Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018, par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1804862 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 février 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 du préfet de l'Aude ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " UE - Toutes activités professionnelles " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délégation de signature accordée à l'auteur de la décision contestée est trop générale pour avoir été régulièrement consentie ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit au regard de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il repose sur la circonstance que l'exercice de son activité professionnelle ne lui permet pas de justifier de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale alors que ces deux conditions sont alternatives ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il justifie de l'exercice effectif d'une activité professionnelle économiquement rentable, dont le chiffre d'affaire n'a récemment diminué qu'à raison des faits de harcèlement dont il a été victime de la part d'une tierce personne, qui lui permet d'être autonome, n'ayant plus perçu de prestations sociales depuis le mois de mai 2018 ;
- étant citoyen britannique, il peut circuler et séjourner librement sur tout le territoire européen ;
- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aude, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêt n° C-456/02 du 7 septembre 2004 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 14 septembre 2018, le préfet de l'Aude a refusé d'admettre M. B..., ressortissant britannique, à séjourner sur le territoire français au-delà d'une durée de trois mois et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... interjette appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, par un arrêté du 13 septembre 2018, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Aude, M. D... Vo-Dinh, secrétaire général, a reçu délégation pour signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Aude. Cet arrêté liste plusieurs exceptions, au nombre desquelles n'entre pas l'arrêté en litige, qui font obstacle à ce que cette délégation soit regardée, ainsi que soutient M. B..., comme excessivement générale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du traité sur l'Union européenne : " (...) / 2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes (...). ". Aux termes de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. (...) / 3. Elle comporte le droit (...) / c) de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ". Le 1 de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l'Union européenne dispose que " Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'Etat membre d'accueil (...) ". Ces dispositions sont transposées en droit français par les dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois (...) s'il exerce une activité professionnelle en France ".
4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens des dispositions précitées du droit de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.
5. Il est constant que M. B... exerce une activité d'ébéniste et de petit bricolage. Toutefois, ses avis d'imposition sur les revenus des années 2012 à 2016 font état de revenus annuels inférieurs à 2 000 euros. En se bornant à produire son avis de taxe foncière au titre de 2017, il ne démontre pas que ses revenus auraient été plus importants cette même année. En outre, s'il ressort du relevé de situation du régime social des indépendants délivré le 4 février 2019 que son chiffre d'affaire pour l'année 2018 s'est élevé à la somme 5 798 euros, il ne précise pas le montant des revenus nets qu'il a pu effectivement tirer de son activité. Enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des répercussions sur son activité professionnelle des faits de harcèlement dont il prétend avoir été victime en 2016 et en 2017. Ainsi, l'activité exercée par M. B... présente un caractère purement marginal et accessoire ne lui permettant pas, dans ces conditions, de prétendre au bénéfice des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, par suite, de pouvoir se maintenir légalement plus de trois mois sur le territoire français. Par suite, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit doivent être écartés.
6. En troisième lieu, M. B... ne peut directement invoquer la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 dont les dispositions ont été transposées, en droit interne, au 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, M. B..., en se bornant à se prévaloir de l'activité professionnelle qu'il exerce et du bien immobilier dont il est propriétaire, M. B... ne justifie pas d'une insertion particulière en France. Alors qu'il ne fait état d'aucune attache privée et familiale en France, il n'établit, ni même n'allègue être dépourvu de famille en Angleterre, pays dont il a la nationalité. Dans ces conditions, et malgré la durée de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée familiale une atteinte disproportionnée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 27 février 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme F..., présidente assesseure,
- M. E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2020.
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N° 18MA04239