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15/06/2020 | FRANCE | N°18MA02292

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 15 juin 2020, 18MA02292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Fgeco et la société Essentiel ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Cannes à verser à l'EURL Fgeco, à raison de son intervention comme sous-traitante dans la maîtrise d'oeuvre de l'opération de construction d'un centre aquatique, la somme de 30 556,80 euros au titre du solde de la mission de direction de l'exécution des travaux (DET), la somme de 17 433,60 euros au titre de la mission d'assistance lors des opérations de réception (AOR), la somme de 19 976 euros a

u titre de la mission complémentaire réalisée durant la période courant d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Fgeco et la société Essentiel ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Cannes à verser à l'EURL Fgeco, à raison de son intervention comme sous-traitante dans la maîtrise d'oeuvre de l'opération de construction d'un centre aquatique, la somme de 30 556,80 euros au titre du solde de la mission de direction de l'exécution des travaux (DET), la somme de 17 433,60 euros au titre de la mission d'assistance lors des opérations de réception (AOR), la somme de 19 976 euros au titre de la mission complémentaire réalisée durant la période courant du 13 avril 2013 au 30 juin 2013 et la somme de 30 865,80 euros au titre de la révision des prix.

Par un jugement n° 1603150 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Nice a condamné la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, venant aux droits de la commune de Cannes, à payer à l'EURL Fgeco une somme de 53 459,69 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 18 mai 2018, le 22 mai 2019 et le 27 juin 2019, l'EURL Fgeco et la société Essentiel, représentées par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Cannes à verser à l'EURL Fgeco la somme de 30 556,80 euros au titre du solde de la mission DET, la somme de 17 433,60 euros au titre de la mission AOR, la somme de 19 976 euros au titre de la mission complémentaire réalisée durant la période allant du 13 avril 2013 au 30 juin 2013 et la somme de 30 865,80 euros au titre de la révision des prix, majorée des intérêts moratoires à compter du 11 juin 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour considèrerait que le décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre est devenu définitif, de condamner la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins à verser à la société Fgeco les intérêts moratoires dus sur la somme de 53 459,69 euros à compter du 11 juin 2015 ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance comme sa requête d'appel sont recevables ;

- elle a accompli correctement les missions DET et AOR et est en droit de prétendre à leur paiement intégral, de telle sorte que les réfactions imposées par le maître de l'ouvrage sont infondées ;

- la prolongation de la mission DET implique une rémunération complémentaire ;

- le calcul du montant de la révision de prix est inexact.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 avril 2019, 14 juin 2019, 15 juillet 2019 et 19 novembre 2019, la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Essentiel ;

2°) à titre principal et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice et de rejeter la demande présentée devant lui par l'EURL Fgeco et la société Essentiel comme irrecevable ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice ;

4°) de mettre à la charge de la société Essentiel et de l'EURL Fgeco, la somme

de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il n'a pas répondu à sa fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de première instance n'avait pas été introduite par le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

- alors que le différend est né en juin 2013, les requérantes n'ont adressé un mémoire en réclamation sur le fondement de l'article 40 du cahier des clauses administratives générales applicable qu'en 2015, donc tardivement ;

- la demande de première instance a été enregistrée au-delà du délai raisonnable retenu par la jurisprudence et était dès lors irrecevable ;

- la demande, présentée conjointement par deux sociétés ne précisant pas leur titre à réclamer la condamnation, était irrecevable ;

- la société Essentiel aurait dû se voir opposer le défaut d'intérêt donnant qualité pour agir, la demande ne tendant qu'à l'indemnisation du préjudice de sa sous-traitante ;

- la demande est mal dirigée dès lors que, les sommes demandées excédant le montant de l'acte d'acceptation du sous-traitant, il appartenait à ce dernier de solliciter la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

- cette demande est infondée, les requérantes n'établissant pas la réalisation des prestations dont elles demandaient le paiement ;

- cette demande est infondée encore en ce qu'il n'est pas établi que la société Essentiel ait donné son accord au règlement des sommes réclamées en vertu de l'article 3.2 du cahier des clauses administratives générales ;

- elle a notifié le 12 juin 2018 le décompte général du marché qui, n'ayant pas été contesté, est devenu définitif, de telle sorte que la requête d'appel est irrecevable ;

- les moyens soulevés par les sociétés Essentiel et Fgeco ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 décembre 2019.

Un mémoire présenté pour l'EURL Fgeco et la société Essentiel et enregistré le 16 décembre 2019 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins.

