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20/01/2020 | FRANCE | N°18MA02477

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 20 janvier 2020, 18MA02477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Rocca et la SARL Rocca Transports ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2015 par lequel le maire de la commune de Sarrola-Carcopino a accordé au nom de l'Etat à la société Corsica Commercial Center un permis de construire tendant à la création de commerces, pour une surface de plancher créée de 6 399 m2 sur un terrain situé zone industrielle de Baleone, à Sarrola-Carcopino et l'arrêté du 10 juin 2015 par lequel le maire de cette commune a délivré un

permis de construire à cette même société pour la création d'un centre commerci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Rocca et la SARL Rocca Transports ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2015 par lequel le maire de la commune de Sarrola-Carcopino a accordé au nom de l'Etat à la société Corsica Commercial Center un permis de construire tendant à la création de commerces, pour une surface de plancher créée de 6 399 m2 sur un terrain situé zone industrielle de Baleone, à Sarrola-Carcopino et l'arrêté du 10 juin 2015 par lequel le maire de cette commune a délivré un permis de construire à cette même société pour la création d'un centre commercial Grand Ajaccio Baleone, pour une surface de plancher créée de 29 505 m2 sur le même terrain, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux par le préfet de la Corse-du-Sud.

Par un jugement n° 1501133 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, la SA Rocca et la SARL Rocca Transport, représentées par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 5 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Sarrola Carcopino du 10 juin 2015 ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux par le préfet de la Corse-du-Sud ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la sous-commission départementale d'accessibilité aux personnes handicapées, le conseil départemental de la Corse-du-Sud et le syndicat départemental de l'énergie de la Corse-du-Sud n'ont pas été consultés sur la base d'un dossier complet, dès lors que ce n'est que le 1er avril 2015 que le pétitionnaire a fourni des documents complémentaires ;

- le pétitionnaire n'a pas pris en compte l'ensemble des prescriptions émises par le conseil départemental ;

- l'article R. 115-5 du code de l'urbanisme est applicable au litige, dès lors que la commune est dotée d'une carte communale ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R. 115-5, dès lors que les caractéristiques des aménagements routiers prévus ainsi que la date de leur réalisation n'étaient pas connues ;

- le pétitionnaire ne justifie pas de la maîtrise foncière des parcelles support du projet ;

- l'absence de valorisation des emprises rétrocédées aux collectivités publiques fait regarder la cession gratuite de terrains comme de nature à faire double emploi avec les sommes mises à la charge du pétitionnaire, ce qui rend ce montage illégal et fausse les clauses financières des conventions conclues entre le pétitionnaire et ces collectivités ;

- l'illégalité du permis entraîne celle de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2019, la société Corsica Commercial Center, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, demande de condamner chacune des deux sociétés à payer une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et de mettre à la charge de chacune de ces sociétés la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés appelantes ne justifient pas avoir notifié leur requête d'appel à l'auteur et au bénéficiaire de la décision, conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- elles ne justifient d'aucun intérêt à demander l'annulation du permis contesté ;

- la sous-commission départementale d'accessibilité aux personnes handicapées, le conseil départemental de la Corse-du-Sud et le syndicat départemental de l'énergie de la Corse-du-Sud ont rendu un avis au regard d'un dossier complet ;

- le plan qu'elle a fourni le 15 avril prend en considération les préconisations du conseil départemental relatives au giratoire ;

- la circonstance que des réserves émises par des services techniques n'aient pas été levées est sans incidence sur la légalité d'un permis de construire ;

- les caractéristiques et le financement de l'aménagement des giratoires sur la RT 22 et la RD 72 étaient suffisamment précis à la date de l'arrêté ;

- elle justifie de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels sont prévus les aménagements routiers ;

- le moyen tiré de l'illégalité des conventions de financement des aménagements routiers est inopérant et infondé ;

- elle n'a pas à justifier de la maîtrise foncière des parcelles nécessaires à la réalisation d'aménagements publics dont elle n'est ni maître d'oeuvre ni maître d'ouvrage ;

- aucun empiètement n'est démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les sociétés appelantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Corsica Commercial Center.

Une note en délibéré présentée pour les sociétés Rocca et Rocca Transports a été enregistrée le 10 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Rocca et la SARL Rocca Transports relèvent appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2015 par lequel le maire de Sarrola-Carcopino a délivré à la société Corsica Commercial Center un permis de construire, ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux par le préfet de la Corse-du-Sud.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Selon l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. La SA Rocca exploite une activité de services financiers dans un ensemble immobilier dans la zone industrielle de Baleone qu'elle loue à la société Orazzi en vertu d'un bail commercial. La SARL Rocca Transport, qui exerce une activité de transport routier de fret, sous-loue à la société Rocca une partie de ces locaux. Les terrains occupés par ces deux sociétés ne sont pas situés à proximité immédiate des parcelles terrains d'assise du projet de la société Corsica Commercial Center et en sont séparées par la RT 22. Les sociétés appelantes soutiennent que la construction autorisée par l'arrêté contesté impactera la libre jouissance des terrains qu'elles ont pris à bail, ainsi que les conditions de leur desserte, dès lors que le giratoire prévu sur la RT 22 pour desservir le projet litigieux empiète sur les terrains qu'elles occupent. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, notamment des plans fournis, que l'assiette du giratoire de la RT 22, telle que prévue à la date d'affichage du permis, empièterait sur les parcelles n°s 96, 106 et 107 qui sont louées à la société Rocca. Il ressort au contraire des plans versés en défense et d'un courrier adressé le 4 août 2015 à la société Rocca Transports par la collectivité territoriale de Corse, qu'aucun empiètement n'est réalisé par le projet sur les parcelles occupées par les sociétés appelantes. Ces dernières ne sauraient enfin utilement se prévaloir, pour justifier de leur intérêt à demander l'annulation du permis contesté, de ce que les travaux de réalisation du giratoire intervenus en 2017 auraient empiété sur la parcelle n° 106. Ainsi, il n'est pas établi que l'aménagement routier prévu par le projet de la société Corsica Commercial Center soit de nature à peser sur les conditions d'exploitation des établissements appartenant aux sociétés Rocca et Rocca Transport. Dans ces conditions, la société Corsica Commercial Center est fondée à faire valoir que les deux sociétés appelantes ne justifient pas d'un intérêt, au sens des dispositions précitées de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, pour demander l'annulation du permis de construire qui lui a été délivré le 10 juin 2015.

5. Il résulte de ce qui précède que la SA Rocca et la SARL Rocca Transports ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2015 par lequel le maire de Sarrola-Carcopino a délivré à la société Corsica Commercial Center un permis de construire, ainsi que de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux par le préfet de la Corse-du-Sud.

Sur la demande d'amende pour recours abusif présentée par la SARL Corsica Commercial Center :

6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". Toutefois, la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, cette demande de condamnation n'est pas recevable et ne peut donc qu'être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SA Rocca et la SARL Rocca Transports demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge des sociétés appelantes la somme de 1 000 euros chacune à verser à la société Corsica Commercial Center au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Rocca et de la SARL Rocca Transports est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Corsica Commercial Center sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SA Rocca et la SARL Rocca Transports verseront la somme de 1 000 euros chacune à la société Corsica Commercial Center en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Rocca, à la SARL Rocca Transports, à la société Corsica Commercial Center et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Marcovici, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 janvier 2020.

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N° 18MA02477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02477
Date de la décision : 20/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles de procédure contentieuse spéciales. Introduction de l'instance. Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-20;18ma02477 ?
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