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03/03/2020 | FRANCE | N°18MA00365

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 03 mars 2020, 18MA00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI des Gouttières et la SARL Tamalis ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault, la commune de Vias et le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) à leur verser la somme de 2 313 744,52 euros en réparation des préjudices subis, somme assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1404621 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Mont

pellier a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI des Gouttières et la SARL Tamalis ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault, la commune de Vias et le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) à leur verser la somme de 2 313 744,52 euros en réparation des préjudices subis, somme assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1404621 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistré le 24 janvier 2018 et le 12 septembre 2018, la SCI des Gouttières et la SAS Tamalis, représentées par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 novembre 2017 ;

2°) de condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault, la commune de Vias et le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) à leur verser la somme de 2 313 744,52 euros en réparation des préjudices subis assortie des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat, le département de l'Hérault, la commune de Vias et le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, du département de l'Hérault, de la commune de Vias et du syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'être motivé en application de l'article L. 9 du code de justice administrative, pour ne pas avoir statué sur le moyen tiré de la responsabilité pour faute du département de l'Hérault et de la commune de Vias dont les griefs invoqués étaient différents de ceux actionnés contre l'Etat ;

Sur la responsabilité sans faute pour dommage de travaux public :

- la responsabilité sans faute des personnes publiques mises en cause ne peut qu'être reconnue envers le tiers victime d'un préjudice causé par l'érosion marine due, au moins pour partie, à la présence d'ouvrages publics sur le domaine public maritime. Les digues du Libron qui ont pour objet d'assurer le bon écoulement de ses eaux vers la mer notamment en période de crues, ainsi que les épis et les brise-lames qui ont pour fonction d'assurer l'érosion de la côte est de l'embouchure du Libron ont entraîné une érosion sévère de la plage devant le camping qu'elles exploitent à l'ouest de l'embouchure du Libron sur les parcelles cadastrées section AC n°122 et AC n° 123 sur la commune de Vias, ce qui a été reconnu par une décision de la présente Cour n° 14MA01287 qui relève l'influence de ces ouvrages sur le terrain situé à une distance maximale de 200 à 250 mètres au-delà de l'érosion naturelle que les ouvrages ont contribué à aggraver ; les digues implantées en 1978 et les épis de mer réalisés en 1982 ont eu pour effet de capter une partie des sables véhiculés par la dérive littorale pour engraisser la plage en amont de l'obstacle, mais d'éroder la plage en aval de l'ouvrage ;

- l'Etat est propriétaire, gardien du domaine public maritime et donc des digues et brise-lames dont il est le maître d'oeuvre, tandis que le département de l'Hérault est maître d'ouvrage des 9 épis en cause, et que la commune de Vias est maître d'ouvrage des

3 brise-lames et des digues du Libron, donc responsable de l'entretien de ces ouvrages publics avec le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) ;

- le jugement est entaché de contradiction de motifs lorsqu'il affirme dans son

point 7 que l'érosion a pu être aggravée par la présence des digues du Libron pour ensuite écarter la réalité de l'érosion en aval dérive en faisant valoir les enrochements qui ont contribué à l'abaissement du niveau des plages par leur désengraissement ;

- les enrochements réalisés en 1984 n'avaient pour seul objet que de protéger le terrain contre l'action des flots, mais pas de contribuer à l'érosion de la plage contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges ; par suite, aucune faute ne peut leur être reprochée de nature à exonérer les gestionnaires publics de leur responsabilité ;

Sur la responsabilité sans faute du fait de la loi :

- l'érosion aggravée du littoral a eu pour effet d'incorporer automatiquement ses parcelles dans le domaine public maritime en vertu de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques. Il en résulte une atteinte anormale et spéciale à l'encontre du droit de propriété qui doit entraîner réparation en raison d'une rupture d'égalité devant les charges publiques par l'effet d'une loi ;

Sur la responsabilité pour faute des personnes publiques :

