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21/02/2020 | FRANCE | N°18MA01749

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 18MA01749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Res a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 février 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant quatre aérogénérateurs d'une puissance unitaire de 2,5 MW sur le territoire de la commune de Dio-et-Valquières, au Plo de Laurier.

Par un jugement n° 1603343 du 20 février 2018, le tribunal administratif de

Montpellier a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Res a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 février 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant quatre aérogénérateurs d'une puissance unitaire de 2,5 MW sur le territoire de la commune de Dio-et-Valquières, au Plo de Laurier.

Par un jugement n° 1603343 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, la ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Res devant le tribunal administratif de Montpellier.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le projet porte atteinte à la capacité des aigles royaux à se reproduire, a pour effet une perte d'habitat et une fragmentation excessive de leurs territoires de chasse, et présente des risques de collision qui menacent le maintien du couple de rapaces.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2018, la société Res, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Res.

Considérant ce qui suit :

1. La ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 février 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à la société Res une autorisation d'exploiter un parc éolien sur la commune de Dio-et-Valquières au Plo de Laurier comportant quatre éoliennes et un poste de livraison, au motif que l'implantation dans cette zone d'un parc supplémentaire, à l'intérieur du domaine vital du couple d'aigle royal du massif de l'Escandorgue, susceptible d'être occupé par huit autres parcs éoliens précédemment autorisés, n'était pas compatible avec l'état de la conservation de cette espèce à l'échelle régionale.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour annuler l'arrêté du 19 février 2016, les premiers juges ont notamment estimé que le motif opposé par le préfet de l'Hérault pour refuser l'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige tiré de la multiplication des risques de collision qui menacent le maintien du couple d'aigle royal dans la zone n'était pas fondé en se fondant sur le fait que " tant l'étude spécifique avifaunistique que l'étude Becot font le constat d'un comportement d'évitement des éoliennes existantes " et ont ajouté " qu'en outre des mesures compensatrices sont prévues, telles que l'installation d'un système d'effarouchement par détection vidéo de type DT Bird, dont les taux de détection sont de 80 %, et que le parc est implanté à plus de dix kilomètres de la zone de nidification aux abords de laquelle ces risques sont les plus importants ", en relevant néanmoins " le caractère imparfait des dispositifs précités dans certaines conditions météorologiques " et ont ainsi suffisamment motivé leur jugement sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, applicable au litige en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".

4. Si la ministre soutient que, alors que huit autres projets éoliens ont déjà été autorisés à l'intérieur du domaine vital de l'unique couple reproducteur d'aigles royaux du plateau de I'Escandorgue, l'analyse par le pétitionnaire des impacts cumulés de ces projets sur la conservation de ce couple était insuffisante dès lors que, notamment, seulement neuf journées d'inventaire avifaunistique ont été menées, lors desquelles l'aigle royal a pourtant été observé à deux reprises, il ne critique pas sérieusement les motifs retenus par les premiers juges pour annuler l'arrêté du 19 février 2016 portant refus d'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige tenant à ce que, contrairement à ce qu'a opposé le préfet de l'Hérault dans cette décision, d'une part, l'implantation de ce parc supplémentaire contribuerait à la remise en cause de la capacité du couple à se reproduire sur ce site et, par la même, à l'état de conservation de la petite sous-population " Massif Central " de cette espèce, d'autre part, il n'est pas établi que l'implantation du parc de cinq éoliennes projeté serait de nature à caractériser un risque de perte d'habitat et de fragmentation excessif des territoires de chasse, de nature à porter atteinte à l'état de conservation de l'aigle royal.

