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21/02/2020 | FRANCE | N°19MA01904

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 19MA01904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nice de le décharger de la somme de 16 800 euros mise à sa charge par un titre de perception émis à une date indéterminée sous le n° 009 001 075 461712 2013 0003669 aux fins d'assurer le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail à raison de l'emploi d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier, ainsi que de le décharger de l'obligation de payer la majoration de 1 680 euros qui lui a ét

é réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 26 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nice de le décharger de la somme de 16 800 euros mise à sa charge par un titre de perception émis à une date indéterminée sous le n° 009 001 075 461712 2013 0003669 aux fins d'assurer le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail à raison de l'emploi d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier, ainsi que de le décharger de l'obligation de payer la majoration de 1 680 euros qui lui a été réclamée par une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer du 26 février 2016.

Par un jugement n° 1603672 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Nice a réduit de 1 800 euros le montant de la contribution spéciale réclamée à M. B..., l'a déchargé de cette somme et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 en tant qu'il a maintenu à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale ;

2°) de le décharger de cette contribution ainsi que de la majoration de 1 680 euros qui lui a été infligée ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette majoration de 180 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le juge pénal l'a relaxé des poursuites engagées à son encontre à raison des mêmes faits ;

- en l'absence de tout élément probant, l'administration n'établit pas, comme il lui incombe, qu'il était l'employeur d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier ;

- le tribunal administratif ayant réduit de 1 800 euros le montant de la contribution en litige, il lui incombait, par voie de conséquence, de réduire à due proportion le montant de la majoration de 10 %.

La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 novembre 2011, lors d'un contrôle inopiné d'un chantier de construction effectué par les services de l'URSSAF à Saint André Laroche (06) en présence des services de police, a été constatée la présence sur ce chantier d'un ressortissant étranger démuni de titre l'autorisant à travailler en France. Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que celui-ci avait été employé par M. B..., qui exploite une entreprise artisanale d'électricité. Par une décision du 5 août 2013, il a appliqué à l'intéressé la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, à hauteur de 16 800 euros. Le recours gracieux formé contre cette décision a été rejeté par une décision du 12 septembre 2013. Un titre de perception a ensuite été émis à une date indéterminée sous le n° 009 001 075 461712 2013 0003669 aux fins d'assurer le recouvrement de cette contribution. Le 26 février 2016, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a adressé à M. B..., une mise en demeure, tenant lieu du commandement prescrit par le code des procédures civiles d'exécution, de payer la somme de 16 800 euros au titre de la contribution spéciale, ainsi que la majoration de retard correspondante de 1 680 euros. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 26 février 2019, réduit de 1 800 euros le montant de la contribution spéciale, l'a déchargé de l'obligation de payer cette somme et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement et demande son annulation en tant qu'il a maintenu à sa charge la somme de 15 000 euros au titre de cette contribution, ainsi que la décharge de cette somme et de la majoration de 1 680 euros.

Sur les fins de non-recevoir opposées en première instance par l'OFII :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail relatif à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 : " L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. /Les sommes recouvrées par l'Etat pour le compte de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui sont reversées (...) ". Selon l'article R. 5223-24 du même code : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perception relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 (...) ".

3. D'autre part, selon les dispositions de l'article 11 du décret 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer (...) / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer et de payer assortis des pièces justificatives requises, ainsi que les certifications qu'ils délivrent ". Aux termes de l'article 117 du même décret : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; / 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que la demande présentée par M. B..., devant le tribunal administratif de Nice tend à titre principal à la contestation du titre de perception émis à son encontre par le directeur général l'OFII en sa qualité d'ordonnateur de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, à raison de l'existence même de la créance de l'OFII et de son exigibilité et seulement, à titre accessoire, à la contestation de la majoration de retard de 10 % qui lui a été infligée par le service chargé du recouvrement de cette créance. Elle revêt, dans cette mesure, le caractère d'une opposition à exécution. Dès lors, l'OFII n'est pas fondé à soutenir que M. B... n'était pas recevable à diriger ses conclusions contre l'Office et pouvait seulement mettre en cause la direction départementale des finances publiques.