- l'Etat connaissait le risque de déstabilisation de l'équilibre morphodynamique du littoral de Portiragnes relevé par l'étude opérationnelle sur la mise en oeuvre d'un projet d'aménagement de la zone littorale dite " Côte Ouest " sur la commune de Vias réalisée en août 1999 pour la direction départementale de l'équipement de l'Hérault. Pourtant l'Etat a autorisé la réalisation par la commune de Vias en 2000 des trois derniers brise-lames situés entre les épis existants et les digues de l'embouchure du Libron sur son domaine public maritime. De ce fait, il a engagé sa responsabilité et il doit protéger les dommages causés par lesdits ouvrages publics. Au surplus, alors que la commune de Vias a méconnu son obligation contractuelle contractée envers l'Etat qui lui a concédé la gestion de la plage naturelle en n'entretenant pas correctement la plage, celui-ci n'a pas mis en oeuvre son pouvoir de contrôle ;

- le département de l'Hérault ainsi que la commune de Vias ont contribué à la construction d'ouvrages qui ont accéléré le phénomène naturel d'érosion malgré le risque connu d'aggravation de ce phénomène, engageant ainsi leurs responsabilités pour faute, outre que la commune de Vias n'a pas respecté son obligation contractuelle envers l'Etat d'entretien et de maintien de la plage naturelle ;

Sur le lien de causalité :

- l'influence néfaste des ouvrages publics que constituent les digues du Libron ainsi que les digues et les brise-lames sur le déplacement de l'érosion de la plage en aval de ceux-ci (côte ouest de l'embouchure du Libron) est manifeste par le déplacement du sens des courants marins qui ont déchargés en sable l'espace au droit de leurs parcelles pour au contraire maintenir la côte située à l'est de l'embouchure du Libron, et encore démontrée par

huit études ;

Sur les préjudices :

- tant la propriétaire des parcelles en cause que l'exploitante du camping à l'enseigne " Les Flots Bleus ", la SARL Tamalis, justifient d'un préjudice anormal et spécial en raison de la perte d'une partie du terrain du fait de son érosion ou inclus dans le domaine public pour une surface de 9 782 m². Il en résulte un préjudice pour la SCI des Gouttières (propriétaire) de 1 467 300 euros à raison d'un prix au m² de 150 euros de terrain en front de mer exploité en camping, auquel doit s'ajouter sa contribution pour occuper le domaine public maritime, soit 438 euros en 2011, 468 euros en 2012 et 480 euros en 2013, outre les réparations des dégradations pour 29 084,28 euros, et le coût de la consolidation du terrain pour 60 525 euros, ainsi que le coût des procédures juridictionnelles engagées pour

14 313,91 euros, et le prix de l'expertise réalisée sur ordonnance du 27 février 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier pour 7 083,33 euros, et la compensation du préjudice commercial en raison de la perte de 76 emplacements à 9 527 euros l'unité, soit 724 052 euros et une perte d'image évaluée à 10 000 euros pour l'exploitante du fonds de commerce, la SARL Tamalis. Au total, elle est bien fondée à demander la somme globale de 1 467 300 HT euros pour la perte du foncier et la somme de 846 444,52 HT euros pour les autres préjudices, soit 2 313 744, 52 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2018, la commune de Vias, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérantes à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la déchéance quadriennale a été acquise au 1er janvier 2013. Par suite, les créances dont se prévalent les sociétés requérantes sont forcloses ;

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2018, le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL), représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête, et à la condamnation des sociétés appelantes à lui verser la somme de 2 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il doit être mis hors la cause dès lors que son objet social n'est pas d'intervenir sur le domaine public maritime, et au surplus, que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, le département de l'Hérault, représenté par Me F... et Me C..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés appelantes à lui verser la somme de 2 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 11 octobre 2018 a clos l'instruction au 11 octobre 2018 à 12h00, en vertu de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me D..., représentant la SCI des Gouttières et la SAS Tamalis, de Me B..., substituant Me C..., représentant le département de l'Hérault et de Me H..., substituant Me G..., représentant le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL).

