Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 119 750 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une discrimination à raison de son handicap et d'agissements de harcèlement moral, et d'enjoindre au président du conseil départemental de faire cesser tout acte constitutif de harcèlement moral à son égard.
Par un jugement n° 1701512 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le département du Gard à verser à Mme C... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du retard dans l'adaptation de son poste de travail à son handicap et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 14 mars 2019 en tant qu'il a limité l'indemnité allouée à la somme de 10 000 euros ;
2°) de porter à la somme de 74 750 euros le montant de cette indemnité ;
3°) de mettre à la charge du département du Gard la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les faits d'isolement et de perte d'attribution des missions dont elle a été victime à raison de son handicap sont constitutifs de harcèlement moral ;
- l'expert désigné à la demande du médiateur des droits a évalué le total des préjudices subis à la somme de 74 750 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2020, le département du Gard, représenté par MeBredon, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 14 mars 2019 en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme C... une somme de 10 000 euros et de rejeter la demande présentée par Mme C... devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune faute ne peut lui être reprochée à raison du retard avec lequel il a adapté le poste de Mme C... compte tenu de l'absence d'avis médical précis et alors que la requérante a bénéficié, en tout état de cause, d'un accompagnement dès la reprise de fonctions et d'un poste adapté à son état de santé ;
- à titre subsidiaire, le rapport du psychologue sur lequel le tribunal s'est fondé pour évaluer le préjudice tenant à ce retard manque manifestement de sérieux et d'objectivité et a conduit les premiers juges à procéder à une indemnisation excessive du préjudice subi par l'intéressée à ce titre ;
- ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, aucun fait de harcèlement moral ne peut lui être reproché ;
- Mme C... ne démontre l'existence d'aucun préjudice indemnisable.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 janvier 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné Mme G..., présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant Mme C..., et de Me E..., représentant le département du Gard.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., adjointe administrative territoriale de 2ème classe du département du Gard, exerçant les fonctions d'assistante administrative au service des commissions de l'antenne départementale d'Alès, a bénéficié d'un congé de maladie ordinaire entre le 22 septembre 2012 et le 17 novembre 2014. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le département à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant du retard avec lequel il a adapté le poste de travail de Mme C... à son état de santé lors de sa reprise de fonctions et a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire également fondée sur l'existence d'une situation de harcèlement moral. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à cette somme le montant de l'indemnité allouée. Le département du Gard, par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis.
4. Si le rapport de l'enquête diligentée à la demande du département au cours du mois de mars 2016, relève, d'une part, que la charge de travail des agents affectés à l'antenne d'Alès, manifestement insuffisante, n'a fait l'objet d'aucune répartition suffisamment claire et, d'autre part, que les conflits résultant de ces difficultés organisationnelles et leurs répercussions sur le bien-être de Mme C... ont été sous-estimés par sa hiérarchie, il ne résulte pas de l'instruction que la souffrance morale perçue par la requérante dans le cadre professionnel a été causée par des agissements de harcèlement moral en dépit de la perte progressive des fonctions de référente de l'antenne d'Alès qu'elle occupait de fait depuis son affectation, en raison, notamment, de ses difficultés à se servir de l'outil informatique. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les éléments dont elle a fait état n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral.
En ce qui concerne le retard dans l'adaptation du poste de travail de Mme C... :
5. Les dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 imposent à l'administration de prendre les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service.
6. Il résulte de l'instruction que, si aucune mesure d'adaptation spécifique du poste de travail de Mme C..., en vue de sa reprise de fonctions le 17 novembre 2014, n'a été préconisée par le comité médical dans son avis du 6 novembre 2014, le médecin de prévention a informé la mission " diversité et handicap " du département, par un courrier du 1er septembre 2014, de ce que l'état de santé de l'intéressée nécessitait un aménagement de son poste de travail en précisant les mesures de nature à limiter et à faciliter ses déplacements. Or, les tâches de distribution du courrier, impliquant de fréquents déplacements à pied, ainsi que d'accueil du public, nécessitant d'emprunter un escalier, ne lui ont été retirées qu'au mois de juin 2015, avant lequel elle n'a pu bénéficier d'un fauteuil équipé d'un repose jambe, en dépit d'un courrier du 2 décembre 2014 par lequel le médecin de prévention a alerté le département sur la nécessité pour l'intéressée de bénéficier de cet équipement. Le département n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles il ne lui était pas possible de mettre en oeuvre ces mesures plus tôt. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les mesures d'adaptation du poste de travail de la requérante à raison de son état de santé ont été mises en oeuvre tardivement et ont en conséquence condamné le département du Gard à verser à Mme C... la somme, non excessive, de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi à ce titre.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de faits de harcèlement moral et que le département du Gard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser la requérante du préjudice moral subi à raison du retard avec lequel il a aménagé son poste de travail à hauteur de la somme de 10 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont exposés pour les besoins de l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Gard, y compris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme G..., présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme H..., première conseillère,
- M. A..., conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2020.
N° 19MA02167 2