1. Par un acte d'engagement en date du 25 avril 2006, la commune de Cannes a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre relatif à l'opération de construction d'un centre aquatique à Cannes-La-Bocca avec un groupement composé des entreprises et architectes Berthomieu Architectes, Jean Guervilly, Ethis, Arest, Michel Raoust, J.-M. D... et associés et Taravella. Par avenant du 20 juillet 2010, le cabinet Berthomieu Architectes a été remplacé, dans l'exécution de ce marché, par la société Essentiel. Les missions de direction de l'exécution des contrats de travaux (DET) et d'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception (AOR) ont été confiées en partie à l'EURL Fgeco, économiste de la construction, que la commune de Cannes a, par un acte en date du 21 octobre 2011, agréée en qualité de sous-traitant de la société Essentiel, le montant des prestations pouvant faire l'objet d'un paiement direct étant fixé à la somme hors taxes de 163 640 euros, révisable selon les modalités prévues par le cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'oeuvre. La réception des travaux, initialement prévue à la date du 12 avril 2013, a été reportée au 13 juin 2013. L'EURL Fgeco a finalement présenté à la commune de Cannes une demande

de paiement direct datée du 17 février 2015 dans laquelle elle sollicitait le versement d'une somme de 95 832,20 euros toutes taxes comprises, incluant le solde restant dû au titre des missions DET et AOR, majoré de deux mois de rémunération complémentaire pour la mission DET, ainsi qu'une somme correspondant à la révision des prix. La commune de Cannes ayant refusé de faire droit à cette demande de paiement direct, la société Essentiel et l'EURL Fgeco en ont saisi le tribunal administratif de Nice, qui a condamné la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, venue aux droits de la commune de Cannes, à verser à l'EURL Fgeco la somme de 53 459,69 euros toutes taxes comprises représentant le solde des missions DET et AOR, néanmoins réduit de réfactions de, respectivement, 2 % et 8 %, ainsi que le montant de la révision des prix.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, dans sa rédaction applicable au marché litigieux : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) ". Aux termes de l'article 8 de cette loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées (...) ". Aux termes de l'article 116 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement au titulaire du marché. / Cette demande de paiement, revêtue de l'acceptation du titulaire du marché, est transmise par ce dernier à la personne désignée au marché à cette fin. / (...) Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à la personne désignée au marché, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à la personne désignée au marché par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre un récépissé dûment daté et inscrit sur un registre tenu à cet effet. (...) ". Selon l'article 12.31 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, dans sa rédaction applicable au contrat en cause : " Après réception, selon les stipulations du chapitre V, des prestations faisant l'objet du marché ou, si le marché est fractionné, d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif, le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. / Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché ; si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu. (...) ". Enfin, l'article 12.32 du même cahier stipule : " Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 116 du code des marchés publics que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser en temps utile sa demande de paiement direct au titulaire du marché, et, dans le cas mentionné au cinquième alinéa de l'article 116 du code des marchés publics, au maître d'ouvrage. Une demande adressée après la notification du décompte général du marché au titulaire de celui-ci ne peut être regardée comme ayant été adressée en temps utile.

4. En l'espèce, la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, maître d'ouvrage, a notifié le décompte général du marché au mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre le 12 juin 2018. Il résulte de l'instruction que l'EURL Fgeco a adressé sa demande de paiement direct à la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins au titulaire du marché avant le 17 février 2015 et que celle-ci a été transmise au maître de l'ouvrage le 27 avril 2015, soit en temps utile au sens des règles ci-dessus énoncées. Dès lors, la notification, après l'intervention du jugement attaqué, du décompte général, pièce contractuelle au demeurant inopposable à l'EURL Fgeco, qui n'est pas partie au contrat, ne peut en tout état de cause faire obstacle à l'introduction d'une requête tendant au versement des sommes dues à ce sous-traitant ni, a fortiori, le priver du droit à un double degré de juridiction. Il en résulte que la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel serait, pour ce motif, irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

6. Alors que le maître de l'ouvrage avait expressément soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que la demande indemnitaire n'avait pas été présentée par le mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, le jugement attaqué n'a ni visé, ni analysé, ni répondu à cette fin de non-recevoir. La communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins est dès lors fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en ce qu'il fait droit à la demande des requérantes et que ses articles 1er et 2 doivent, en conséquence, être annulés.

7. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Essentiel et l'EURL Fgeco devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

8. En premier lieu, la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins est fondée à soutenir que la société Essentiel, titulaire du marché, n'a pas qualité, en l'absence de créance ou de préjudice qui lui soit propre, pour demander la condamnation du maître de l'ouvrage à régler les sommes dues à l'EURL Fgeco, sa sous-traitante. La demande est donc, en ce qu'elle émane de la société Essentiel, irrecevable. En revanche, l'EURL Fgeco, agréée en qualité de sous-traitante par le maître de l'ouvrage et bénéficiant d'un droit au paiement direct, a intérêt à agir en vue de réclamer les sommes qu'elle estime lui être dues à ce titre.

