Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 3 octobre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et prononçant à son encontre une interdiction du territoire pour une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 1905283 du 7 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il ne peut faire l'objet d'une obligation à quitter le territoire français dès lors qu'il est placé sous contrôle judiciaire ;
- cette obligation méconnaît l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme dès lors qu'elle lui interdit d'être présent pendant l'instruction de l'affaire dans laquelle il est mis en examen ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme ;
- il méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il présente des garanties de représentation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est, par voie de conséquence, illégale et méconnaît, en outre, l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... G..., présidente de la Cour,
- et les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité albanaise, demande l'annulation du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 3 octobre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire sans délai :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens soulevés par M. A..., tirés de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise et de la méconnaissance par l'arrêté attaqué de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme, qui ont été précédemment invoqués dans les mêmes termes devant le juge de première instance, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 8 de son jugement, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation. En particulier, si le requérant justifie que ses deux enfants sont scolarisés en école maternelle, cette circonstance ne saurait établir, à elle seule, qu'ils auraient, eu égard à leur âge et à leur niveau scolaire, noué sur le territoire français des liens tels qu'ils ne pourraient accompagner leurs parents dans leur pays d'origine.
3. En deuxième lieu, le certificat médical établi par un médecin généraliste du centre hospitalier de Béziers qui indique que M. A... " présente une pathologie virale chronique avec indication d'un traitement par Entecavir " ne saurait, à lui seul, établir que " son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", au sens du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".
5. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire aux motifs qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français en date du 23 mai 2018, qu'il ne justifie pas disposer d'un domicile fixe et stable et qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. La circonstance qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et que ses enfants sont scolarisés à Montpellier ne sauraient suffire à démontrer que le préfet a méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
6. La circonstance que M. A... faisait, à la date de l'arrêté attaqué, l'objet de poursuites pénales et notamment d'une mesure de contrôle judiciaire ordonnée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Foix lui imposant, en particulier, de " ne pas sortir des limites du territoire national ", ne faisait obstacle ni à ce que le préfet prenne à son encontre une mesure administrative d'obligation de quitter le territoire français, ni même refuse de lui accorder un délai de départ volontaire, étant, toutefois, précisé que l'exécution de cette mesure est subordonnée à la levée par le juge judiciaire de l'interdiction de sortie du territoire français dont il fait l'objet.
7. Si l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme impose à l'autorité devant laquelle une personne est accusée de respecter les droits garantis par ces stipulations et notamment le droit de l'accusé de se défendre lui-même, il ne saurait faire obstacle au prononcé par une autre autorité d'une mesure administrative étrangère au procès, dans les conditions prévues par la loi. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme, pour contester l'obligation de quitter le territoire français qui lui est imposée.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A... :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...). / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français./ (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
9. En premier lieu, les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire étant écartées, il n'est pas fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il fait l'objet par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
10. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme, pour contester cette interdiction de retour.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 octobre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.
12. Il y a, toutefois, lieu de rappeler, ainsi qu'il a été dit au point 6, que l'exécution de cette mesure est subordonnée à la levée par le juge judiciaire de l'interdiction de sortie du territoire français dont M. A... fait l'objet.
Sur les frais de l'instance :
13. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise, à ce titre, une somme à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet de Hérault.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, où siégeaient :
- Mme E... G..., présidente de la Cour,
- Mme F... H..., présidente assesseure,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2020.
5
N° 20MA00687