Considérant ce qui suit :

1. La SCI des Gouttières est propriétaire depuis l'année 2004 de deux parcelles cadastrées AB n° 123 et AB n° 122 sur le territoire de la commune de Vias sur lesquelles la SARL Tamalis exploite un fonds de commerce de camping à l'enseigne " les Flots Bleus " depuis l'année 2006. La première parcelle est située en front de mer sur la côte ouest de l'embouchure du Libron, et la seconde est placée en second rang, derrière la parcelle

AB n° 120 qui appartient à la commune de Vias laquelle donne également sur la plage, et est mitoyenne de la parcelle AB n° 123. Par un jugement du 23 novembre 2017 dont ces deux sociétés relèvent appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault, la commune de Vias et le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) à leur verser la somme de 2 313 744,52 euros assortie des intérêts au taux légal en raison des préjudices qu'elles subissent du fait de l'érosion marine causée par l'implantation d'ouvrages de protection contre la mer.

Sur la régularité du jugement :

2. Les sociétés requérantes ont invoqué devant le tribunal administratif de Montpellier la responsabilité pour faute du département de l'Hérault, de la commune de Vias et du SIGAL. Le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement 23 novembre 2017 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions.

3. Par suite, il y a lieu pour la Cour, dans la mesure de l'annulation prononcée, d'évoquer, de statuer immédiatement sur ces conclusions et de se prononcer sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la mise hors de cause du syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) :

4. Il résulte de l'instruction que le syndicat intercommunal du Libron a été autorisé par un arrêté du préfet de l'Hérault du 1er février 1993, et que par un arrêté du même préfet du 6 mars 1996, il a été transformé en syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron. Son objet social est défini comme suit aux termes de l'article 2 de ses statuts : " Le Syndicat a pour objet de promouvoir la mise en oeuvre du schéma global d'aménagement défini dans le cadre de son statut antérieur (1993 à 1995). Ce schéma vise deux grands objectifs (améliorer la gestion des crues et faire du Libron une rivière à caractère exemplaire) et s'articule sur neuf programmes d'action ". D'une part, en 1978, date d'édification des digues du Libron, ce syndicat n'existait pas. Ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas recevables à rechercher sa responsabilité en raison de l'édification de cet ouvrage. D'autre part, alors même que ce syndicat a pour mission d'améliorer la gestion des crues du Libron pour en faire une rivière à caractère exemplaire, il ne ressort d'aucun élément du dossier, et cela n'est d'ailleurs pas contesté par les appelantes, que ce syndicat soit chargé de l'entretien des digues en cause, et qu'il soit intervenu sur le domaine public maritime. Par suite, le SIGAL doit être mis hors de cause.

Sur les conclusions indemnitaires :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Vias :

S'agissant de la responsabilité sans faute :

5. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

6. Premièrement, il résulte de l'instruction qu'afin de lutter contre le phénomène naturel d'érosion marine du littoral de la commune de Vias, des ouvrages publics ont été implantés en mer, composés des digues du Libron, mises en place en 1978, de huit épis construits en 1982, des digues de l'exutoire des crues du Libron construites en 1991, d'un neuvième épis construit en 1996, et de trois brise-lames installés en 2000. Les sociétés requérantes soutiennent que ces ouvrages ont aggravé le phénomène d'érosion marine lequel leur a causé préjudice par les dommages aux terrains d'assiette du camping dont elles sont propriétaire ou exploitante. Les dommages dont les sociétés requérantes demandent réparation, lesquelles ont la qualité de tiers à l'égard de ces ouvrages publics maritimes, sont liés à l'existence même, et au fonctionnement ou à l'entretien normal de ces ouvrages. En conséquence, ils présentent le caractère de dommages permanents de travaux publics. Par suite, les sociétés des Gouttières et Tamalis sont tenues de démontrer le caractère grave et spécial des préjudices qu'elles prétendent subir.