9. En deuxième lieu, le litige portant, ainsi qu'il vient d'être dit, non sur le paiement de sommes dues aux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre mais sur une créance invoquée par son sous-traitant au titre de la procédure de paiement direct, la demande présentée au tribunal administratif n'avait pas à être présentée par le mandataire de ce groupement et ne saurait donc être jugée irrecevable pour cette raison.

10. Si, en troisième lieu, la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins invoque l'absence de mémoire de réclamation présenté sur le fondement des stipulations de l'article 40 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles dans les deux mois ayant suivi la naissance du différend relatif à la demande de paiement direct de l'EURL Fgeco, ces stipulations contractuelles régissent exclusivement les parties au marché et sont, par conséquent, en tout état de cause inopposables à l'EURL Fgeco, qui n'est pas partie à ce contrat.

11. En quatrième lieu, si le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle, ce principe est sans incidence sur le délai dans lequel peut être introduite devant le juge une demande tendant à la condamnation d'une personne publique, qui n'est régie que par les règles de prescription applicables à la créance invoquée.

12. En cinquième lieu, le sous-traitant accepté et agréé ayant droit au paiement des travaux supplémentaires exécutés au bénéfice du maître de l'ouvrage dans les mêmes conditions que celles prévues pour les titulaires de marchés passés avec l'administration, il est recevable à saisir directement le maître de l'ouvrage puis le juge d'une demande tendant au règlement de tels travaux. Il s'ensuit que la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par la société Fgeco à l'encontre de la commune de Cannes puis de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins aurait dû l'être à l'encontre du groupement de maîtrise d'oeuvre et était ainsi mal dirigée.

13. En dernier lieu, si la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins fait valoir que la demande de première instance était irrecevable faute pour les sociétés requérantes d'établir le bien-fondé de leur créance, elle soulève en réalité, en invoquant cet argument, non une fin de non-recevoir mais un moyen de défense ayant trait au fond du litige.

En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de paiement de la société Fgeco :

14. Aux termes de l'article 3.21 du cahier des clauses administratives générales applicables : " Le titulaire peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché, sous réserve de l'acceptation du ou des sous-traitants par la personne responsable du marché et de l'agrément par elle des conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance. La sous-traitance de la totalité du marché est interdite. Si le titulaire transgresse ces obligations, il s'expose à l'application des mesures prévues à l'article 37 ". Aux termes de l'article 3.23 du même cahier : " 3.23. Lorsqu'un sous-traitant doit être payé directement, l'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement, s'ils ne sont pas prévus dans le marché, sont constatés dans un avenant ou dans un acte spécial signé par la personne responsable du marché et par le titulaire, qui comporte l'ensemble des renseignements mentionnés au 22 de l'article 3 ainsi que les modalités de règlement des sommes à payer directement au sous-traitant. (...) ".

15. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction, d'une part, que l'EURL Fgeco a été agréée en qualité de sous-traitante et admise au paiement direct par acte spécial du 21 octobre 2011 et, d'autre part, que la société Essentiel a accepté la demande de paiement direct présentée par l'EURL Fgeco dès lors qu'elle l'a elle-même transmise au maître de l'ouvrage le 27 avril 2015. La communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins n'est par suite pas fondée à soutenir que l'entreprise n'aurait pas respecté la procédure à laquelle est subordonné le paiement de ses prestations par le maître de l'ouvrage.

16. En deuxième lieu, si la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins soutient que la réalisation des prestations n'est pas établie, elle ne conteste pas sérieusement leur exécution. L'EURL Fgeco est dès lors en droit d'obtenir le règlement du solde des missions

DET et AOR, qui s'élève respectivement à 30 556,80 euros toutes taxes comprises et 17 433,60 euros toutes taxes comprises.

17. Toutefois, et en troisième lieu, dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des prestations sous-traitées et le montant de la créance du sous-traitant.

18. D'une part, il résulte en l'espèce de l'instruction qu'après un premier report de sept semaines des opérations de réception, l'entreprise Fgeco a, le 15 mai 2013, déconseillé au maître de l'ouvrage de procéder à la réception prévue le 22 juin 2013 en raison de l'existence de nombreuses réserves. Il ressort par ailleurs des procès-verbaux de réception des ouvrages, mais également des courriers adressés à la société Fgeco par la commune de Cannes les 11 juin 2013, 28 juin 2013 et 13 août 2013, qu'à la date du 22 juin 2013 les ouvrages étaient pour la plupart affectés de multiples défauts d'exécution ou étaient en attente de finitions non réalisées, défaillances qui, si elles résultent au premier chef de fautes des entreprises, révèlent également une exécution incomplète de la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux, incombant à l'équipe de maîtrise d'oeuvre, et ne sont en revanche en rien imputables à l'entreprise chargée de la mission d'ordonnancement-pilotage-coordination. L'EURL Fgeco n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que le maître de l'ouvrage a opéré une réfaction de 2 % sur la rémunération de cet élément de mission. Il y a lieu, par suite, de mettre la somme de 13 946,88 euros toutes taxes comprises à la charge de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins à ce titre.

