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19/03/2020 | FRANCE | N°18MA04922

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 mars 2020, 18MA04922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon a délivré à Mme A... un permis de construire pour l'extension en rez-de-chaussée d'une maison existante sur un terrain situé " Le Moulin ", avec création d'une surface de plancher de 74 m².

Par un jugement n° 1609341 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon a délivré à Mme A... un permis de construire pour l'extension en rez-de-chaussée d'une maison existante sur un terrain situé " Le Moulin ", avec création d'une surface de plancher de 74 m².

Par un jugement n° 1609341 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 10 avril, 31 mai, 3 juin, 28 juin, 9 juillet 2019 et 30 janvier 2020, Mme G... représentée, par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de première instance ne s'est pas déroulée de manière contradictoire en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- elle justifie d'un intérêt à agir car sa propriété jouxte le terrain d'assiette du projet contesté et le pétitionnaire emprunte un chemin situé sur sa propriété ;

- la décision a été fondée sur une présentation des lieux erronée du pétitionnaire ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en retenant que l'accès au terrain d'assiette du permis de construire contesté se fait par un chemin dont l'assiette est située en partie sur la parcelle AM 159 propriété de Mme G... et que ce chemin est une voie ouverte à la circulation publique ;

- l'article R. 418-8 f du code de l'urbanisme mentionne que le dossier de demande de permis de construire indique l'organisation et l'aménagement des accès aux terrains, aux constructions et aux aires de stationnement ;

- le chemin d'accès au projet ne correspond pas aux exigences de l'article ND 3 du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon ;

- Mme A... n'a pas indiqué toutes les parcelles de son unité foncière sur le document Cerfa en méconnaissance de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme ;

- l'article R. 431-5 f du code de l'urbanisme précise que la demande de permis de construire indique la destination des constructions, or la pétitionnaire indique que la construction en litige est sa résidence principale, alors qu'elle habite Paris ;

- l'article R. 431-5 g du code de l'urbanisme indique que la demande de permis de construire précise la puissance électrique nécessaire au projet quand la puissance électrique est supérieure à 12 Kwa monophasés ou 35 kwa triphasés, or la demande n'indique pas la puissance électrique nécessaire ;

- en application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, le maire était tenu de refuser le permis de construire car ERDF a indiqué qu'une extension du réseau est nécessaire et le dossier de demande de permis de construire ne contient aucune indication quant au délai de réalisation de ces travaux d'extension du réseau ni sur l'identité de la collectivité ou du concessionnaire qui devra réaliser les travaux d'extension du réseau ;

- le permis de construire obtenu en 1986 est frauduleux car il ne précise pas les accès existants et le pétitionnaire n'a pas indiqué dans sa demande de permis de construire les constructions déjà existantes sur sa propriété.

- eu égard à l'irrégularité du permis de construire obtenu en 1986, le permis de construire portant sur une extension ne pouvait être délivré.

- en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, le pétitionnaire n'a pas indiqué l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'accéder à sa propriété ;

- le jugement du TGI d'Aix-en-Provence intervenu le 27 mai 2019 consacre l'inexistence du chemin et l'absence de droit de Mme A... à utiliser le chemin créé de fait, traversant la parcelle cadastrée AM n° 159 ;

Par des mémoires enregistrés les 13 février, 22 mai, 17 juin et 23 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire au sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, à titre infiniment subsidiaire à l'application des dispositions de l'article L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- Mme G... ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me C... substituant Me B..., représentant la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon a délivré à Mme A... un permis de construire pour l'extension en rez-de-chaussée d'une maison existante sur un terrain situé " Le Moulin ", avec création d'une surface de plancher de 74 m². Par un jugement du 24 septembre 2018, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme A... à la demande de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que la propriété de Mme G... jouxte celle de Mme A.... Mme G... invoque les désagréments qu'elle estime subir du fait du projet de construction en litige, en soulignant que l'accès actuel à la propriété de Mme A... emprunte la parcelle cadastrée AM 159, dont elle est propriétaire. Mme G..., voisine immédiate, fait ainsi état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. Elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester l'arrêté du 3 juin 2016.

4. En deuxième lieu, conformément à l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme, le délai de recours à l'égard des tiers court à compter de l'affichage du permis sur le terrain et en mairie, dès lors que cette formalité a été accomplie de manière complète et régulière. Lorsque le tiers qui entend contester une telle autorisation utilise la faculté qui lui est ouverte de présenter un recours gracieux ou hiérarchique avant de saisir la juridiction compétente, l'exercice d'un tel recours a pour conséquence de proroger le délai de recours contentieux, sous réserve du respect des formalités de notification de ce recours préalable prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. En cas de naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif formé par un tiers contre un permis de construire, résultant du silence gardé par l'administration pendant le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative, le nouveau délai ouvert à l'auteur de ce recours pour saisir la juridiction court dès la naissance de cette décision implicite.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... a formé un recours gracieux contre l'arrêté du 3 juin 2016, reçu en mairie de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon le 26 juillet 2016. Ce recours gracieux a été notifié le 25 juillet 2016 à Mme A..., conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, et a donc été de nature à interrompre le délai de recours contentieux, qui a recommencé à courir le 26 septembre, eu égard à l'absence de réponse de la commune au recours gracieux. Le 27 novembre 2016 étant un dimanche, le délai de recours contentieux s'est trouvé prorogé jusqu'au lundi 28 novembre 2016 en application de la règle posée par les dispositions de l'article 642 du code de procédure civile. La demande enregistrée le 28 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Marseille n'était donc pas tardive.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 juin 2016 :

6. L'article R. 431-9 du code de l'urbanisme dispose : " ...Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder... ". Aux termes de l'article ND 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon, en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles desservent ".

7. Le permis de construire, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors, si le juge administratif doit, pour apprécier la légalité du permis au regard des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne lui appartient pas de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense de Mme A..., que par une lettre du 18 février 2015, Mme G..., propriétaire de la parcelle cadastrée AM n° 159, lui a indiqué qu'elle entendait supprimer tout passage par cette parcelle. Eu égard à cette opposition expressément manifestée par le propriétaire de cette parcelle, le chemin situé sur la parcelle AM n° 159, seul accès à la propriété de Mme A..., et qui dessert cette seule propriété, ne pouvait plus être considéré comme constituant une voie ouverte à la circulation publique à la date de l'arrêté du 3 juin 2016. Par ailleurs, Mme A... ne justifie pas d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie. Mme G... est dès lors fondée à soutenir que l'arrêté du 3 juin 2016 est entaché d'illégalité.

9. L'article L. 600-5 du code de l'urbanisme dispose : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

10. D'une part, le vice relevé au point 8 affecte l'ensemble du projet puisqu'il concerne sa desserte. D'autre part, ce vice n'est pas, en l'état de l'instruction, susceptible d'être régularisé, puisque Mme A... indique elle-même que l'accès à sa propriété n'est possible qu'en empruntant le chemin situé sur la parcelle cadastrée section AM n° 159. Mme A... n'est donc pas fondée à demander qu'il soit fait application des dispositions précitées.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure d'appel diligentée contre le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, que Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 3 juin 2016.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas partie perdante, la somme que demande Mme A... sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme G... tendant à la mise à la charge des défendeurs d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 septembre 2018 et l'arrêté du maire de la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon du 3 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de chacune des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... G..., à Mme H... A... et à la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon.

Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.

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N°18MA04922

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04922
Date de la décision : 19/03/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS KAROUBY - MINGUET - ESTEVE - MELLOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-19;18ma04922 ?
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