Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1807652 du 4 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- il justifie être entré régulièrement en France le 4 mai 2007 ;
- il n'était pas soumis à l'obligation de déclarer son entrée sur le territoire français telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il satisfait aux conditions de délivrance d'un certificat de résidence algérien posées à l'article 6 alinéa 1-2 de l'accord franco-algérien ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 4 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. (...) ". Selon l'article R. 211-32 de ce code : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. ". Et l'article R. 211-33 dudit code dispose que " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, particulièrement de la copie du passeport produit par M. D..., que celui-ci est entré directement en France le 4 mai 2007 en provenance du Maroc, sous couvert d'un visa valable pour tous les Etats membres de l'espace Schengen avec entrées multiples pour des séjours d'une durée maximale de 30 jours, ce visa étant valide jusqu'au 11 mai 2007. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'allégation de l'intéressé selon laquelle il s'agirait de sa dernière entrée sur le territoire français serait infondée. Les dispositions citées au point 3 ci-dessus ne trouvant à s'appliquer qu'aux étrangers non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui ont pénétré en France en provenance du territoire d'un autre Etat membre de l'espace Schengen, c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour rejeter le recours formé par M. D... contre l'arrêté du 12 septembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône, le moyen soulevé par le préfet dans ses écritures tiré de qu'il n'avait pas accompli les formalités prévues au point 3 ci-dessus.
5. Il ne ressort en outre aucunement des pièces du dossier que M. D... ne se serait pas maintenu sur le territoire français, comme il l'affirme, depuis la date à laquelle il dit être entré en France pour la dernière fois. Dans ces conditions, l'intéressé est fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées du 2° de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco-algérien.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance du titre de séjour sollicité par M. D.... Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de l'intéressé une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2019 et l'arrêté du 12 septembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. D... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me B..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 janvier 2020.
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N° 19MA00880
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