La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2020 | FRANCE | N°19MA00389

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 03 mars 2020, 19MA00389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 juillet 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire national sans délai.

Par un jugement n° 1809950 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 21 janvier 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement

du tribunal administratif de Marseille du 10 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 24 juillet 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire national sans délai.

Par un jugement n° 1809950 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 21 janvier 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 juillet 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- le contradictoire n'a pas été respecté faute pour le juge d'avoir informé les parties qu'il relevait d'office le moyen tiré de la tardiveté de la requête ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au motif que le juge a considéré à tort que sa requête était irrecevable pour tardiveté, alors que le formulaire de notification des droits qui lui a été remis ne faisait pas mention qu'en vertu de l'article R. 776-31 du code de justice administrative, il disposait de la faculté de déposer auprès du chef de l'établissement pénitentiaire dans lequel il était incarcéré, sa requête contre l'obligation de quitter le territoire français ;

- au surplus, à minima seul le délai de 15 jours lui était opposable, dès lors que la décision QPC n° 2018-709 censure le délai maximal de 5 jours de temps global imparti à l'étranger détenu pour former un recours devant et au juge de statuer sur celui-ci. Ainsi, c'est à tort qu'il lui a été opposé le dépassement du délai de 48 heures ;

- la décision contestée méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, pour des motifs qui seront exposés dans un mémoire ampliatif.

Une mise en demeure de défendre a été adressée le 16 octobre 2019 au préfet des Bouches-du-Rhône.

Une mise en demeure a été adressée le 17 janvier 2020 à M. B... afin qu'il produise dans un délai de 15 jours le mémoire ampliatif complémentaire annoncé dans sa requête introductive d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., étranger alors incarcéré à ... de deux ans. Par un jugement n° 1809950 du 10 décembre 2018 dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré du défaut du contradictoire :

2. Pour rejeter la demande formulée par M. B..., la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a considéré que la requête présentée par l'intéressé contre l'arrêté litigieux, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 4 décembre 2018, était tardive et, par suite, affectée d'une irrecevabilité insusceptible d'être couverte en cours d'instance.

3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article R. 776-2 du même code dans sa rédaction alors applicable : " / (...) II. - Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément.". Aux termes de l'article R. 776-19 du même code : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours de contentieux, auprès de ladite autorité administrative. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, mention du dépôt est faite sur un registre ouvert à cet effet. Un récépissé indiquant la date et l'heure du dépôt est délivré au requérant. / L'autorité qui a reçu la requête la transmet sans délai et par tous moyens au président du tribunal administratif. ". En outre, aux termes de l'article R. 776-31 du même code, applicable en cas détention : " Au premier alinéa de l'article R. 776-19, les mots : " de ladite autorité administrative " sont remplacés par les mots : " du chef de l'établissement pénitentiaire " ".

4. Lorsque les conditions de la notification, à un étranger en détention, d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai portent atteinte à son droit au recours effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elles font obstacle à ce que tout délai de recours, et notamment le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, commence à courir.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 24 juillet 2018 a été notifié à M. B..., alors placé en détention, le 25 juillet 2018 à 7h10. La notification de cet arrêté fait mention de ce que M. B... a " la possibilité de déposer, dans les 48 H à compter de la date de réception de la présente fiche, un recours contre cet arrêté devant le président du tribunal administratif de Marseille par tous moyens y compris par télégramme ou télécopie (22, 24 rue Breteuil, 13006 Marseille...) / que s'il est privé de liberté, il pourra déposer ce recours dans les 48 H auprès du responsable du centre de rétention ou du local de police ou de gendarmerie dans lequel il sera hébergé ". Ainsi rédigée, cette notification ne contient aucune information quant à la possibilité pour M. B... de déposer son recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire en application de l'article R. 776-31 du code de justice administrative. Dans ces conditions, eu égard à la situation particulière de personne détenue de M. B..., la notification réalisée le 25 juillet 2018 faisait obstacle à l'exercice d'un recours effectif et ne pouvait avoir pour effet de faire courir les délais de recours contentieux. C'est donc à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, enregistrée le 4 décembre 2018, comme irrecevable car tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 10 décembre 2018 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les conclusions d'annulation :

7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. B..., né le 22 avril 1998 à Annaba, de nationalité algérienne, s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire national à l'issue de l'expiration de son visa de 30 jours au 27 janvier 2016. S'il fait valoir que la décision attaquée porte une grave atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale au motif que les membres de sa seule famille, composée de sa mère et son frère résident régulièrement en France, qu'il présente une promesse d'embauche de peintre en bâtiment, et qu'il a une santé fragile comme en attestent deux ordonnances médicales lui prescrivant notamment du " Valium " et du " Gaviscon ", il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est majeur à la date de la décision attaquée, et qu'il a été condamné le 13 juillet 2016 pour vol aggravé. En conséquence, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce ainsi qu'aux effets d'une obligation de quitter le territoire français, l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône contesté, fondé notamment sur la menace pour l'ordre public que représente l'intéressé, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, il n'a méconnu ni les dispositions de l'article 6-5°de l'accord précité, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, et n'est pas entaché d'une erreur manifeste de la situation personnelle de l'intéressé.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809950 du 10 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille, tendant à l'annulation la décision du 24 juillet 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire national sans délai, est rejetée.

Article 3 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 février 2020 où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2020.

N° 19MA00389 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00389
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-03;19ma00389 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award