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13/02/2020 | FRANCE | N°18MA01060

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 février 2020, 18MA01060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Bonnemaison a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1600403 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a accordé à la SARL Bonnemaiso

n, en son article 1er, la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Bonnemaison a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1600403 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a accordé à la SARL Bonnemaison, en son article 1er, la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés résultant du rehaussement relatif à un passif injustifié d'un montant de 323 000 euros et, en son article 2, celle des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été assignées, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure suivie devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars et 15 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2018 en tant qu'il a fait droit partiellement à la demande de la SARL Bonnemaison ;

2°) de rétablir la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés résultant de ce passif injustifié et les majorations y afférentes, à hauteur de la somme totale de 137 138 euros, dont les premiers juges ont prononcé la décharge.

Il soutient que :

- sa requête est parfaitement recevable au regard du délai fixé par l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ;

en ce qui concerne le passif injustifié :

- compte tenu de l'occultation de l'opération immobilière concernée, la non-inscription de la dette correspondante au bilan de la société Bonnemaison constitue une décision de gestion opposable au contribuable qui ne peut être corrigée à son initiative ;

- le tribunal administratif de Nîmes a dénaturé les faits et commis une erreur de droit en considérant que M. C... avait la qualité d'associé de cette société ; il a bien la qualité de tiers ;

- il en est de même s'agissant du défaut d'inscription de la dette au passif du bilan de la société, lequel est opposable à cette dernière, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;

en ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

- elles doivent être rétablies en conséquence de la réformation du jugement précité sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés portant sur le passif injustifié, la mauvaise foi de la société étant établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2018, la SARL Bonnemaison, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête du ministre.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable comme tardive ;

- au fond, aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 23 janvier 2020, Mme E..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Bonnemaison, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 18 mai 2011 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle elle s'est vue notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rectifications de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, lesquels ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré. Par un jugement du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes l'a déchargée, en droits et pénalités, de la fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés correspondant à la réintégration d'un passif non justifié d'un montant de 323 000 euros. Le tribunal a prononcé également la décharge des majorations pour manquement délibéré tout en confirmant le bien-fondé des autres impositions. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes, se rapportant à cette rectification relative au passif non justifié.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. ".

3. Il résulte de l'instruction que le jugement contesté a été notifié, le 8 novembre 2017, à l'administration fiscale, soit le directeur départemental des finances publiques du Gard, et à celui du Vaucluse à titre informatif. Il n'est ni établi, ni même allégué que le jugement aurait été signifié directement par la société Bonnemaison au ministre de l'action et des comptes publics, celui-ci disposant ainsi d'un délai de quatre mois pour présenter sa requête d'appel. La circonstance que la direction départementale des finances publiques qui a suivi le dossier en première instance n'ait pas transmis le dossier au ministre dans le délai de deux mois qui lui est imparti n'a aucune conséquence sur la forclusion de la requête du ministre, laquelle est recevable dès lors qu'elle est enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel dans le délai de quatre mois à partir de la notification régulière du jugement à l'administration. Par suite, la requête du ministre, qui a été enregistrée au greffe de la Cour le 6 mars 2018, est recevable, nonobstant la circonstance alléguée qu'un agent de la direction des finances publiques du Vaucluse aurait indiqué à la société intimée, le 15 janvier 2018, soit plus de deux mois après la notification du jugement, ne pas avoir eu connaissance de ce jugement à cette date. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par la SARL Bonnemaison à la requête d'appel du ministre de l'action et des comptes publics ne saurait être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ( ...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la société Bonnemaison a inscrit en dette de la société dans un compte courant d'associé la somme versée le 1er mars 2012 par M. B... C... pour un montant de 323 000 euros. L'administration conteste l'inscription rectificative au passif du bilan de la société de cette dette aux motifs que, d'une part, l'absence d'inscription de cette dette en comptabilité constitue une erreur comptable délibérée et, d'autre part, M. C... n'était pas associé de la société et, à défaut de contrat de prêt, l'existence de la dette n'était pas démontrée.

