Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes P... et G... K..., M. N... K... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Béziers et la Société d'équipement du Biterrois et de son littoral (SEBLI) au paiement d'indemnités de, respectivement, 122 232,38 euros pour les consorts K... et de 335 262,21 euros pour Mme E....
Par un jugement n° 1304523 du 12 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné, d'une part, la commune de Béziers et la SEBLI, prises solidairement, à verser les sommes de 60 099,59 euros et de 827,20 euros aux consorts K... et les sommes de 235 233,17 euros et de 3 765,96 euros à Mme E... et, d'autre part, la société SEBLI à garantir la commune de Béziers de la totalité des condamnations ainsi mises à sa charge.
Par un arrêt n° 15MA03411 du 7 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, d'une part, a porté à 75 627 euros le montant de l'indemnité allouée aux consorts K... et à 259 694 euros le montant de l'indemnité allouée à Mme E..., d'autre part, condamné la commune de Béziers à relever et garantir le société SEBLI des condamnations prononcées contre elle.
Par une décision n° 417966 du 1er février 2019, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la commune de Béziers, annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions d'appel en garantie de la commune de Béziers à l'encontre de la société Viaterra, venue aux droits de la société SEBLI, et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés initialement sous le n° 15MA03411 le 12 août 2015, le 30 septembre 2016 et le 27 octobre 2016 puis, après renvoi par le Conseil d'Etat, par un mémoire complémentaire, enregistré le 20 mai 2019 sous le n° 19MA00678, la société Viaterra anciennement SEBLI, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juin 2015 ;
2°) de rejeter les demandes des consorts K... et de Mme E... dirigées contre elle ;
3°) de rejeter les conclusions de la commune de Béziers l'appelant en garantie ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement M. M... C..., la société Auxiliaire de démolition et la commune de Béziers à la garantir intégralement des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
5°) de mettre à la charge des consorts K... et de Mme E..., ou à titre subsidiaire de M. C..., de la société Auxiliaire de démolition et de la commune de Béziers, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux de démolition ayant fait l'objet d'une réception sans réserve valant quitus à son égard, la commune n'était pas recevable à l'appeler en garantie ; en tout état de cause, elle n'a commis aucune faute qui, compte-tenu de sa nature et de sa gravité, serait assimilable à une fraude ou à un dol et permettrait à la commune de rechercher sa responsabilité contractuelle ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec la commune ;
- les travaux de démolition en cause ne sont pas à l'origine des désordres immobiliers dont les consorts K... et Mme E... se plaignent ;
- les préjudices subis par les consorts K... et Mme E..., tant matériels qu'immatériels, sont surévalués ;
- elle ne peut être condamnée au paiement des dépens, ceux-ci ayant déjà été mis à sa charge et à celle de la commune de Béziers par ordonnance du 21 novembre 2011 ;
- en raison des fautes qu'ils ont commises, M. C..., chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, et la société Auxiliaire de démolition, entrepreneur de travaux, doivent la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
- la commune de Béziers a commis des fautes à son égard et doit être condamnée à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
Par des mémoires enregistrés initialement sous le n° 15MA03411 le 29 août 2016 et le 12 octobre 2016 puis après renvoi par le Conseil d'Etat, par un mémoire complémentaire enregistré le 28 janvier 2020 sous le n° 19MA00678, la commune de Béziers, représentée par Me L..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions et compte tenu de la décision du Conseil d'Etat :
1°) de condamner la société SEBLI à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
2°) de mettre à la charge de la société SEBLI la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'y a eu aucune réception de l'ouvrage valant quitus dans la mesure où elle n'a pas été convoquée aux opérations de réception ni n'a donné l'accord prévu par l'article 16-b de la convention de mandat ;
- en tout état de cause, la société SEBLI a commis des fautes graves et une imprudence caractérisant une fraude ou un dol dans l'exercice de sa mission de maître d'ouvrage délégué, d'une part, en ne réalisant pas des travaux nécessaires pour garantir la stabilité des fonds supérieurs et remédier aux désordres, d'autre part, en n'informant pas son mandant de l'existence de ceux-ci et, enfin, en manquant à son devoir de conseil lors des opérations préalables de réception sans réserve du 6 juillet 2006 alors qu'elle avait connaissance des dommages subis par les immeubles voisins ;
