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18/02/2020 | FRANCE | N°18MA04419

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 18 février 2020, 18MA04419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une réclamation soumise d'office au tribunal administratif de Toulon en application des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon la restitution du prélèvement prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts auquel il a été assujetti à raison de la plus-value immobilière réalisée en 2014, au titre de la cession d'un bien immobilier situé à Saint-Tropez (Var).

Par un jugement n° 1504143 du 26 sep

tembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une réclamation soumise d'office au tribunal administratif de Toulon en application des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon la restitution du prélèvement prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts auquel il a été assujetti à raison de la plus-value immobilière réalisée en 2014, au titre de la cession d'un bien immobilier situé à Saint-Tropez (Var).

Par un jugement n° 1504143 du 26 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la restitution du prélèvement en cause ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie d'une question préjudicielle par un arrêt avant-dire droit du 31 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy sur la question de savoir si le prélèvement social et la contribution additionnelle audit prélèvement affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie entraient dans le champ d'application de l'article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 et qu'il convient de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de justice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par M. C... n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'accord entre la France et le Canada sur la sécurité sociale signé à Ottawa le 9 février 1979 ;

- l'entente en matière de sécurité sociale signée le 17 décembre 2003 entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la République française ;

- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêt C-623/13 du 26 février 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-372/18 du 14 mars 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte du 23 juin 2014, M. C..., résident suisse, a cédé un bien immobilier situé à Saint-Tropez. La plus-value réalisée a été assujettie au prélèvement sur les plus-values immobilières conformément à l'article 244 bis A du code général des impôts ainsi qu'à la taxe additionnelle prévue à l'article 1609 nonies G du même code. Cette vente a également été soumise aux prélèvements sociaux en application des articles 1600-0 et suivants dudit code. M. C... relève appel du jugement du 26 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la restitution du prélèvement de solidarité de 2 % visé à l'article 1600-0 S du code général des impôts.

2. Aux termes de l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, reprenant le principe antérieurement posé par l'article 13 du règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 : "'1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre. (...)'".

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : / a) les prestations de maladie ; / b) les prestations de maternité et de paternité assimilées ; / c) les prestations d'invalidité ; / d) les prestations de vieillesse ; / e) les prestations de survivant ; / f) les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; / g) les allocations de décès ; / h) les prestations de chômage ; / i) les prestations de préretraite ; / j) les prestations familiales ". Le paragraphe 3 de cet article prévoit que : " Le présent règlement s'applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l'article 70 " lequel précise que : " 1. Le présent article s'applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d'une législation qui, de par son champ d'application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d'éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, et d'une assistance sociale. / 2. Aux fins du présent chapitre, on entend par " prestations spéciales en espèces à caractère non contributif " les prestations / a) qui sont destinées : / i) soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l'article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimum de subsistance eu égard à l'environnement économique et social dans l'État membre concerné ; / ii) soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l'environnement social de ces personnes dans l'État membre concerné ; / et / b) qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d'attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d'une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. (...) et / c) qui sont énumérées à l'annexe X ". Il résulte de ces dispositions qu'une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale n'entre dans le champ d'application de ces règlements que lorsqu'elle possède également les caractéristiques de la législation en matière de sécurité sociale visée au paragraphe 1 de l'article 3 et à la condition, notamment, qu'elle soit mentionnée à l'annexe à laquelle cet article renvoie.

4. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction applicable à l'année 2014, l'année où le prélèvement de solidarité en litige a été acquitté, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail ".

5. Aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés au point 4 auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement du 29 avril 2004.

6. En effet, en premier lieu, en vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale. D'autre part, alors même qu'il possèderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée au paragraphe 1 de l'article 3 du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

7. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du même code et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Les prestations financées par le fonds national d'aide au logement ne relèvent d'aucune des branches de sécurité sociale au sens du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".

8. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. En application de l'article L. 5423-1 du même code : " Ont droit à une allocation de solidarité spécifique les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance ou à l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 5423-7 et qui satisfont à des conditions d'activité antérieure et de ressources ". Aux termes de l'article L. 5423-18 du même code, abrogé à compter du 1er janvier 2009 et dont les dispositions sont restées applicables aux bénéficiaires de l'allocation à cette date : " Ont droit à une allocation équivalent retraite, sous conditions de ressources, les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, définie au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein, validée dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ". Aux termes de l'article L. 5423-19 du même code, dans cette même rédaction : " L'allocation équivalent retraite se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. / L'allocation équivalent retraite prend la suite de l'allocation d'assurance pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. / Elle peut également compléter l'allocation d'assurance lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'article L. 5423-20 ". Aux termes de l'article L. 5425-3 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire ". Aux termes du II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 : " Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. / Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise ".

9. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 5423-1 du code du travail que l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens du paragraphe 1 de l'article 3, h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du 29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

10. Par ailleurs, M. C... fait valoir, à l'appui de sa requête d'appel, que la cour administrative d'appel de Nancy a posé, le 31 mai 2018, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne au sujet de l'existence d'un lien direct et suffisamment pertinent entre le prélèvement social et la contribution additionnelle avec certaines branches de sécurité sociale énumérées à l'article 3 du règlement du 29 avril 2004 et qu'il convient de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à cette question par un arrêt C-372/18 du 14 mars 2019, Ministre de l'action et des Comptes publics contre Dreyer dont le requérant ne peut utilement se prévaloir dès lors qu'il porte sur les prélèvements affectés au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie chargée du financement des prestations telles que l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation compensatoire du handicap, que la Cour a qualifiés de prestations de sécurité sociale.

11. Il suit de là qu'à supposer que M. C... ait entendu se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance du principe d'unicité de la législation sociale applicable prévu par le règlement du 29 avril 2004, ce moyen doit être écarté. M. C... est donc redevable du prélèvement de solidarité de 2 %, prévu par l'article 1600-0 S du code général des impôts, sur ses revenus fonciers de source française.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

3

N° 18MA04419

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04419
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-18;18ma04419 ?
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