Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Cannes du 12 juillet 2016 portant sursis à statuer sur sa demande de permis de construire.
Par un jugement n° 1603786 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2018, M. C... D..., représenté par le cabinet AdDEN avocats, agissant par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 juin 2018 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de sursis à statuer n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la décision de sursis doit s'analyser comme une décision de retrait d'un permis de construire tacite et que ce retrait n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire préalable ;
- l'état d'avancement du plan local d'urbanisme n'était pas suffisant pour opposer un sursis à statuer ;
- le projet n'est pas susceptible de compromettre l'exécution du plan local d'urbanisme ;
- la commune a commis une erreur de droit dès lors qu'il bénéficiait d'un certificat d'urbanisme cristallisant les règles applicables et que l'état d'avancement du plan local d'urbanisme n'était pas suffisant à la date de délivrance de ce certificat.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2019, la commune de Cannes, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Le mémoire présenté par M. D..., le 17 janvier 2020, après clôture de l'instruction intervenue le 7 janvier 2020, n'a pas été communiqué.
Par lettre du 23 janvier 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour est susceptible de faire usage de ses pouvoirs d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et d'ordonner le réexamen de la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public,
- les observations de Me F... du cabinet AdDEN avocats représentant M. D... et de Me B... pour la commune de Cannes.
Une note en délibéré a été présentée pour la commune de Cannes le 6 février 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D... relève appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Cannes du 12 juillet 2016 portant sursis à statuer sur sa demande de permis de construire une maison individuelle avec piscine sur un terrain situé 25 avenue Ziem.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain (...) Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'État, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis ". Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ". La faculté ouverte par les dispositions législatives précitées à l'autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant.
4. Il résulte de la combinaison des articles L. 153-11 et L. 410-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsque sont remplies, à la date de délivrance du certificat, les conditions énumérées à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Cannes a délivré à M. D..., le 9 juillet 2014, un certificat d'urbanisme informatif portant la parcelle cadastrée DK 49. Le 1er décembre 2015, dans le délai de validité de dix-huit mois de ce certificat d'urbanisme, M. D... a déposé la demande de permis de construire portant sur le projet en litige. Si le maire de la commune de Cannes pouvait légalement opposer un sursis à statuer sur la demande de permis de construire de M. D..., ce n'était, en application de ce qui a été dit auparavant, qu'à la condition qu'à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, d'une part, le plan local d'urbanisme ait atteint un état d'avancement suffisant et d'autre part, l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution de ce plan local d'urbanisme. Or, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 9 juillet 2014, seule la délibération prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme, qui définissait des orientations générales, notamment en termes de protection des poumons verts cannois tels que le quartier de Californie, avait été adoptée. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir que l'état d'avancement du plan local d'urbanisme n'était pas suffisant pour que le maire de la commune de Cannes puisse opposer un sursis à statuer sur sa demande.
6. Aucun des autres moyens, notamment celui tiré de l'existence d'un retrait d'un permis de construire tacite sans procédure contradictoire préalable, n'est susceptible d'entrainer l'annulation de l'arrêté en litige pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Cannes du 12 juillet 2016 portant sursis à statuer sur sa demande de permis de construire, et à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté en litige.
Sur l'injonction :
8. L'exécution de la présente décision implique, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint d'office au maire de la commune de Cannes de procéder à un nouvel examen de la demande de permis de construire de M. D..., sur le fondement des règles d'urbanisme applicables le 9 juillet 2014. Il y a lieu, par suite, de fixer au maire de la commune de Cannes un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour procéder à ce réexamen.
Sur les frais exposés dans l'instance :
9. M. D... n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter la demande de la commune de Cannes présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 1 500 euros à verser à M. D... sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 28 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Cannes du 12 juillet 2016 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Cannes de procéder à un nouvel examen de la demande de M. D..., selon les conditions indiquées au point 8, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Cannes versera la somme de 1 500 euros à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la commune de Cannes.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020 où siégeaient :
- Mme G..., présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2020
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N° 18MA04577
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