- les moyens soulevés par la société SEBLI tendant à ce qu'elle la garantisse des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré initialement sous le 15MA03411 le 24 octobre 2017 puis après renvoi par le Conseil d'Etat, par un mémoire complémentaire, enregistré le 1er avril 2019 sous le n° 19MA00678, M. M... C..., représenté par Me H..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de prononcer sa mise hors de cause ;
3°) à titre très subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de limiter à 13,75 % du montant des préjudices la condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- toute action à son encontre est prescrite et en tout état de cause vouée au rejet en raison de l'intervention d'une réception sans réserve, de l'absence de mise en cause de la garantie décennale des constructeurs et de l'absence de faute de sa part ;
- sa mise hors de cause doit être prononcée eu égard à la décision du 1er février 2019 par laquelle le Conseil d'Etat a fait droit au pourvoi de la commune de Béziers et annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 décembre 2017 en tant qu'il statue sur les conclusions d'appel en garantie de la commune à l'encontre de la société Viaterra.
Par ordonnance du 29 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I... Q..., rapporteure,
- les conclusions de M. D... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me L... pour la commune de Béziers.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention de mandat du 22 juillet 2002, la Société d'équipement du Biterrois et de son littoral (SEBLI) s'est vu déléguer, par la commune de Béziers, la maîtrise d'ouvrage des travaux de restructuration de " l'îlot Maître F... ", consistant notamment en la démolition d'immeubles de la rue Maître F.... La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à M. C..., architecte, et le lot relatif aux travaux de démolition a été attribué à la société Auxiliaire de démolition. Les consorts K... et Mme E..., propriétaires d'immeubles situés à proximité du chantier, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Béziers et la société SEBLI à leur verser diverses indemnités en réparation des dommages que ces travaux leur ont causés. La cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 7 décembre 2017, a réformé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juin 2015, en augmentant le montant des indemnités dues aux intéressés, portées à, respectivement, 75 627 euros et 259 694 euros et en condamnant la commune de Béziers à garantir la société SEBLI de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre. Par une décision du 1er février 2019, le Conseil d'Etat a, sur le pourvoi de la commune de Béziers, annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions d'appel en garantie de la commune de Béziers à l'encontre de la société, devenue depuis lors la société Viaterra.
2. En premier lieu, selon le b de l'article 16 de la convention de mandat signée le 22 juillet 2002 entre la commune de Béziers et la société SEBLI : " La Collectivité aura le droit de faire procéder à toutes vérifications qu'elle jugera utiles pour s'assurer que les clauses de la présente convention sont régulièrement observées et que ses intérêts sont sauvegardés. / Après achèvement de chaque tranche de travaux, il sera procédé par la Société, en présence des représentants de la Collectivité, ou ceux-ci dûment convoqués, à la réception des ouvrages, contradictoirement avec les entrepreneurs et fournisseurs. / La décision relative à la réception de l'ouvrage n'interviendra qu'après accord exprès de la Collectivité notifié à la Société dans le délai de 45 jours du procès-verbal des opérations préalables à la réception. / Si la réception intervient sans réserve, l'accord de la collectivité vaudra quitus de sa mission, donné par la Collectivité à la Société pour les travaux reçus et ce dès l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement. / (...) ".
3. Ainsi qu'elle le fait valoir, la commune de Béziers ne peut être regardée comme ayant donné quitus à son maître d'ouvrage délégué dès lors que, en méconnaissance des stipulations précitées du b de l'article 16 précité de la convention de mandat signée le 22 juillet 2002, il a été procédé aux opérations préalables à la réception des ouvrages sans que ses représentants y aient été conviés et la réception a été prononcée sans que son accord ait été recueilli ni même recherché.