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". L'article R. 421-5 du même code dispose que " les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

6. Dès lors que les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer la date de notification à M. B... du titre de perception émis au cours de l'année 2013 sous le n° 009 001 075 461712 2013 0003669, l'intéressé disposait d'un délai de deux mois suivant la notification du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause pour contester la créance litigieuse, soit, en l'espèce, la notification de la mise en demeure de payer du 26 février 2016. En l'absence de tout élément permettant de connaître la date de notification de cette mise en demeure, il n'est nullement établi que les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif aux fins de décharge des sommes mises à sa charge seraient tardives. Si l'OFII soutient que l'intéressé n'a pas contesté dans le délai de recours contentieux la décision du 5 août 2013 du directeur général de l'établissement, faisant application à son encontre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, cette circonstance est, en l'espèce, sans incidence sur la recevabilité de ses conclusions qui tendent, non pas à l'annulation de cette décision, mais seulement à la décharge de cette même contribution mise à sa charge par le titre de perception en litige, acte administratif distinct obéissant à son propre régime contentieux.

7. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par l'OFII à la demande de première instance doivent être écartées.

Sur les conclusions aux fins de décharge de la contribution spéciale :

8. Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Selon l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale (...) ". L'article L. 8271-17 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ".

9. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que pour mettre à la charge de M. B... la contribution spéciale en litige, l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est fondé sur les éléments contenus dans le procès-verbal établi par les services de police le 9 novembre 2011, dont une copie lui a été adressée conformément aux dispositions de l'article L. 8271-17 du code du travail, faisant état de ce " qu'un inspecteur de l'URSSAF aurait contrôlé un ouvrier s'exprimant difficilement en français, déclarant travailler pour un certain Jamal depuis quelques jours et être démuni de tout document ", lequel aurait ensuite pris la fuite sans pouvoir être entendu. En l'absence de toute constatation matérielle de l'agent verbalisateur et alors qu'au moment du contrôle de nombreuses entreprises sous-traitantes intervenaient sur le site, M. B... a constamment soutenu tant lors de son audition par les services de police qu'au cours de la procédure n'avoir jamais employé cette personne et ses déclarations ont été corroborées au cours de l'enquête de police par les témoignages concordants de ses salariés et de différents conducteurs de travaux présents sur le chantier. En conséquence, la seule déclaration imprécise et hypothétique de l'ouvrier quant à l'identité de son employeur et à ses conditions d'emploi de travailleur étranger mentionnée dans le procès-verbal ne permet pas d'établir, en l'absence de tout autre élément, que le requérant aurait employé un ressortissant étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Ainsi, M. B... ne pouvait légalement être assujetti au versement de la contribution spéciale établie par l'article L. 8253-1 du code du travail.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice ne l'a pas déchargé de la totalité du montant de la contribution en litige.

Sur les conclusions aux fins de décharge de la majoration de 10 % :

11. Dans la mesure où par le présent arrêt la Cour décharge M. B..., débiteur de la somme due à titre principal, à hauteur de 15 000 euros et où le tribunal l'a déjà déchargé à hauteur de 1 800 euros, il y a lieu, par voie de conséquence, de le décharger de la majoration de retard de 10 % qui lui a été réclamée à titre accessoire pour un montant de 1 680 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'OFII le versement à M. B... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : M. B... est déchargé de la somme de 15 000 euros restant à sa charge au titre de la contribution spéciale établie par l'article L. 8253-1 du code du travail, ainsi que de la majoration de 1 680 euros dont a été assortie cette contribution.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'OFII versera la somme de 2 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques des Alpes-Martimes.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2020.

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N° 19MA01904

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01904
Date de la décision : 21/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : PERSICO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;19ma01904 ?
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