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16/06/2020 | FRANCE | N°18MA04257

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 juin 2020, 18MA04257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703637 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2018, M. D..., représenté par Me

B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2018 du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703637 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le service ne pouvait remettre en cause la déduction des charges foncières engagées sur le bien dont il est propriétaire sur le territoire de la commune de Villeperdue (Indre-et-Loire) au motif qu'il s'en était réservé la jouissance, dès lors que ce bien est donné en location à son fils, selon un bail verbal ;

- il ne pouvait remettre en cause une partie des dépenses de travaux engagées sur cet immeuble, inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, dès lors que ces dépenses étaient nécessaires à la protection de l'ensemble architectural ;

- il est fondé à se prévaloir de la réponse ministérielle A... du 17 mars 1997, reprise au BOI-RFPI-SPEC-30-20-10 paragraphe 80.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est propriétaire du Château de Boisbonnard situé à Villeperdue (Indre-et-Loire) classé à l'inventaire des monuments historiques. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause les déficits déclarés dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 2012 et 2013. Il relève appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquelles il a été ainsi assujetti.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par les parties, ont suffisamment exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que les dépenses engagées dans le cadre des travaux concernant l'immeuble appartenant à M. D... n'étaient pas déductibles. Par suite, le tribunal a suffisamment motivé son jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. En premier lieu, aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. ". L'article 28 du même code dispose que : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Aux termes de l'article 31 du même code, dans sa rédaction applicable : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...). ". Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

4. Si M. D... fait valoir qu'il a conclu un contrat de location verbal avec son fils pour les années en litige, il ne l'établit pas en se bornant à produire une quittance de loyer établie par ses soins au titre de l'année 2012, dépourvue de date certaine, et une attestation établie par son fils, le 18 février 2016, aux termes de laquelle les loyers étaient réglés en numéraire. M. D... ne produit aucun relevé bancaire justifiant du versement effectif des loyers. La circonstance que son fils a déclaré sa résidence fiscale à cette adresse où il a été assujetti à la taxe d'habitation au titre de l'année 2013, ne permet pas d'établir que les locaux occupés ont été mis à disposition à titre onéreux. Ainsi, l'administration fiscale a pu, à bon droit, estimer que M. D... s'était réservé la jouissance du bien litigieux. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause les charges déclarées par M. D... dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 2012 et 2013.

5. En second lieu, aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...). II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 1° ter. Dans les conditions fixées par décret, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire (...) ". Aux termes de l'article 41 E de l'annexe III au même code : " Dans la mesure où elles ne sont pas déduites des revenus visés à l'article 29, deuxième alinéa, du code général des impôts, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire et dont le propriétaire se réserve la jouissance peuvent être admises en déduction du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu dans les conditions et limites définies aux articles 41 F à 41 I ". Enfin, aux termes de l'article 41 F de la même annexe : " I. Les charges visées à l'article 41 E comprennent tout ou partie des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à d du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts. / Ces charges sont déductibles pour leur montant total si le public est admis à visiter l'immeuble et pour 50 % de leur montant dans le cas contraire. (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 31 et 156 du code général des impôts que, dans le cas où seules certaines parties du monument ont été classées ou inscrites, ne sont déductibles à ce titre que les dépenses se rapportant à des travaux, des fournitures ou des services qui sont nécessaires à la conservation et à l'entretien des parties classées ou inscrites, soit que ces travaux concernent directement ces parties du monument, soit qu'ils soient rendus indispensables à leur préservation par l'état général de l'immeuble.

6. Il résulte de l'instruction que l'immeuble litigieux a fait l'objet, par arrêté du 15 janvier 1990, d'une inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques pour les cinq tours, les douves et l'escalier droit du logis principal. Les dépenses dont M. D... sollicite la déduction portent sur la réhabilitation de logements, la pose de carrelages dans une salle de bains, de lambris, de plinthes et d'huisseries, l'installation d'une antenne de télévision, le remontage d'une pompe et le remplacement de vannes et tuyaux de piscine, et la dépose d'un chauffe-eau. Il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses litigieuses étaient afférentes aux parties inscrites de l'immeuble. Si M. D... se prévaut de la lettre de l'architecte des bâtiments de France du 18 mars 2016 rédigée à la suite d'une visite sur place le 11 mars 2016, soit postérieure aux années contrôlées, cette lettre vise de manière imprécise des " travaux de maçonnerie, menuiserie, charpente et couverture " qui ont été réalisés sur la propriété et ne permet pas d'établir que les travaux en litige étaient nécessaires à la conservation des parties classées en ce qu'ils auraient été rendus indispensables à leur préservation par l'état général de l'immeuble. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé l'imputation, sur le revenu global de M. D... du déficit foncier procédant de la déduction des charges supportées par lui à l'occasion des travaux effectués sur l'immeuble en cause.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ".

8. M. D... se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. A..., député, publiée au Journal officiel des débats du 17 mars 1997, qui rend applicable le régime fiscal dérogatoire prévu par les dispositions du 3° du I de l'article 156 précité aux déficits fonciers relatifs aux parties non inscrites de l'immeuble, à la condition que le classement vise à la protection de l'ensemble architectural et ne se limite pas à des éléments isolés et dissociables. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6, l'immeuble litigieux a fait l'objet d'un classement partiel comme monument historique. Le classement des cinq tours, des douves et de l'escalier droit du logis principal est ainsi limité à des éléments isolés et dissociables et ne peut être regardé comme visant à la " protection de l'ensemble architectural " que constitue le château. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à demander à ce que l'ensemble des dépenses en litige soient admises en déduction de son revenu global sur le fondement de la réponse ministérielle dans les prévisions desquelles il ne rentre pas.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

11. D'autre part, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. D... tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction des services fiscaux de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

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N° 18MA04257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04257
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP VILLECHENON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;18ma04257 ?
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