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09/01/2020 | FRANCE | N°18MA01983

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 janvier 2020, 18MA01983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Climatisation Ingénierie Maintenance Equipement (CIME) a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1510432 du 2 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enreg

istrée le 27 avril 2018, la SARL CIME, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Climatisation Ingénierie Maintenance Equipement (CIME) a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1510432 du 2 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, la SARL CIME, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 3 novembre 2015 portant rejet de sa réclamation préalable ;

3°) de prononcer la décharge demandée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la charge de sous-traitance facturée par la société PCI Ltd, comptabilisée en 2010, qui résulte de la réalisation d'un important contrat de fourniture d'équipements de climatisation et de ventilation conclu avec un groupement libano-algérien, GME Unibuild, pour le compte du ministère de la défense algérien, est déductible de son résultat imposable ;

- la réalité de la prestation d'installation a été reconnue par l'administration au stade l'interlocution ;

- les indices relevés par le service vérificateur, et repris par le tribunal pour remettre en cause la réalité de la prestation, sont dénués de pertinence : l'absence de mention du nom du représentant de la société PCI Ltd sur les documents de réception provisoire et les états de pose du matériel ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité de la prestation ; l'objet social de la société PCI Ltd n'est pas limité à l'activité de négoce de café ; l'absence de salarié et de moyens d'exploitation de cette société est sans incidence dès lors qu'elle a elle-même fait appel à un sous-traitant ; le paiement des factures sur un compte en Belgique n'est pas anormal, s'agissant d'un pays de l'Union européenne et d'un établissement bancaire notoirement connu ; la signature du contrat par un représentant du client est courante dans les relations d'affaires ; la langue de rédaction des factures et le libellé des ordres de virement sont sans incidence sur la réalité de la prestation ;

- les éléments qu'elle produit permettent de démontrer la réalité de la prestation réalisée, en particulier la facture émise par la société PCI Ltd et son règlement par ses soins, le fait que la prestation d'installation faisait partie intégrante du contrat conclu avec son client, le groupement GME Unibuild, l'existence d'états de pose, le processus suivi (commande du client, contrôle et réception par ce dernier, facturation de la prestation au groupement GME Unibuild et paiement par ce dernier) et le fonctionnement effectif des équipements livrés ;

- l'administration n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le quantum de la prestation de pose réglée, qui correspond à 17 % de la valeur totale du contrat, ce qui est conforme aux usages de la profession, contrat sur lequel elle a réalisé une marge de 23 %, qui s'inscrit dans la fourchette moyenne des marges qu'elle a réalisées au cours des années 2009 et 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme E..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL CIME a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a rectifié ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2010, à raison de la remise en cause du caractère déductible de charges de sous-traitance. La SARL CIME relève appel du jugement du 2 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'imposition auquel elle a ainsi été assujettie.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

3. La société CIME a conclu avec le groupement libano-algérien GME Unibuild, représenté par M. B... A..., un contrat de vente comprenant la fourniture, l'installation et la mise en service de matériel de climatisation pour le compte du ministère algérien de la défense. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des charges résultant de deux factures émises le 31 janvier 2010 par la société irlandaise Pan Commerce International Limited (PCI Ltd), pour des montants de 271 944 euros et 72 662 euros, en application de deux conventions de partenariat conclues les 22 février et 31 mars 2008 par lesquelles la société requérante aurait chargé cette dernière de l'installation de ces équipements de climatisation.

4. Pour remettre en cause la matérialité de l'exécution de cette prestation par la société PCI Ltd, l'administration fiscale fait valoir que cette entreprise ne dispose pas de personnel, que son activité principale, en dépit d'un objet social plus large, est d'être représentante pour une entreprise de négoce de café et qu'elle n'est pas répertoriée comme un installateur de climatisation, ainsi que cela ressort des informations communiquées par les autorités irlandaises en réponse à une demande d'assistance internationale. Elle indique également que le nom du signataire des conventions pour le compte de la société PCI Ltd ne correspondait pas aux noms des dirigeants de cette société tels qu'indiqués par les autorités irlandaises mais était au contraire celui du représentant du groupement GME Unibuild, M. B... A..., et que ces contrats ne comportaient pas les coordonnées téléphoniques de cette entité irlandaise, ni ne mentionnaient de représentant en Algérie. Elle fait enfin valoir que les documents de réception provisoire des équipements et les états de pose des matériels n'indiquaient pas le nom du représentant de cette société, que les factures, rédigées en français, ont été réglées sur un compte ouvert par la société PCI Ltd en Belgique et que les virements effectués par la SARL CIME portaient le libellé " honoraires étrangers ".

5. Ces éléments ne sont pas sérieusement contredits par la SARL CIME, qui soutient, à titre principal, que les prestations ont été réalisées par un sous-traitant de la société PCI Ltd, sans apporter aucun justificatif en ce sens, alors que, d'une part, l'identité de ce sous-traitant n'apparaît sur aucun des documents contractuels précédemment évoqués et, d'autre part, il ressort des termes du courrier du conciliateur fiscal du 30 juillet 2013 que les états financiers 2009 et 2010 de la société PCI Ltd, transmis par les autorités irlandaises, font ressortir que celle-ci a réalisé un chiffre d'affaires de 3 000 euros, avec des charges de même montant et un résultat nul, ce qui tend à démontrer qu'elle n'a pas payé la charge de sous-traitance invoquée. Par ailleurs, en se bornant à se prévaloir d'une pratique courante dans le monde des affaires, la SARL CIME n'apporte aucun élément convaincant de nature à expliquer pourquoi les conventions de prestations conclues avec la société PCI Ltd ont été signées, au nom de cette dernière, par le représentant du groupement BGE UniBuild. Les circonstances, au demeurant non établies, que l'intervention de la société PCI Ltd lui ait été imposée par le groupement GME Unibuild, que la part correspondant à l'installation dans le contrat global de vente à ce groupement soit conforme aux pratiques de la profession et que la marge commerciale réalisée soit comprise dans la fourchette habituellement constatée au cours des exercices 2009 et 2010 sont sans incidence sur l'appréciation de la matérialité de l'intervention de la société PCI Ltd. Enfin, et contrairement à ce que soutient la SARL CIME, l'administration fiscale ne remet pas en cause la réalité de l'exécution de la prestation d'installation, mais seulement l'intervention, à ce titre, de la société PCI Ltd et ne conteste pas davantage son montant.

6. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme démontrant que les prestations facturées par la société PCI Ltd n'ont pas été réalisées par celle-ci, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'un sous-traitant. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause le caractère déductible des charges comptabilisées ressortant des factures émises par cette société du résultat de la SARL CIME au titre de l'exercice clos en 2010.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL CIME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010. Par voie de conséquence, et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL CIME est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée CIME et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D..., premier conseiller,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2020.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01983
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-09 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : CABINET VLG VERMESSE LASBATS GUIDON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-09;18ma01983 ?
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