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06/03/2020 | FRANCE | N°19MA01045

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 mars 2020, 19MA01045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée et lui a prescrit de se présenter au commissariat de police de Bastia les lundi, mercredi et vendredi dans l'attente de son départ.

Par un jugement n° 1801134 du 31

janvier 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être éloignée et lui a prescrit de se présenter au commissariat de police de Bastia les lundi, mercredi et vendredi dans l'attente de son départ.

Par un jugement n° 1801134 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2019, Mme C..., représentée par Me A... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 31 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'annuler la décision non notifiée du préfet de la Haute-Corse l'assignant à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour à l'expiration de ce délai ;

5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande, qui a été présentée devant le tribunal administratif avant l'expiration du délai de recours, n'était pas tardive ;

- elle n'a pas été informée, dans une langue qu'elle comprend, dès la notification de l'arrêté, de la faculté qu'elle avait de solliciter l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil et cette notification est intervenue en fin de semaine rendant plus difficile l'exercice d'un recours contentieux ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- elle ne pourra pas bénéficier au Maroc des soins dignes et adaptés à sa maladie ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- il est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la mesure adoptée à son encontre est discriminatoire ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 561-1 à L. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'assignation à résidence ;

- la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre est illégale car elle ne lui a pas été notifiée, a été signée par une autorité incompétente, est insuffisamment motivée, souffre d'un défaut d'examen sérieux de sa situation, méconnaît les droits de la défense, les dispositions de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2020, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 septembre 2018, le préfet de la Haute-Corse a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme C..., ressortissante marocaine, a assorti ce refus d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai, et a prescrit à l'intéressée de se présenter au commissariat de Bastia les lundi, mercredi et vendredi dans l'attente de son départ. Mme C... relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme C... ayant été admise le 30 avril 2019 au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. En vertu des dispositions de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, le délai de recours à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire prise en application du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec la décision d'éloignement, est de trente jours à compter de la notification de cette décision. Ce délai ne se confond pas avec un délai d'un mois. A l'instar de tout délai de procédure et en l'absence de disposition contraire, il a le caractère d'un délai franc. Dans les cas où il expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a reçu le 3 octobre 2018 notification de l'arrêté pris par le préfet de la Haute-Corse le 21 septembre 2018 et qu'elle a formé un recours contre cet arrêté qui a été enregistré le 3 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Bastia. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, pour être recevable, la demande d'annulation présentée par Mme C... devait être reçue par le tribunal administratif au plus tard le lendemain du trentième jour suivant la date de notification de l'arrêté, soit le samedi 3 novembre 2018. Le délai de recours expirant ainsi un samedi, il devait être en outre prorogé jusqu'au lundi 5 novembre suivant. Ainsi, la demande de Mme C... enregistrée le 3 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif n'était pas tardive.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande comme irrecevable. Par suite, ce jugement doit être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Haute-Corse du 21 septembre 2018 :

7. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision administrative étant dépourvues d'incidence sur la légalité de cette décision, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué n'aurait pas été notifié régulièrement à Mme C... avant sa mise à exécution est inopérant à l'appui du recours pour excès de pouvoir formé contre cet arrêté.

8. En deuxième lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. Frédéric Lavigne, secrétaire général de la préfecture, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Corse en vertu d'un arrêté du 27 août 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté. Cet arrêté, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est, par ailleurs, suffisamment motivé.

9. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ... La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

10. Pour refuser à Mme C... le renouvellement de son titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Corse s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 janvier 2018, qui a estimé que, si l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard toutefois à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait y bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si la requérante soutient qu'elle ne pourra pas bénéficier au Maroc des soins dignes et adaptés à sa maladie et se prévaut d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé du mois d'avril 2018 décrivant en termes généraux le système de santé marocain et mentionnant qu'il n'a pu produire une offre de soins de qualité malgré certaines réformes, elle n'apporte aucun élément circonstancié à l'appui de ses allégations. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait fait une application erronée des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Mme C..., âgée de 53 ans à la date de l'arrêté en litige, est célibataire et sans charge de famille. Si elle se prévaut de la présence en France de trois de ses quatre frères, elle ne justifie pas être dépourvue de toute attache familiale ou personnelle dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 47 ans. Dans ces conditions, et bien qu'il lui a été reconnu, en raison de son handicap, un taux d'incapacité de 80 %, l'arrêté contesté n'a en l'espèce pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet le préfet de la Haute-Corse, en lui refusant le séjour et en prenant à son encontre une mesure d'éloignement, n'a pas davantage adopté une mesure discriminatoire illégale portant atteinte à la dignité de la personne humaine ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. ". Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de l'arrêté en litige, qu'en application de ces dispositions, le préfet de la Haute-Corse a astreint Mme C... à se présenter aux services de police de Bastia les lundi, mercredi et vendredi pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. En revanche, il ne ressort pas de ces mêmes pièces que l'intéressée aurait fait l'objet d'une décision l'assignant à résidence prise sur le fondement des articles L 561-1 ou L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions dans les prévisions desquelles au demeurant elle n'entrait alors pas. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait méconnu les dispositions des articles L 561-1 ou L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2018 du préfet de la Haute-Corse. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre une prétendue assignation à résidence :

15. Comme indiqué au point 13 Mme C... n'a pas fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence mais a seulement été astreinte, par l'article 3 de l'arrêté en litige, à se présenter aux services de police en application de ces dispositions de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Par suite, les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la prétendue décision du préfet l'assignant à résidence, qui sont manifestement irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse une somme à Mme C... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 31 janvier 2019 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Bastia et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

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N° 19MA01045

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01045
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DAAGI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-06;19ma01045 ?
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