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27/01/2020 | FRANCE | N°18MA04999

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 27 janvier 2020, 18MA04999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Baoli Investissements et la société Baoli ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération n° 54 du 20 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Cannes a décidé de résilier pour motif d'intérêt général le contrat de concession de travaux conclu le 11 juillet 2013 avec la société Baoli Investissements et d'enjoindre à la commune de Cannes de reprendre les relations nées de ce contrat.

Par un jugement n° 1502646 du 25 septembre 2018, le tribunal admi

nistratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Baoli Investissements et la société Baoli ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération n° 54 du 20 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Cannes a décidé de résilier pour motif d'intérêt général le contrat de concession de travaux conclu le 11 juillet 2013 avec la société Baoli Investissements et d'enjoindre à la commune de Cannes de reprendre les relations nées de ce contrat.

Par un jugement n° 1502646 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 28 novembre 2018 et 11 octobre 2019, la société Baoli et la société Baoli Investissements, représentées par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler la délibération n° 54 du 20 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de Cannes a décidé de résilier pour motif d'intérêt général le contrat de concession de travaux conclu le 11 juillet 2013 avec la société Baoli Investissements ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cannes de reprendre les relations contractuelles sur le fondement du contrat de concession du 11 juillet 2013 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il y a lieu de statuer sur leur demande de reprise des relations contractuelles dès lors que la nouvelle convention présente des caractéristiques différentes et moins favorables, pour son titulaire, que le contrat résilié ;

- la circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes a porté à la connaissance de la commune une nouvelle analyse du risque de submersion marine ne constitue pas un motif susceptible de justifier la résiliation de la convention dès lors, d'une part, que cette notification n'emporte pas à elle seule modification des règles d'urbanisme, d'autre part, que ce nouveau risque ne compromet la réalisation du projet objet de la concession ni techniquement ni sur le plan de l'équilibre de la convention et, enfin, que cette dernière est étrangère par son objet à l'application des règles d'urbanisme ;

- le projet, tel qu'il est réalisé dans le cadre de la nouvelle convention, pouvait l'être sous l'empire de la concession antérieure moyennant une modification de l'avant-projet définitif et l'édiction de prescriptions au stade de l'autorisation d'urbanisme, de telle sorte que le motif d'intérêt général invoqué par la commune pour résilier la convention est sans fondement ;

- à supposer même que la nouvelle définition du risque de submersion rende caduc le projet initial de construction, sa modification aurait pu être décidée sans que l'équilibre de la convention en soit remis en cause, de telle sorte que la résiliation n'était nullement nécessaire ;

- les deux autres motifs invoqués dans la décision de résiliation sont infondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 juillet 2019 et 4 novembre 2019, la commune de Cannes, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Baoli et de la société Baoli Investissements en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles dès lors que la société Baoli est titulaire d'un nouveau contrat lui assurant la pérennité de son exploitation ;

- cette demande est en tout état de cause irrecevable car dépourvue de motivation ;

- les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 novembre 2019.

Un mémoire présenté par les sociétés Baoli Investissements et Baoli et enregistré le 12 novembre 2019 n'a pas été communiqué à la commune de Cannes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me G... et de Me F..., représentant les sociétés Baoli et Baoli Investissements, et celles de Me C..., représentant la commune de Cannes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat de " concession de travaux " du 11 juillet 2013, la commune de Cannes a confié, pour une durée de trente ans, à la société civile Baoli Investissements l'aménagement d'une partie des terre-pleins et installations du domaine public du second port de Cannes, dit " Port Canto ", situés sur la parcelle cadastrée section BY 19, d'une contenance de 3 107 m², en vue de les moderniser et d'y exploiter, à l'exclusion de toute autre activité, une activité de restauration, de discothèque et de prestations d'animation événementielles et culturelles. Par la délibération n° 54 du 20 avril 2015, le conseil municipal de Cannes a décidé de résilier ce contrat pour motif d'intérêt général.

Sur le non-lieu à statuer :

