La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2020 | FRANCE | N°19MA02111

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 19MA02111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sirap Tarascon a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône du 28 avril 2016 lui refusant l'autorisation de licencier M. A... C... et celle implicite de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1610272 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Ma

rseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sirap Tarascon a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône du 28 avril 2016 lui refusant l'autorisation de licencier M. A... C... et celle implicite de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours dirigé contre cette décision.

Par un jugement n° 1610272 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mai 2019 et le 21 novembre 2019, la société Sirap Tarascon, représentée par la SELARL C.V.S. (Cornet-Vincent-Segurel), demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 28 avril 2016 de l'inspectrice du travail et la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. C... ne peut être regardé comme ayant formulé un accord à la proposition de réintégration qui lui a été adressée en l'absence d'acceptation expresse et sans équivoque de sa part ;

- l'acceptation de sa réintégration n'est pas loyale et sincère ;

- elle n'a exercé aucune contrainte économique sur l'intéressé en raison de l'arrêt du paiement de ses salaires ;

- le poste proposé est compatible avec les contraintes familiales de l'intéressé et avec l'exercice de son mandat de conseiller prud'homal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, M. C..., représenté par la SCP Breuillot et Varo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Sirap Tarascon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Sirap Tarascon ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 janvier 2013, l'inspecteur du travail compétent a autorisé la société Vitembal Tarascon, devenue ultérieurement la société Sirap Tarascon, à licencier M. C..., salarié protégé, et, par une décision du 26 juillet 2013, le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par M. C... contre cette décision. Par un jugement du 17 novembre 2015, devenu irrévocable, le tribunal administratif de Marseille a, sur la demande de M. C..., annulé ces deux décisions. A la suite de la demande présentée par M. C..., la société Vitembal Tarascon lui a proposé d'être réintégré dans l'entreprise sur un poste de chef d'équipe. M. C... a d'abord refusé cette proposition, ce qui a conduit son employeur à demander à l'inspectrice du travail le 6 février 2016 l'autorisation de le licencier. Toutefois, par une lettre du 20 avril 2016, M. C... a indiqué à son employeur qu'il acceptait la modification de son contrat de travail dans le cadre de la proposition de réintégration qui lui avait été adressée. Par une décision du 28 avril 2016, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier l'intéressé. La société Sirap Tarascon relève appel du jugement du 12 mars 2019, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 avril 2016 de l'inspectrice du travail et celle implicite de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision.

Sur la légalité de la décision du 28 avril 2016 de l'inspectrice du travail et celle implicite de la ministre du travail :

2. Aux termes de l'article L. 2422-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Cette disposition s'applique aux salariés investis d'un des mandats suivants : /1° Délégué syndical ou ancien délégué syndical (...) /3° Membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, représentant syndical au comité d'entreprise, ancien membre (...) / 6° Salarié siégeant ou ayant siégé en qualité de représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail " ;

3. D'une part, dans le cas où l'emploi précédemment occupé par le salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée et qui demande sa réintégration n'existe plus ou n'est pas vacant, le refus par ce salarié d'occuper les postes équivalents proposés par l'employeur en application de l'article L. 2422-1 du code du travail ne constitue pas, par lui-même, une faute disciplinaire. Cependant, un tel refus, qui est susceptible de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, peut constituer un motif de nature à justifier une autorisation de licenciement, s'il est invoqué par l'employeur. D'autre part, l'inspecteur du travail doit apprécier l'existence du refus du salarié d'occuper le poste proposé, à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur.

4. En l'espèce, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'inspectrice du travail s'est fondée sur la circonstance qu'en dépit des refus initialement opposés par M. C..., celui-ci avait en dernier lieu accepté la proposition de réintégration de l'employeur.

5. Il ressort des pièces du dossier que, suite à la demande de M. C... sollicitant sa réintégration, la société Vitembal Tarascon a proposé à l'intéressé par courrier du 15 décembre 2015 de le réintégrer sur le poste de " chef d'équipe en équipe postée 3x8 ", comportant une reprise d'ancienneté, le même coefficient, le même niveau de rémunération, la même qualification, les mêmes perspectives de carrière que l'emploi précédemment occupé. Après avoir refusé cette proposition au motif qu'elle apportait, selon, lui une modification à la durée du travail fixé par son contrat de travail et que le cycle 3x8 serait incompatible avec l'organisation de sa vie familiale, M. C... a, par une lettre du 20 avril 2016, indiqué à son employeur " que de guerre lasse " compte tenu de " la contrainte économique " que celui-ci faisait peser sur lui " du fait de la privation de tout salaire depuis le 15 janvier 2016 ", il se voyait " dans l'obligation d'accepter finalement la modification du contrat de travail " qui lui était imposée dans le cadre de la proposition de réintégration.

6. Il résulte sans ambiguïté des termes de cette correspondance que M. C... a accepté de réintégrer l'entreprise sur l'emploi qui lui était proposé par son employeur aux conditions fixées par ce dernier et qui était au demeurant équivalent à l'emploi qu'il occupait précédemment. Cet accord a ensuite été confirmé par l'intéressé au cours de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, ainsi que le relève la décision en litige. Cette correspondance ne peut dès lors s'analyser comme un refus de M. C... d'occuper le poste qui lui était proposé en application de l'article L. 2422-1 du code du travail. La circonstance que, pour justifier son accord, M. C... a invoqué l'existence de contraintes économiques exercées par son employeur ne peut être regardée comme une réserve ou une condition de nature à remettre en cause le sens de sa décision. Dès lors, en refusant l'autorisation sollicitée au motif qu'il n'existait pas, en l'espèce, de refus du salarié d'occuper le poste qui lui était proposé rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, l'inspectrice du travail a fait une exacte application des règles mentionnées au point 3.

7. Est inopérante la circonstance que le refus initialement opposé par M. C... à la proposition qui lui a été faite ne serait pas légalement fondé, dès lors qu'à la date à laquelle l'inspectrice du travail s'est prononcée, le salarié avait, sans ambiguïté, accepté cette proposition. Par ailleurs, l'existence d'un arrêt de maladie à la date de la demande de réintégration ne constitue pas une circonstance de nature à faire obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de réintégration du salarié. Il s'ensuit que si M. C... a adressé à son employeur en même temps que son accord de réintégration, un arrêt de travail pour la période du 19 avril au 27 mai 2016, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail. Sont tout aussi inopérants à l'égard de cette même décision les contentieux ayant pu se nouer postérieurement à son édiction devant le tribunal des affaires de sécurité sociale sur l'application à M. C... de la législation sur les accidents du travail ou devant le conseil des prudhommes sur le caractère loyal de la proposition de réintégration ou la résolution judiciaire de son contrat de travail, comme la circonstance invoquée tenant à ce que suite à son accord, l'intéressé n'aurait pas retourné signée la fiche de poste qui lui a été adressée malgré un second envoi de son employeur en mai 2016.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Sirap Tarascon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 avril 2016 de l'inspectrice du travail et celle implicite de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Sirap Tarascon au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sirap Tarascon une somme de 2 000 euros à verser à M. C... au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sirap Tarascon est rejetée.

Article 2 : La société Sirap Tarascon versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sirap Tarascon, à M. A... C... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2020.

2

N° 19MA02111

ia


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02111
Date de la décision : 21/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET CORNET-VINCENT-SEGUREL CVS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;19ma02111 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award