7. Deuxièmement, il est constant que dès l'année 2003, en raison de la disparition progressive de la plage de la commune de Vias, le trait de côte avait atteint les enrochements aménagés par l'ancien propriétaire des parcelles de la SCI des Gouttières sur lesquelles était déjà exploité un camping à l'enseigne " Les Flots Bleus ". Ainsi, les sociétés requérantes, la SCI des Gouttières ayant acquis en 2004 les parcelles en cause, et la SARL Tamalis ayant débuté une activité d'exploitant de camping en 2006, ne sauraient revendiquer la réparation du préjudice que leur causerait la disparition de la plage, dès lors, d'une part, qu'elles ne pouvaient ignorer l'existence de l'érosion marine et, d'autre part et surtout, que comme il vient d'être dit, à la date d'acquisition et de début d'exploitation des parcelles AB n° 123 et AB n° 122, la mer avait déjà atteint le perré de protection longitudinal en enrochement du terrain en cause. Elles étaient par ailleurs informées que les enrochements construits par l'ancien propriétaire dès l'année 1984 l'avaient été pour s'opposer à l'intrusion marine sur ses parcelles de terrain. Ainsi, les deux sociétés connaissaient la cause et l'étendue du risque sévère d'érosion marine, qui n'a pas pu être accentué postérieurement à l'année 2004 du fait de l'action d'une personne publique, faute de l'édification d'un nouvel ouvrage maritime en sus de ceux déjà présents à cette date.

8. Troisièmement, il est constant que les neuf épis et trois brise-lames, situés à l'ouest des digues du Libron, font partie d'une sous-cellule sédimentaire fonctionnant de manière indépendante et homogène. En outre, si le phénomène d'érosion a pu être aggravé par la présence des digues du Libron, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude menée par Sogreah-Ceprel en 1995 sur l'impact local des digues du Libron que l'endiguement s'est stabilisé car les digues, après avoir momentanément interrompu le transit sédimentaire, ont été contournées par la dérive littorale, cessant de la sorte de piéger les sédiments sableux. Ainsi, s'il ressort des termes du rapport DHI France du 28 avril 2014 commandé par les sociétés requérantes, que l'influence des seules digues du Libron a accentué l'érosion du littoral en aval dérive sur une distance circonscrite entre 200 et 250 mètres, soit immédiatement devant une parcelle détenue par la commune, puis pour partie au droit de la parcelle des sociétés requérantes, ce phénomène, pris séparément des autres causes d'érosion, est stabilisé. A ce titre, les requérantes soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs en ce qu'après avoir reconnu au point 7 que l'érosion a pu être aggravée par la présence des digues du Libron, il écarte ensuite la réalité de l'érosion en aval dérive en faisant valoir les enrochements qui ont contribué à l'abaissement du niveau des plages par leur désengraissement. Il résulte toutefois dudit point 7 que " si l'érosion a pu être effectivement aggravée par la présence des digues du Libron (...) et (si) lesdits ouvrages sont à l'origine de l'accélération observée ", d'une part, " à partir de 1996, l'érosion (...) s'est stabilisée à -1 mètre " et d'autre part, " les digues, après avoir momentanément interrompu le transit sédimentaire, ont été contournées par la dérive littorale cessant ainsi de piéger les sédiments sableux ", et " l'aggravation du phénomène considéré a pour origine principale l'anthropisation de la bande littorale et la multiplication des enrochements (...) accélérant ainsi le phénomène naturel d'érosion ". Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune contradiction de motifs. Ainsi, il est constant que l'érosion marine au droit des parcelles des requérantes réside dans l'anthropisation du littoral de Vias. Par ailleurs, il ne résulte d'aucun élément du dossier que les dommages dont se prévalent les sociétés requérantes seraient dus à un défaut d'entretien des ouvrages maritimes en cause. Par suite, les sociétés requérantes n'apportent pas la preuve qui leur incombe du lien direct et certain entre un dommage anormal et spécial résultant de la progression de la mer au droit des parcelles en cause, en raison des digues du Libron ainsi que de la présence des ouvrages publics implantés en mer mentionnés au point 7 du présent arrêt.

S'agissant de la responsabilité pour faute :

9. Premièrement, il est constant que le littoral viassois est soumis à une érosion naturelle à l'échelle séculaire. La réalisation des différents ouvrages en mer, soit les digues destinées à contenir les crues du Libron, réalisées à l'embouchure de ce cours d'eau en 1978, les digues d'un exutoire de crues réalisées en 1991, les neuf épis en mer, réalisés par le département de l'Hérault en 1982 et 1996, et les trois brise-lames édifiés en 2000 par la commune de Vias, a vocation à lutter contre l'érosion du littoral. Par suite, dès lors que ces ouvrages ont contribué à réduire l'érosion marine, les deux sociétés appelantes ne sont pas fondées à invoquer des fautes de l'Etat, du département de l'Hérault et de la commune de Vias tirées de ce que ces collectivités publiques auraient autorisé à tort l'édification des ouvrages en litige.

