger dans l'Etat accréditaire les intérêts de l'Etat accréditant et de ses ressortissants, dans les limites admises par le droit international ; c. négocier avec le gouvernement de l'Etat accréditaire ; d. s'informer par tous les moyens licites des conditions et de l'évolution des événements dans l'Etat accréditaire et faire rapport à ce sujet au gouvernement de l'Etat accréditant ; e. promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques, culturelles et scientifiques entre l'Etat accréditant et l'Etat accréditaire ". L'article 34 de la même convention stipule : " L'agent diplomatique est exempt de tous impôts et taxes, personnels ou réels, nationaux, régionaux ou communaux ". En vertu de l'article 1er de la même convention, l'expression " agent diplomatique " s'entend du chef de la mission ou d'un membre du personnel diplomatique de la mission.

11. Si les requérants soutiennent que les pensions de retraite en litige sont exonérées d'impôt sur le revenu en vertu des stipulations précitées, ils ne justifient ni même n'allèguent que Mme A... avait la qualité d'agent diplomatique. Par suite, ils ne peuvent utilement se prévaloir de la convention de Vienne.

12. En dernier lieu, à supposer que M. et Mme A... entendent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la doctrine administrative exprimée dans l'instruction fiscale BOI-RSA-PENS-10-10-10-10 du 20 juillet 2016, ils ne peuvent utilement l'invoquer, cette doctrine étant postérieure aux années d'imposition en litige.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

15. D'autre part, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

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N° 19MA01434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01434
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : GUILBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;19ma01434 ?
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