5. En effet, il résulte de l'instruction que la zone de nidification du couple d'aigle royal est située à plus de dix kilomètres au nord du projet. L'étude d'impact fait état d'une faible utilisation du secteur de ce projet, estimant que les deux apparitions relevées au cours de la période d'inventaire avifaunistique constitueraient des vols de transits ponctuels, probablement en phase de retour vers la zone de reproduction. L'étude Becot sur laquelle s'est appuyé le préfet confirme cette faible fréquentation et met surtout en évidence l'impact des autres projets éoliens précédemment autorisés, au plus près du coeur du domaine vital du couple d'aigle royal. Si le préfet a indiqué que les conditions du milieu influent sur la reproduction et le devenir d'une espèce, l'étude de la ligue pour la protection des oiseaux dont il s'est prévalu, réalisée dans l'Aude sur une succession de quatre parcs éoliens dont le plus proche est à moins d'un kilomètre de la zone de nidification, n'est pas transposable. Il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation du parc en litige, à proximité du parc déjà exploité sur le territoire de la commune de Dio-et-Valquières, en périphérie sud du domaine vital dans sa partie la moins fréquentée par l'aigle et dont la présence n'a pas affecté la reproduction du couple, serait de nature à porter atteinte à cette capacité de reproduction.

6. S'agissant du motif opposé par le préfet de l'Hérault dans l'arrêté contesté tenant à ce que la mise en place de ce parc éolien supplémentaire induirait un risque de perte d'habitat et de fragmentation excessif des territoires de chasse dès lors que le domaine vital du couple d'aigle royal reproducteur est susceptible d'être occupé par huit autres projets éoliens précédemment autorisés pour soixante et onze éoliennes, dont le parc de sept éoliennes déjà en exploitation sur la commune de Dio-et-Valquières, il résulte également de l'instruction que le domaine vital du couple d'aigle royal s'étend selon l'étude Becot sur un périmètre légèrement supérieur à 120 km², que selon l'étude d'impact et l'étude spécifique avifaunistique, l'implantation de trois des quatre éoliennes est prévue en zone boisée ou en lisière de zone boisée, qui ne correspond pas à un territoire de chasse, que, compte tenu de la stratégie d'évitement adoptée par l'espèce, la surface impactée par le projet, qui ne comporte que quatre éoliennes, ne sera que d'environ 18 hectares sur un territoire qui s'inscrit en continuité avec le parc éolien de Dio-et-Valquières déjà évoqué, en périphérie sud du domaine vital, dans sa partie la moins fréquentée par l'aigle et que si les conclusions de l'étude de l'association Becot sur laquelle s'est appuyé le préfet évoquent les conséquences sur les territoires de chasse de plusieurs des projets déjà autorisés, situés à une distance comprise entre deux et quatre kilomètres de la zone de nidification, elles ne permettent pas, en l'état du dossier, de justifier le motif retenu du caractère excessif de l'impact supplémentaire qui serait généré par le projet en litige, le plus éloigné de la zone de nidification.

7. S'agissant enfin du motif opposé par le préfet tiré du risque de collision, il résulte de l'instruction que s'il ressort des énonciations de l'étude d'impact que le risque de collision est le risque direct le plus important généré par toute éolienne dans la mesure où il affecte la survie de l'individu, les observations effectuées ont permis de constater que les aigles ont " souvent contourné ou survolé à hauteur respectable " les éoliennes existantes. L'étude Becot évoque également le constat d'un comportement d'évitement des éoliennes existantes. Dans ces conditions, et alors que des mesures de réduction du risque sont prévues, telles que l'installation d'un système d'effarouchement par détection vidéo sur deux des quatre éoliennes, et que le parc est implanté à plus de dix kilomètres de la zone de nidification aux abords de laquelle ces risques sont les plus importants, il résulte de l'instruction qu'en se fondant sur la circonstance que la multiplication des risques de collision menaçait le maintien du couple d'aigle royal, le préfet a, nonobstant le caractère imparfait des dispositifs précités dans certaines conditions météorologiques, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 février 2016 du préfet de l'Hérault.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Res et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Res une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Res.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 février 2020.

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N° 18MA01749

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01749
Date de la décision : 21/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;18ma01749 ?
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