4. En deuxième lieu, la commune de Béziers fait valoir que la société SEBLI a eu un comportement fautif en s'abstenant de prendre les mesures propres à éviter la survenance des désordres affectant les immeubles appartenant aux Consorts K... et à Mme E... et de les lui signaler avant la signature du procès-verbal de réception des travaux prononcée sans réserve.
5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la société SEBLI a effectivement négligé de mettre en oeuvre les mesures qui auraient permis d'éviter l'apparition de désordres sur les immeubles voisins alors que le risque auquel ils étaient exposés du fait du chantier de démolition lui étaient connus depuis le mois de janvier 2005 et, d'autre part, qu'elle a dissimulé à la commune de Béziers l'existence de dommages causés à des tiers en procédant à la réception des travaux le 6 juillet 2006 sans émettre de réserve sur ce point, privant ainsi la commune de la possibilité de rechercher la responsabilité des entreprises ayant exécuté les travaux. La circonstance que la commune de Béziers a eu connaissance, au plus tard le 8 juin 2006, soit près d'un mois avant la date de la réception des travaux, de l'existence de désordres affectant des immeubles tiers situés à proximité du lieu d'exécution des travaux de restructuration de " l'îlot Maître F... ", ainsi que l'énonce l'arrêt n° 12MA04069, 12MA04472 rendu le 21 mai 2015 par la cour administrative d'appel de Marseille devenu définitif et versé aux débats, il n'est pas contesté que ces désordres ne concernaient pas les biens des consorts K... et de Mme E.... Par suite, et dès lors qu'un maître d'ouvrage délégué doit, dans l'exercice de sa mission définie par la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, accomplir les diligences que son mandant est en droit d'attendre d'un professionnel ayant accepté cette mission, la société SEBLI, qui a manqué ainsi à son obligation de diligence, particulièrement en prononçant, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, la réception sans réserve des travaux au nom du maître d'ouvrage, doit garantir la commune de Béziers de toute condamnation prononcée à son encontre par les articles 1er et 2, désormais définitifs, de l'arrêt de la Cour n° 15MA03411 du 7 décembre 2017.
6. Il résulte de ce qui précède, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, que la commune de Béziers est fondée à rechercher la garantie de la société SEBLI, devenue Viaterra. Dès lors que le Conseil d'Etat qui, par sa décision du 1er février 2019, sur pourvoi de la commune de Béziers, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 décembre 2017 en tant qu'il a statué sur les conclusions d'appel en garantie de la commune de Béziers à l'encontre de la société Viaterra en renvoyant l'affaire, dans cette mesure, devant la Cour, doit être regardé comme ayant nécessairement annulé cet arrêt également en tant qu'il a condamné le maître d'ouvrage à garantir le maître d'ouvrage délégué, il y a lieu, dans ces circonstances et pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 5, de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Viaterra à l'encontre de la commune de Béziers.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts K... et de Mme E..., de M. C..., de la société auxiliaire de démolition et de la commune de Béziers, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Viaterra demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de la société Viaterra, sur le même fondement, le paiement à la commune de Béziers d'une somme de 2 000 euros. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'accorder à M. C... une somme sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La société Viaterra, anciennement SEBLI, garantira la commune de Béziers de la totalité des condamnations mises à sa charge au profit des consorts K... et de Mme E... par l'arrêt de la Cour n° 15MA03411 du 7 décembre 2017.
Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Viaterra à l'encontre de la commune de Béziers et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Viaterra versera à la commune de Béziers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Viaterra, à la commune de Béziers, et à M. M... C....
Copie en sera adressée à Mme P... K..., à Mme G... K..., à M. N... K..., à Mme B... E..., à Me O... J..., mandataire de la société auxiliaire de démolition.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2020, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme I... Q..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2020.
6
N° 19MA00678