10. Deuxièmement, d'une part, il résulte de l'instruction que la concession de plage naturelle accordée par l'Etat à la commune de Vias, par un arrêté préfectoral du 30 septembre 2011, n'oblige pas la commune à engager des mesures de protection contre l'érosion marine. Par suite, le moyen tiré du défaut de surveillance de l'Etat envers le délégataire tiré de ce que la commune aurait à tort maintenu les ouvrages critiqués et aurait ainsi participé à l'érosion marine doit être écarté. D'autre part, en tout état de cause, les sociétés appelantes qui ont la qualité de tiers à cette concession ne peuvent se prévaloir de la violation de ses stipulations. Dès lors, elles ne sont fondées, ni à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute pour carence dans ses pouvoirs d'autorité concédante, ni celle de la commune pour faute dans ses obligations contractuelles.

11. Troisièmement, il ne résulte de l'instruction et, en tout cas, d'aucun des éléments produits par les sociétés requérantes, que le phénomène d'érosion au droit des parcelles concernées présenterait un lien de causalité direct et certain avec un défaut d'entretien des ouvrages. Par suite, elles ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité des trois personnes publiques précitées au titre d'une carence dans le maintien desdits ouvrages.

12. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'érosion a été aggravée par les ouvrages de protection construits en 1984 par l'ancien propriétaire au droit de sa propriété, dès lors que lesdits enrochements contribuent à la sape des talus de la plage. Par suite, en interdisant l'implantation de tels ouvrages par les propriétaires riverains qui accélèrent l'érosion, l'Etat n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

13. Il résulte de tout ce qui a été dit que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité fautive de l'Etat en sa qualité de propriétaire du domaine public maritime, de gardien des ouvrages qui participe à leur entretien et maître d'oeuvre de ceux-ci, ni celle du département de l'Hérault en sa qualité de maître d'ouvrages des neuf épis, ni celle de la commune en tant que maître d'ouvrage des brise-lames et des digues du Libron.

S'agissant de la responsabilité du fait des lois :

14. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend :/ 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) ". Les sociétés requérantes ne justifient pas qu'une partie des parcelles cadastrées

AC n° 122 et AC n° 123 sises sur le territoire de la commune de Vias, acquises en 2004, sur la côte ouest de l'embouchure du Libron, a été incorporée au domaine public maritime naturel. Ainsi, en tout état de cause, elles ne sauraient prétendre à une indemnisation du fait de cette prétendue incorporation, d'autant qu'ainsi qu'il l'a été dit, les deux appelantes ne démontrent pas que la construction ou l'absence d'entretien des ouvrages de protection que constituent les digues du Libron, les neuf épis et les trois brise-lames leur auraient causé des dommages.

Sur les dépens :

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des frais de cette nature aient été engagés dans le cadre de la présente instance. Par suite, les conclusions des sociétés requérantes au titre des dépens sont sans objet et donc irrecevables.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

17. Les dispositions précitées s'opposent à ce que la SCI des Gouttières et de la SARL Tamalis, qui sont les parties perdantes dans l'instance, puissent obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés. Par contre, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 2 000 euros à verser respectivement au syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron, à la commune de Vias et au département de l'Hérault au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 novembre 2017 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la SCI des Gouttières et de la SARL Tamalis relatives à la responsabilité sans faute du département de l'Hérault, de la commune de Vias et du syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL).

Article 2 : Le syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron (SIGAL) est mis hors de cause.

Article 3 : La demande de la SCI des Gouttières et de la SARL Tamalis devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : La SCI des Gouttières et la SAS Tamalis verseront respectivement au syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron, à la commune de Vias et au département de l'Hérault la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière des Gouttières, à la SAS Tamalis, au syndicat intercommunal pour la gestion et l'aménagement du Libron, à la commune de Vias, au département de l'Hérault et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 11 février 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2020.

N° 18MA00365 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP MARGALL. D'ALBENAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 03/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA00365
Numéro NOR : CETATEXT000041705615 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-03;18ma00365 ?
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