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24/03/2020 | FRANCE | N°18MA05301

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 24 mars 2020, 18MA05301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Lunel-Viel à lui verser la somme de 15 150 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de procédures disciplinaire et judiciaire engagées par la commune à son encontre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, outre la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1604798 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2018, M. D......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Lunel-Viel à lui verser la somme de 15 150 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de procédures disciplinaire et judiciaire engagées par la commune à son encontre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, outre la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1604798 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2018, M. D..., représenté par la SELARL Maillot avocats et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2018 ;

2°) de condamner la commune de Lunel-Viel à lui verser la somme de 15 150 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, outre la capitalisation de ces intérêts.

3°) de mettre à la charge de la commune de Lunel-Viel une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune de Lunel-Viel a commis une faute en engageant dans la précipitation, sans dossier sérieux, une procédure disciplinaire après l'avoir suspendu de ses fonctions en l'absence de faute grave, d'enquête administrative préalable au sien du service et de son audition alors que le remisage des panneaux à un ferrailleur est une pratique habituelle ;

- il a été attrait devant le conseil de discipline sans que ne soit prise de sanction par la suite ;

- au cours de la procédure pénale engagée, la commune s'est désistée ;

- alors que le conseil de discipline, le 13 mai 2015, avait, à l'unanimité, écarté toute faute de sa part, il a été présenté, au conseil municipal le 26 mai 2015, la décision du maire de se constituer partie civile et de le poursuivre, décision ayant été affichée le 1er avril suivant, donnant ainsi de la publicité à cette procédure tant à l'égard des agents du service que de la population ;

- aucune information ou publicité n'a été diffusée sur l'absence de sanction prononcée à son encontre ;

- ces faits ayant entrainé une dépression à l'origine de son impossibilité de reprendre ses fonctions jusqu'à sa mise à la retraite à compter du 1er mai 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, la commune de Lunel-Viel, représentée par la SCP CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. D..., et de Me C..., représentant la commune de Lunel-Viel.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 février 2015, M. D..., agent de maitrise, affecté au service technique de la commune de Lunel-Vieil, a fait l'objet d'une mesure de suspension à compter du 11 février 2015 dans l'attente d'une procédure disciplinaire. Il a réintégré son service à compter du 21 mai 2015. A la suite de l'avis du conseil de discipline émis à l'unanimité le 13 mai 2015, la commune n'a pas prononcé de sanction disciplinaire à l'encontre de l'intéressé. Par un jugement du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Lunel-Viel à lui verser la somme de 15 150 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de procédures disciplinaire et judiciaire engagées à son encontre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ". Il résulte de ces dispositions que la suspension d'un agent lorsqu'elle est prononcée aux fins de préserver l'intérêt du service, est une mesure à caractère conservatoire qui peut être prise lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

3. Il résulte de l'instruction que le 15 janvier 2015, le maire a été avisé de la disparition de matériaux correspondant à 45 panneaux de signalisation STOP, leurs mâts et colliers du hangar municipal où ils étaient entreposés après leur dépose par les services techniques dans le cadre de l'opération de mise en priorité à droite réalisée le 5 janvier précédent et de leur transport par un véhicule municipal chez un ferrailleur de la commune pour y être remisés. Il a donc été reproché au requérant un manquement à son devoir de probité et de désintéressement pour avoir détourné des biens communaux et, en outre, avoir, en l'absence de son chef de service, passé en urgence commande de mâts supplémentaires de signalisation, en méconnaissance des consignes reçues, alors que les stocks étaient suffisants et, enfin, d'avoir réalisé des tâches en l'occurrence, planté des mâts dans des conditions non conformes aux règles de l'art. Par arrêté du 9 février 2015, le maire a suspendu l'intéressé de ses fonctions, le conseil de discipline qui a été destinataire notamment des attestations du chef de service, du ferrailleur, étant saisi parallèlement.

4. D'une part, des investigations telles que l'audition du ferrailleur qui a confirmé les faits et reconnu sur l'organigramme de la mairie, les trois agents présents sur le site qu'il avait décrits, du chef de service niant tout ordre de sa part en ce sens ont été menées. Entendus, M. D... et ses collègues mis en cause ont nié être responsables invoquant un vol. Contrairement à ce qu'allègue le requérant, et alors même qu'il n'aurait pas été reçu de nouveau par le maire, les investigations préalables à la mesure de suspension ont été suffisantes. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'au sein de la collectivité, la remise chez le ferrailleur des matériaux municipaux qu'à la décharge constituerait une pratique habituelle. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, les faits fondés sur des éléments précis et concordants présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour être regardés comme constituant une faute grave au sens des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, justifiant une mesure de suspension à l'encontre de l'agent. Dès lors, M. D... ne peut soutenir que, lors de l'engagement de la procédure disciplinaire et à la date à laquelle le conseil de discipline a été saisi, aucune faute de sa part n'était établie. Par ailleurs, lors de sa séance du 13 mai 2015, le conseil de discipline du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Hérault a considéré qu'il ne ressortait pas des attestations produites que l'agent n'aurait pas reçu une instruction verbale de la part de son chef de service direct et qu'il aurait commis une faute. Le conseil a estimé que la mauvaise exécution de ses fonctions n'était pas établie. Il n'a, à l'unanimité, proposé aucune sanction à l'encontre de M. D.... Cependant, la circonstance que, ainsi que l'affirme le requérant, le conseil de discipline a, après audition de témoins dont son chef de service, lesquels ont pu apporter de nouveaux éléments par rapport à ceux recueillis par le maire ayant justifié l'engagement de procédures disciplinaire et judiciaire, émis cet avis n'est pas de nature à regarder sa saisine comme ayant été dépourvue de tout fondement. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment eu égard aux investigations menées, que la saisine du conseil de discipline aurait été le fruit d'une précipitation de la part du maire, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

5. D'autre part, M. D... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'en saisissant le tribunal correctionnel de Montpellier, par citation directe, la commune aurait commis une faute. Si le tribunal a, lors de l'audience du 2 septembre 2015, constaté le désistement par celle-ci de son action intentée à l'encontre de M. D..., ce désistement résulte, à la suite de l'avis du conseil de discipline, de l'abandon de toute procédure contre le requérant et ne révèle, par lui-même, aucun comportement fautif de la part de la collectivité. De plus, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des attestations versées aux débats par M. D..., dont certaines font état de simples rumeurs ou sont imprécises sur les propos qui auraient été tenus par le maire que ce dernier aurait dans une intention malveillante diffusé les faits reprochés au requérant auprès de la population. En outre, la seule circonstance que le maire a rendu compte au conseil municipal lors de sa séance du 26 mai 2015, de la décision prise le 1er avril 2015 d'ester en justice et de se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel et a assuré la publicité de cette décision par affichage sur les panneaux municipaux ne révèle pas, par elle-même, l'intention de porter atteinte à la réputation du requérant tant à l'égard des membres du conseil municipal, des agents municipaux que la population. Enfin, alors même qu'aucune information ou publicité sur l'absence de tout comportement répréhensible de sa part et l'abandon des poursuites n'auraient été organisées, qui, du reste, n'est prévue par aucune disposition, le maire de la commune a procédé à sa réintégration, dès le 21 mai 2015, au sein même de son service où il a repris régulièrement ses fonctions.

6. Il s'ensuit que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lunel-Viel, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Lunel-Viel en application des mêmes dispositions

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Lunel-Viel la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et à la commune de Lunel-Viel.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme G..., première conseillère,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 24 mars 2020.

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N° 18MA05301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05301
Date de la décision : 24/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-24;18ma05301 ?
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