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21/02/2020 | FRANCE | N°18MA01512

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 février 2020, 18MA01512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Res a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2015 par lequel le préfet de la Lozère a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant six aérogénérateurs d'une puissance unitaire de 2,3 MW sur le territoire de la commune de Barjac.

Par un jugement n° 1600418 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

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rocédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Res a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2015 par lequel le préfet de la Lozère a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant six aérogénérateurs d'une puissance unitaire de 2,3 MW sur le territoire de la commune de Barjac.

Par un jugement n° 1600418 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 avril 2018 et le 1er février 2019, la société Res, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2015 par lequel le préfet de la Lozère a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Barjac ;

3°) de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée et d'assortir cette autorisation des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Lozère de fixer, s'il y a lieu, ces prescriptions techniques dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le parc éolien projeté ne porte pas atteinte aux paysages et aux sites avoisinants ;

- les mesures compensatrices prévues sont suffisantes pour réduire et limiter les effets du projet sur l'avifaune et les chiroptères ainsi que sur le paysage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Res.

Une note en délibéré présentée pour la société Res a été enregistrée le 13 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Res relève appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2015 par lequel le préfet de la Lozère a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Barjac à la Boulaine comportant six éoliennes et deux postes de livraison.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a tout d'abord rappelé que le parc éolien doit être implanté sur la crête de la Boulaine, dans le prolongement de la montagne de la Margeride et que ce lieu d'implantation est en partie situé dans la zone tampon du bien " Causses et Cévennes " inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2011, puis a indiqué que " les lieux en cause, qui se caractérisent notamment par la présence d'un bâti épars, d'un relief vallonné ainsi que d'une végétation forestière dense, présentent une qualité paysagère indéniable ", que " le parc éolien en litige sera visible, en tout ou partie, notamment depuis deux monuments historiques situés en contrebas, le domaine de Cougoussac et le château de la Grange, respectivement situés à 2,6 et à 4,7 kilomètres de l'aérogénérateur projeté le plus proche "et a enfin précisé " qu'en admettant même que la distance qui le sépare de ces monuments puisse atténuer l'impact de sa présence dans le paysage, il résulte néanmoins de l'instruction qu'il est de nature, eu égard à l'intérêt paysager et patrimonial des lieux en cause, à leur porter atteinte ". Ce faisant, les premiers juges ont estimé que les covisibilités étaient suffisamment importantes et gênantes pour justifier qu'il soit jugé que le projet présenté par la société Res porte atteinte aux paysages et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et ont dès lors suffisamment motivé leur jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, applicable au litige en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que le site sur lequel est projeté l'exploitation du parc éolien en litige est localisé sur la crête de la Boulaine, qualifiée de crête majeure du massif de la Margeride, qui présente une sensibilité paysagère forte dans un ensemble caractéristique des paysages lozériens composé d'alternance de trucs et d'espaces vallonnés. L'inspecteur des installations classées, dans son rapport présenté devant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites le 1er octobre 2015, indiquait à cet égard qu'une étude relative aux sensibilités paysagères et naturalistes du département préconise de laisser vierge d'éoliennes les lignes de crêtes principales telle que la crête de la Boulaine, qui, séparant le bassin de Mende des Trucs et de la vallée de Marvejols, vient fournir un arrière-plan particulièrement présent dans le paysage local, en précisant que le site en cause n'est pas au nombre des sites potentiels qui avaient été mis en évidence pour l'implantation de parcs éoliens. Le rapport indique encore que ce site est situé, en partie, dans la zone tampon du bien " Causses et Cévennes ", inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO comme paysage culturel de l'agropastoralisme méditerranée par décision du 28 juin 2011, zone destinée à protéger, selon les énonciations du rapport, " ce qui constitue l'un des paysages emblématiques de ce territoire ". Il résulte enfin de l'instruction que se trouve à un peu plus de deux kilomètres de ce site le domaine de Cougoussac, ancienne seigneurie gévaudannaise situé sur la commune de Gabrias et inscrit au titre des monuments historiques, auquel l'étude paysagère composant le dossier de demande d'autorisation d'exploiter attribue une " sensibilité forte " et à environ trois kilomètres le château de la Grange, également inscrit au titre des monuments historiques, pour lequel l'étude paysagère affecte une sensibilité modérée. L'ensemble de ces éléments est de nature à faire regarder le site d'implantation comme présentant une sensibilité particulière au regard de sa qualité paysagère.

5. Or le projet en litige consiste précisément à implanter six éoliennes sur cette ligne de crête de la Boulaine, très visibles depuis plusieurs des villages environnants, notamment Gabrias et Servières, et depuis des secteurs hautement fréquentés notamment sur le plan touristique. Il résulte en effet de l'instruction, particulièrement des énonciations du rapport de l'inspecteur des installations classées, que ces machines seront visibles depuis de nombreux points de vue fréquentés, notamment depuis le secteur de la cathédrale de Mende, du Mont Mimat, du Truc de Fortunio, sommet emblématique de la Margeride, du Roc de Peyre, qui offre un panorama à 360 degrés sur tout le plateau de la Margeride, au niveau de Muvejols en co-visibilité directe avec le Truc du Midi, élément géographique remarquable. Ces éoliennes seront également perceptibles depuis le domaine de Cougoussac et, de façon moins prégnante, depuis le château de la Grange. Il résulte également de l'instruction que cet impact visuel ne peut être ni évité, ni réduit, ni compensé. Dans ces conditions, les inconvénients pour la protection des paysages que constitue l'implantation des éoliennes sur cette crête sont tels qu'ils font obstacle, à ce que l'autorisation environnementale sollicitée soit délivrée à la société Res.

6. Ce motif, opposé par le préfet de la Lozère dans la décision querellée pour refuser de délivrer à la société Res l'autorisation sollicitée, suffit à lui seul à justifier légalement ce refus. Il s'ensuit qu'est sans incidence sur le litige la circonstance, à la supposer même avérée, selon laquelle les mesures compensatrices prévues par cette décision sont suffisantes pour réduire et limiter les effets du projet sur l'avifaune et les chiroptères ainsi que sur le paysage.

7.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Res n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Res est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Res et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.

Délibéré après l'audience du 7 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 février 2020.

2

N° 18MA01512

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01512
Date de la décision : 21/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-21;18ma01512 ?
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