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05/03/2020 | FRANCE | N°18MA05107

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 mars 2020, 18MA05107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'un défaut d'information sur les risques inhérents aux interventions chirurgicales dont il a bénéficié dans cet établissement en 1983 et en 1985 et d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire.

Par jugement n° 1703288 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rej

eté la demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'un défaut d'information sur les risques inhérents aux interventions chirurgicales dont il a bénéficié dans cet établissement en 1983 et en 1985 et d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire.

Par jugement n° 1703288 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de statuer avant-dire droit pour désigner un expert afin qu'il se prononce sur les interventions chirurgicales qu'il a subies et sur l'information reçue par ses parents quant aux risques inhérents à ces gestes et d'évaluer les préjudices en résultant ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Montpellier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. D... soutient que :

- la décision du 2 juin 2017 par laquelle sa demande indemnitaire préalable a été rejetée est entachée d'incompétence et d'insuffisance de motivation ;

- son état de santé demeure instable, notamment sur le plan cognitif, et il se trouve contraint de suivre assidument un traitement antiépileptique, si bien qu'il ne peut être considéré comme consolidé ;

- son retard intellectuel, qui l'a empêché d'agir en justice, a fait obstacle à l'écoulement du délai de prescription ;

- une mesure d'expertise présente un caractère utile afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé et l'étendue de ses séquelles cognitives.

Par un mémoire enregistré le 13 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne conclut à l'accueil de son intervention et à ce que ses droits soient réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise le cas échéant.

Elle soutient qu'elle a droit au remboursement des prestations servies en cas d'engagement de la responsabilité de l'établissement public.

Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2019, le CHRU de Montpellier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de légalité externe dirigés contre la décision du 2 juin 2017 sont inopérants ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. D... à sa majorité, soit au 20 avril 2001 ;

- M. D... n'établit pas que les troubles mentaux invoqués, qui feraient au demeurant obstacle à ce qu'il agisse seul, l'auraient empêché d'agir avant la prescription de son action en responsabilité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 20 avril 1983, atteint d'une tétralogie de Fallot, a subi au cours de l'année 1983 une intervention chirurgicale palliative au CHRU de Montpellier, au cours de laquelle est intervenu un accident vasculaire cérébral dont il a conservé de lourdes séquelles. Par décision du 2 juin 2017, le directeur de cet établissement a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire préalable. M. D... relève appel du jugement du 5 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHRU de Montpellier à l'indemniser de ses préjudices.

2. En premier lieu, la décision du 2 juin 2017 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. D... qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte et de l'insuffisance de motivation sont inopérants.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 (...) se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. / Le titre XX du livre III du code civil est applicable, à l'exclusion de son chapitre II. ". Aux termes de l'article 2234 du code civil : " La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ".

4. La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. La consolidation de l'état de santé correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour en éviter l'aggravation.

5. D'une part, M. D..., qui présente des séquelles liées aux répercussions de son accident vasculaire cérébral sur son développement moteur et cognitif, ne produit aucune pièce médicale de nature à démontrer que ces séquelles auraient empiré à compter la date de sa majorité, à laquelle il doit être réputé, en l'absence d'éléments contraires versés à l'instruction, avoir achevé sa croissance. Il n'établit pas davantage que le traitement antiépileptique qu'il suit actuellement lui aurait été prescrit à des fins curatives. Enfin, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles ses capacités intellectuelles continueraient de se dégrader. Ainsi, la date de consolidation de son état de santé doit être fixée au 20 avril 2001, date de son dix-huitième anniversaire.

6. D'autre part, M. D... ne démontre pas que l'altération des fonctions cognitives dont il fait état serait telle qu'elle caractériserait une force majeure au sens des dispositions précitées du code civil. Par suite, elle n'a pu faire obstacle à l'écoulement du délai de prescription décennale, échu le 21 avril 2011.

7. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que, lorsqu'il a introduit sa demande de référé expertise le 5 juillet 2013, mettant ainsi pour la première fois en cause la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier, son action était prescrite.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande à fin d'indemnisation et ses conclusions à fin d'organisation d'une expertise. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en tout état de cause, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Alfonsi, président,

Mme E... présidente-assesseure,

M. B..., conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

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N° 18MA05107

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05107
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : JARRAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-05;18ma05107 ?
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