Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Téléphériques des glaciers de la Meije a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner la commune de La Grave à lui verser, d'une part, la somme de 1 201 289,30 euros au titre des investissements réalisés et non amortis à la fin de la concession dont elle était titulaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable et du produit de leur capitalisation et, d'autre part, la somme de 256 900 euros au titre de l'indemnisation des biens dits de reprise ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer le montant des indemnités qui lui sont dues.
Par un jugement n° 1706236 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de La Grave à verser à la société Téléphériques des glaciers de la Meije la somme de 1 003 145 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017, et a ordonné la capitalisation de ces intérêts à compter du 1er septembre 2018 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 novembre 2019 et 4 février 2020, la commune de La Grave, représentée par Me C..., demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019, sur le fondement des dispositions de l'article R. 81115, R. 81116 et R. 811-17 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- eu égard à la situation financière de la société Téléphériques des glaciers de la Meije et à son absence d'activité, la commune est exposée au risque de ne pas pouvoir recouvrer la somme au versement de laquelle elle a été condamnée si la Cour estimait son appel fondé ;
- eu égard à sa propre situation financière, la condamnation l'expose à des conséquences difficilement réparables ;
- elle soulève des moyens sérieux dans sa requête d'appel au fond, tirés respectivement, d'une part, de l'irrégularité du jugement en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré du défaut de préjudice subi par la société en raison de l'indemnisation, par son assureur, des travaux de changement de câbles et, d'autre part, de l'absence de droit à indemnisation des travaux réalisés par le concessionnaire lorsqu'ils constituent des biens de retour.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2020, la société Téléphériques des glaciers de la Meije, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de la commune de La Grave ;
2°) à titre subsidiaire, de lui enjoindre, ainsi qu'elle s'offre elle-même de le faire, de consigner sur le compte Carpa de son conseil ou sur tout autre compte la somme perçue en exécution du jugement du 5 novembre 2019 ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de La Grave en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par la commune de La Grave sont infondés ;
- elle est disposée à consigner la somme allouée par le tribunal afin d'en garantir la restitution en cas de réformation du jugement attaqué.
Par ordonnance du 11 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 février 2020.
Un mémoire présenté par la société Téléphériques des glaciers de la Meije et enregistré le 28 février 2020 n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu la requête au fond n° 19MA05156, enregistrée le 28 novembre 2019.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me C... représentant la commune de La Grave.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 15 juin 1987, la commune de La Grave a confié à la société Téléphériques des glaciers de la Meije la construction et l'exploitation des remontées mécaniques du versant nord du massif de la Meije pour une durée de trente ans. A l'expiration de ce contrat, la société Téléphériques des glaciers de la Meije a sollicité l'indemnisation du défaut d'amortissement des travaux de remplacement des câbles porteurs du deuxième tronçon et du câble d'alimentation électrique atteignant l'altitude de 3 200 mètres, ainsi que l'indemnisation du transfert sans compensation financière de biens de reprise transmis au nouveau concessionnaire. Par jugement du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la première de ces deux demandes à hauteur de 944 945 euros et à la seconde à hauteur de 58 200 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative :
2. En vertu de ces dispositions : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. ".
3. Il résulte de l'instruction que la société TGM n'a plus aucune activité économique depuis que la concession dont elle était titulaire a pris fin, et que son commissaire aux comptes a d'ailleurs émis une réserve sur l'hypothèse de continuité d'exploitation retenue dans les comptes sociaux pour l'année 2018. Il résulte en outre des pièces comptables et produites que le capital de la société est de 400 000 euros tandis que ses dettes s'élèvent à 340 000 euros. Enfin, il résulte des articles 36 et 37 des statuts de la société, qui a versé un total de 905 000 euros de dividendes à ses actionnaires au cours des trois derniers exercices, que sa dissolution est possible dès lors que les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social, hypothèse qui s'est concrétisée au cours de l'année 2019, ce qui a conduit l'assemblée générale des actionnaires à adopter une résolution de continuité d'activité à titre purement temporaire. Eu égard à l'absence de matérialité et d'activité économique de la société, à sa situation économique et à la faculté discrétionnaire de dissolution dont disposent ses actionnaires, la commune de La Grave est fondée à soutenir que l'exécution du jugement risque de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies par le juge du fond, alors même que la société prendrait l'engagement de consigner le montant de la condamnation, ce qu'il n'appartient pas au juge administratif de lui enjoindre de faire.
4. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Grave est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Téléphériques des glaciers de la Meije sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de La Grave, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête n° 19MA05156 de la commune de La Grave contre le jugement n° 1706236 du tribunal administratif de Marseille en date du 5 novembre 2019, il sera sursis à l'exécution de l'article 1er de ce jugement.
Article 2 : Les conclusions de la société Téléphériques des glaciers de la Meije tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Grave et à la société Téléphériques des glaciers de la Meije.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2020, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme F... G..., présidente assesseure,
- M. E... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2020.
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N° 19MA05157
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