Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 1803160 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 mars 2019, Mme C... B..., représentée par
Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 décembre 2018 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de Vaucluse du 24 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet l'a privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union Européenne ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code précité et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, dès lors qu'elle a établi en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux, sans que puisse s'y opposer la circonstance qu'elle puisse bénéficier de la procédure de regroupement familial ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant dès lors que deux de ses trois enfants sont scolarisés et qu'Eslem nécessite une aide en raison de son handicap.
Par une décision du 22 février 2019, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme B....
Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2020 le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi 98-349 du 11 mai 1998 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. F... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité tunisienne, née le 6 janvier 1977, a sollicité le 21 juin 2018, auprès du préfet de Vaucluse, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 1803160 du 4 décembre 2018 dont elle interjette appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.
3. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
4. Mme B... fait valoir que les échanges avec l'administration s'effectuent uniquement par courrier et qu'ainsi, elle n'a pas disposé de la possibilité de présenter personnellement sa demande de titre de séjour, le formulaire qu'elle a rempli pour déposer sa demande indique elle sera convoquée " pour un entretien d'examen de situation ". Elle ne soutient ni même allègue qu'elle aurait sollicité, en vain, un entretien, ni qu'elle aurait été privée de la possibilité de faire valoir, auprès de l'administration, des éléments d'information ou des arguments nouveaux de nature à compléter sa demande initiale de régularisation. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union Européenne.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet de Vaucluse n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. B... étant titulaire d'une carte de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " il ne dispose, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du droit de séjourner et de travailler en France pendant une période d'une durée cumulée de six mois par an. Par suite, sa résidence principale est réputée se trouver à l'étranger.
8. Pour soutenir que la décision attaquée a méconnu les stipulations et dispositions précitées, Mme B... se prévaut, d'une part, de son ancienneté et de son intégration sur le territoire français et, d'autre part, de la présence sur ce territoire de son mari et de leurs trois enfants. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'appelante serait entrée sur le territoire national selon ses déclarations, le 15 janvier 2017. Ainsi, l'intéressée ne justifie au mieux d'une vie commune avec son époux en France que d'un an et demi à la date de la décision attaquée du 24 juillet 2018, le titre de séjour dont dispose ce dernier en qualité de travailleur saisonnier valable pour trois ans n'accordant qu'un droit précaire à demeurer en France. Par ailleurs, il n'est pas allégué que Mme B... serait dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, pays où elle a vécu la majeure partie de sa vie, et alors que son éloignement ne constitue pas un obstacle qui l'empêcherait de mener une vie familiale, dès lors que son époux est un ressortissant tunisien dont le titre de séjour " saisonnier " ne lui ouvre pas un droit à séjourner en France au titre de la vie privée et familiale. En outre, il est constant que l'ensemble de la famille était titulaire, à la date de la décision attaquée, d'un titre de séjour italien valide. Les circonstances que l'état de santé de Mme B... nécessite un suivi médical pour une hypertension artérielle ainsi qu'un diabète, que ses enfants soient scolarisés en France et que la situation de l'un de ceux-ci nécessite éventuellement une orientation en milieu spécialisé ou adapté, ne démontrent pas que le préfet du Vaucluse a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de Mme B....
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". L'article L. 312-2 du même code dispose : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ". En outre, en vertu de l'article R. 312-2 du code précité : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance (...) Cette demande d'avis est accompagnée des documents nécessaires à l'examen de l'affaire, comportant notamment les motifs qui conduisent le préfet à envisager une décision de retrait, de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, ainsi que les pièces justifiant que l'étranger qui sollicite une admission exceptionnelle au séjour réside habituellement en France depuis plus de dix ans ".
10. Il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il n'y a donc pas lieu de se référer aux débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, cette loi ayant inséré un article 12 quater à l'ordonnance du 2 novembre 1945 dont l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile reprend en partie les dispositions. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, Mme B... ne remplissant pas les conditions pour prétendre à l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code, le préfet du Vaucluse n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré d'un tel vice de procédure doit, dès lors, être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Comme dit au point 7, le mari de Mme B... ne peut prétendre à une résidence permanente en France. Rien ne fait obstacle à ce que la requérante reparte avec lui et leurs enfants mineurs dans leur pays d'origine, où ces derniers pourront poursuivre leur scolarité. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, où siégeaient :
- M. F..., président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 17 mars 2020.
N° 19MA01460 5