6. S'agissant de l'origine de la somme précitée de 323 000 euros, comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des éléments versés au dossier, et particulièrement d'une attestation d'un notaire établie le 5 février 2016 et de la copie d'un chèque du montant de la somme en litige, que M. C... a versé en mars 2012 à une étude notariale cette somme pour permettre le financement par la société Bonnemaison de l'acquisition d'une maison. Il ressort en outre de la proposition de rectification du 28 février 2014 que la comptabilité de la société Bonnemaison présentée au vérificateur lors du contrôle, qui a d'ailleurs été écartée comme non probante, ne faisait pas mention de cette somme de 323 000 euros versée par M. C... pour le compte de la société. En cours de contrôle, les représentants de la société ont présenté au vérificateur de nouvelles pièces comptables rectifiées qui faisaient notamment apparaître la somme de 323 000 euros inscrite sur le compte courant d'associé ouvert au nom de M. C.... Cette dette a également été inscrite dans le bilan annexé à la déclaration rectificative de résultats de l'exercice clos en 2012, déposée le 23 décembre 2013, soit après le début des opérations de contrôle. Pour établir que cette omission n'était pas délibérée, la société Bonnemaison fait valoir que son expert-comptable, qui est établi en région parisienne, n'a pas disposé des informations concernant l'opération d'achat de la maison avant fin juin 2013, comme il ressort d'une attestation de ce dernier, et n'a donc pas pu la retranscrire en comptabilité avant la fin de l'année 2013, comme dans le bilan produit en annexe de sa déclaration de résultats. Elle ajoute qu'elle était en situation déficitaire et que toutes ces erreurs n'ont pas eu pour effet de minorer son impôt dû. Cependant, la société intimée ne pouvait ignorer les opérations qu'elle réalisait et notamment que M. C... lui avait versé une somme d'argent pour lui permettre d'acquérir un immeuble. La seule transmission, à la supposer même tardive, du décompte de l'opération par le notaire ne suffit pas à justifier l'absence de comptabilisation de ces opérations dès lors que la société était en mesure de transmettre à son expert-comptable les informations permettant d'établir les écritures comptables ainsi que le bilan produit en annexe de la déclaration et disposait déjà des pièces justificatives à l'appui de ces écritures, comme l'acte d'achat de l'immeuble. Dans ces conditions, compte tenu des conditions ci-dessus rappelées dans lesquelles l'inscription de la dette a été omise, le défaut de comptabilisation d'une dette à l'égard de M. C... d'un montant de 323 000 euros, qui ne traduisait pas l'exercice d'une faculté juridique d'option, devait être regardée comme une erreur comptable présentant un caractère volontaire. Par suite, la société Bonnemaison ne pouvait pas prétendre, postérieurement, à la correction comptable de cette erreur. Ainsi, et indépendamment de la question de savoir si M. C... avait ou non la qualité d'associé au sein de la société, l'erreur comptable commise par la SARL Bonnemaison lui était opposable et c'est donc à bon droit que l'administration a procédé au rehaussement du passif injustifié à hauteur de la somme de 323 000 euros.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. Le ministre de l'action et des comptes publics ne demande à la Cour que le rétablissement des majorations qui ont assorti les rectifications à l'impôt sur les sociétés de la SARL Bonnemaison résultant du rehaussement relatif au passif injustifié d'un montant de 323 000 euros. Ainsi que le fait valoir l'administration, ce n'est que le 23 décembre 2013, en cours de contrôle, que la société Bonnemaison a déposé une déclaration faisant mention d'une dette de 323 000 euros en faveur de M. C.... La déclaration de résultats originelle déposée hors délai le 26 juin 2013 au titre de l'exercice clos en 2012 ne faisait pas figurer un stock immobilier et le compte de résultats ne mentionnait pas le chiffre d'affaires réalisé par la vente d'une partie de l'immeuble à concurrence de 127 000 euros. Compte tenu de l'activité de marchands de biens de la société et du fait que M. D..., gérant de droit de la société, est également gérant et associé d'autres sociétés immobilières et marchand de biens à titre personnel, le représentant légal de la société ne pouvait ignorer les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés, en particulier l'obligation d'inscrire en comptabilité la dette concernée. Par ces éléments, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SARL Bonnemaison d'éluder l'impôt.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés, résultant de la réintégration d'un passif injustifié d'un montant de 323 000 euros, à laquelle la SARL Bonnemaison a été assujettie et à obtenir la remise à la charge de celle-ci de ces droits et pénalités.

D É C I D E :

Article 1er : La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL Bonnemaison a été assujettie, en droits et pénalités, résultant du rehaussement relatif au passif injustifié d'un montant de 323 000 euros au titre de l'exercice clos en 2012, est remise à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 1600403 du 8 novembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société à responsabilité limitée Bonnemaison.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Courbon, premier conseiller,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 février 2020.

N°18MA01060 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01060
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : SELARL AMN AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-13;18ma01060 ?
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