2. Il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles.

3. S'il résulte de l'instruction que la commune de Cannes a conclu une convention d'occupation domaniale avec la société Baoli le 10 décembre 2015, ce contrat, conclu à titre précaire et révocable pour une durée de huit ans non renouvelable et qui se borne à autoriser la rénovation, l'occupation, l'entretien et l'exploitation d'une superficie de 2 123 m² pour l'usage d'un restaurant, présente des caractéristiques substantiellement différentes de la concession conclue le 11 juillet 2013 pour une durée de trente ans, laquelle confiait à la société Baoli la réalisation d'un programme d'investissement permettant de transformer et d'étendre le champ de ses activités. Les conclusions tendant à la reprise des relations nées de ce contrat conservent donc un objet dans l'hypothèse où la mesure de résiliation contestée serait invalidée. L'exception de non-lieu à statuer soulevée sur ce point par la commune de Cannes doit, dès lors, être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 26 du contrat du 11 juillet 2013 précité : " A tout moment, la ville de Cannes aura le droit de procéder au rachat anticipé de la précédente concession pour un motif d'intérêt général, à charge pour elle d'indemniser au minimum le concessionnaire du montant des annuités restant à courir pour l'intérêt et l'amortissement des emprunts affectés à l'établissement, la réhabilitation, l'entretien des ouvrages ainsi que, le cas échéant, les pénalités bancaires consécutives au rachat ou d'autres frais engagés par le concessionnaire pour l'exécution du contrat (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, le 23 janvier 2015, le préfet des Alpes-Maritimes a porté à la connaissance de la commune de Cannes l'existence d'un risque de submersion marine concernant notamment la parcelle concédée à la société Baoli Investissements. Ce " porter à connaissance ", qui qualifie l'aléa de " modéré à fort " et précise qu'il peut se traduire par une submersion comprise entre 0,5 mètre et un mètre, recommande à la commune de rendre les secteurs concernés inconstructibles sous réserve d'opérations de démolition et reconstruction sans augmentation des enjeux humains autre qu'une extension mesurée de 20 mètres carrés, à condition que le premier niveau de construction soit aménageable ou utilisable.

6. En premier lieu, bien que la concession du 11 juillet 2013 n'ait ni pour objet ni pour effet d'encadrer le pouvoir de réglementation de l'utilisation des sols et de délivrance des autorisations d'urbanisme détenu par la commune, il était loisible à la commune d'examiner le bien-fondé de la poursuite de l'opération objet de cette convention au regard du risque ainsi porté à sa connaissance, dont il n'est ni soutenu ni établi qu'il était notoire ou connu de ses services à la date de la conclusion de ce contrat.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le projet envisagé en exécution de la convention du 11 juillet 2013, en vue duquel les sociétés requérantes avaient transmis à la commune un avant-projet définitif, consistait, conformément d'ailleurs aux stipulations de ce contrat, en une opération de démolition et de reconstruction de grande ampleur impliquant l'édification, en lieu et place du restaurant et de la discothèque existants, d'un bâtiment multifonctionnel susceptible d'accueillir des activités de restauration mais aussi d'animations événementielles et culturelles dans une salle de spectacle dont le niveau fini se trouvait sous le niveau du terrain naturel ainsi que sous le niveau d'eau en cas de submersion. Il en résulte que la commune de Cannes pouvait valablement considérer que ce projet était susceptible d'aggraver l'exposition des occupants de la construction projetée au risque de submersion, sans que des prescriptions édictées, dans une éventuelle autorisation d'urbanisme, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme soient à même de parer à ce risque. Elle pouvait à bon droit, en sa qualité d'autorité contractante et sans qu'y fasse obstacle le principe d'indépendance des législations, lequel est sans incidence sur la possibilité de résilier un contrat pour un motif d'intérêt général, en déduire que le projet était remis en cause dans son principe, quand bien même il ne serait pas contraire au règlement de la zone, et ce alors même que, comme le soutiennent les sociétés requérantes, la commune n'était pas tenue de modifier les règles d'urbanisme applicables à cette zone du seul fait de l'intervention du porter à connaissance de l'Etat.

8. En troisième lieu, si les sociétés Baoli et Baoli Investissements font valoir que leur projet, tel qu'il a été modifié dans le cadre de la convention domaniale finalement conclue le 10 décembre 2015, aurait pu faire l'objet d'un simple avenant passé dans le cadre de la convention initiale du 11 juillet 2013, aucun principe ni aucune stipulation n'imposait à la commune d'exiger la modification de l'avant-projet définitif remis par les requérantes et de modifier en conséquence le contrat en cours afin d'adapter les prestations prévues au risque identifié par les services de l'Etat, et il lui était dès lors loisible, eu égard à la réduction et à la modification très substantielles du projet, de préférer conclure un nouveau contrat, notamment dans le but de mettre en rapport la durée des droits conférés à la société avec le montant des investissements consentis.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Cannes, que la société Baoli et la société Baoli Investissements ne sont fondées ni à soutenir que la résiliation décidée par la commune ne reposerait pas sur un motif d'intérêt général ni à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel les premiers juges ont rejeté leur demande tendant à l'invalidation de la décision de résiliation litigieuse et à la reprise des relations contractuelles.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Baoli et la société Baoli Investissements sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de Cannes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre une somme de 2 000 euros à la charge commune de ces sociétés, à verser à la commune de Cannes, en vertu des mêmes dispositions, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Baoli et de la société Baoli Investissements est rejetée.

Article 2 : La société Baoli et la société Baoli Investissements, ensemble, verseront une somme de 2 000 euros à la commune de Cannes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Baoli, à la société Baoli Investissements et à la commune de Cannes.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme E... H..., présidente assesseure,

- M. D... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 janvier 2020.

5

N° 18MA04999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04999
Date de la décision : 27/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-05-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Fin des concessions. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP STIFANI-FENOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-27;18ma04999 ?
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