19. D'autre part, alors que la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins soutient que l'entreprise Fgeco a abandonné le chantier à compter du mois de juin 2013 et n'a pas assisté le maître de l'ouvrage dans la mission de levée des réserves après avoir préconisé de prononcer la réception avec réserves le 13 juin 2013, cette entreprise n'établit pas avoir effectivement réalisé cette phase de la mission AOR, et il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'elle ait conseillé le maître d'ouvrage sur ce point en dépit de plusieurs rappels émanant de la commune de Cannes, à l'exception de l'envoi de procès-verbaux de réception adressés le 6 juin 2014 au maître de l'ouvrage afin qu'il se prononce sur les réserves qui n'avaient pas encore été levées. Dans ces conditions, l'EURL Fgeco, à laquelle le maître de l'ouvrage a dû se substituer pour assurer la levée des réserves, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la communauté d'agglomération a décidé une réfaction de 8 % sur la rémunération de cet élément de mission. Il y a lieu, par suite, de mettre la somme de 27 501,12 euros toutes taxes comprises à la charge de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins à ce titre.

20. Si, en quatrième lieu, l'EURL Fgeco soutient que le calcul de la révision des prix effectué par le maître de l'ouvrage selon les modalités fixées à l'article 5-5 du cahier des clauses administratives particulières est erroné, elle ne fait valoir aucun moyen de droit ou de fait de nature à le remettre en cause. Il y a lieu, par suite de fixer le montant de cette révision à la somme de 10 009,74 euros arrêtée par la communauté d'agglomération, soit 12 011,69 euros toutes taxes comprises.

21. En cinquième et dernier lieu, le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que

le bénéfice qu'il en escompte, et seule une modification de programme ou une modification

de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. La prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'oeuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage. En outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

22. L'EURL Fgeco, qui se borne à faire état de la prolongation de la mission DET pendant une période de deux mois, n'établit pas que l'allongement de la durée du chantier aurait induit pour elle des sujétions imprévues ou des missions complémentaires résultant de modifications de programme ou de prestations. La demande qu'elle formule sur ce point ne peut donc qu'être rejetée en application des principes rappelés ci-dessus, qui sont applicables au sous-traitant d'un marché de maîtrise d'oeuvre.

23. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Fgeco est seulement fondée à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins à lui verser la somme de 53 459,69 euros toutes taxes comprises.

Sur les intérêts :

24. En vertu des stipulations de l'article 12.7 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, auquel renvoie l'article 6.4. du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Le titulaire a droit à des intérêts moratoires dans les conditions réglementaires (...) ". En vertu des dispositions de l'article 96 du code des marchés publics, dans leur rédaction applicable au : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. (...) / Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 4 du décret du 21 février 2002 dans sa rédaction applicable au marché : " Le délai global de paiement du sous-traitant payé directement par la personne publique est identique à celui prévu au marché pour le paiement du titulaire. / Le délai global de paiement du sous-traitant court à partir de la réception par la personne publique contractante, ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet, de sa demande de paiement, telle que transmise par le titulaire du marché (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. / A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points. / Toutefois, pour les marchés sans formalités préalables, la mention du taux des intérêts moratoires est facultative,

le taux applicable est le taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. ".

25. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que l'EURL Fgeco, à laquelle ne peuvent être opposées les stipulations du cahier des clauses administratives générales relatives au caractère définitif du décompte du marché dès lors qu'elle n'est pas partie à celui-ci, est en droit de percevoir les intérêts sur la somme fixée au point 23 à compter du 11 juin 2015, ainsi qu'elle le demande, dès lors que le délai de paiement de quarante-cinq jours était, à cette date, expiré. Elle est également fondée à demander, en l'absence de fixation du taux d'intérêt dans le marché, que celui-ci soit fixé à 7,05 % en application des dispositions ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1603150 du tribunal administratif de Nice du 14 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : La communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins est condamnée à payer à l'EURL Fgeco une somme de 53 459,69 euros toutes taxes comprises. Cette somme portera intérêts au taux de 7,05 % à compter du 11 juin 2015.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Essentiel, à l'EURL Fgeco et à la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2020, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme F... G..., présidente assesseure,

- M. E... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

2

N° 18MA02292

MY


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des sous-traitants.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BIGAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 15/06/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA02292
Numéro NOR : CETATEXT000042040281 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-15;18ma02292 ?
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