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31/12/2019 | FRANCE | N°18MA03169

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 31 décembre 2019, 18MA03169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et de la cotisation supplémentaire de contribution sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700327 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2018, M. B..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et de la cotisation supplémentaire de contribution sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700327 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2012 et de la cotisation supplémentaire de contribution sur les hauts revenus à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, les propositions de rectification du 27 décembre 2013 et du 8 décembre 2015 n'ayant pas été régulièrement notifiées ;

- elle est irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 27 décembre 2013 ne comportait pas l'indication des conséquences financières du contrôle le concernant et de celles du contrôle sur la société ACG Villa Corse Rive Droite pouvant l'intéresser ;

- le rejet de la comptabilité de la société n'est pas fondé ;

- la reconstitution de recettes de la société est radicalement viciée et excessivement sommaire, et l'omission découverte à la suite de cette reconstitution ne s'élève qu'à 2,9 % des recettes et n'est donc pas significative ;

- il n'a pas appréhendé les omissions de recettes de la société dès lors que d'autres personnes intervenaient dans l'activité de l'affaire et qu'il n'en est pas le maître unique ;

- le compte courant d'associé qu'il détient n'est pas débiteur à hauteur de 148 392 euros le 31 décembre 2012 ;

- en l'absence de volonté de dissimuler un revenu, la pénalité pour manquement délibéré est infondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société ACG Villa Corse Rive Droite, qui exploite un restaurant et est détenue à 100 % par la société AG Holding dont M. Grisoni était l'associé à hauteur de 75,74 %, l'administration a assujetti l'intéressé à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 à 2012 et de contribution sur les hauts revenus au titre de l'année 2012, et aux pénalités correspondantes. M. B... fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". La proposition de rectification doit être envoyée à l'adresse que le contribuable a donnée à l'administration.

3. En l'espèce, la proposition de rectification du 27 décembre 2013 relative notamment à l'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 a été régulièrement notifiée à M. B... qui l'a réceptionnée à son adresse à Paris une première fois le 28 décembre 2013 et une seconde fois, avec les quatre pages correspondant aux conséquences financières de la rectification et qui étaient selon lui manquantes lors du précédent envoi, le 5 février 2014. Il n'a pas reçu la proposition de rectification du 8 décembre 2015 relative notamment à l'impôt sur le revenu et à la contribution sur les hauts revenus au titre de l'année 2012 envoyée à Monticello en Corse et retournée au service avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Une telle adresse correspond à celle que M. B... avait mentionnée dans la déclaration du 6 juin 2015 des revenus de l'année 2014. Nonobstant la circonstance que l'intéressé avait indiqué par des courriers antérieurs vivre à Paris, l'administration a donc régulièrement notifié la proposition de rectification du 8 décembre 2015.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications (...) ".

5. Les rectifications envisagées dans la proposition du 27 décembre 2013 ne sont issues ni d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. B... au regard de l'impôt sur le revenu ni d'une vérification de comptabilité menée à son encontre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence d'indication des conséquences financières des rectifications, les dispositions précédemment citées seraient méconnues. En outre, en tout état de cause, l'envoi qu'il a reçu le 28 décembre 2013 comprenait les tableaux relatifs aux conséquences financières du contrôle sur la société ACG Villa Corse Rive Droite et celui qu'il a reçu le 5 février 2014 comportait les tableaux relatifs aux conséquences financières des rectifications envisagées en matière d'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société ACG Villa Corse Rive Droite a utilisé, au cours des années 2010 à 2012, un logiciel comptable éditant les états qui sont à l'origine de ses écritures comptables. A la suite de tests de cohérence et de comparaisons des fichiers de cette comptabilité, effectués par le vérificateur lors des opérations de contrôle de la société, des anomalies ont été constatées consistant en la suppression informatique de lignes de tickets de caisse dans le cas de règlement en espèces. Les explications, données par l'administration, de la méthode et des résultats de ces tests de cohérence et de ces comparaisons ne sont pas utilement contredites par M. B.... Par suite, en raison de l'existence de ces éléments permettant de présumer une minoration des résultats déclarés, et bien que la comptabilité soit régulière en la forme, l'administration justifie le rejet de la comptabilité de la société ACG Villa Corse Rive Droite.

7. En deuxième lieu, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires des années 2010 à 2012, l'administration a évalué le montant des suppressions ainsi opérées. Elle a distingué les tickets de caisse réglés en espèces appartenant à des fichiers informatiques présentant des marques d'anomalies et ceux qui n'appartiennent pas à de tels fichiers. Elle a constaté que le nombre moyen de lignes par ticket est supérieur, dans le cas des tickets appartenant à des fichiers sans anomalie, à celui des tickets repris dans des fichiers présentant des anomalies. Elle a ainsi obtenu un coefficient en divisant le premier chiffre, correspondant au nombre moyen de lignes pour les tickets repris dans des fichiers sans anomalies, par le second, dans le cas de fichiers incohérents. Le chiffre d'affaires des repas payés en espèces a été ainsi reconstitué en multipliant les recettes en espèces déclarées correspondant à des fichiers avec des anomalies par ce coefficient.

8. Une telle méthode, contrairement à ce que M. B... soutient de manière générale, n'est ni radicalement viciée ni, dès lors qu'elle s'appuie sur les données de l'exploitation, exagérément sommaire. En outre, elle n'est pas approximative. Par voie de conséquence, l'administration justifie la rectification, de l'ordre de 10 % à 20 % selon les années, du chiffre d'affaires de la société ACG Villa Corse Rive Droite correspondant aux repas payés en espèces.

9. En troisième lieu, l'article 111 du même code dispose que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

10. M. B... détient, par l'intermédiaire de la société AG Holding, 75,74 % des parts sociales de la société ACG Villa Corse Rive Droite. Il représente la société, détient le pouvoir de l'engager vis-à-vis des tiers, procède au recrutement des salariés, signe les contrats et les chèques réglant les salaires et détient seul le pouvoir de signature sur les comptes bancaires. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que l'autre détenteur de parts de la société AG Holding interviendrait dans la gestion de la société ACG Villa Corse Rive Droite. En remettant les sommes payées en espèces à la succursale bancaire et en établissant les bordereaux de remises en banque, le directeur de la salle du restaurant et la comptable ne peuvent être regardés comme ayant partiellement la maîtrise de l'affaire. Par suite, M. B... est le seul maître de l'affaire et il est donc présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société ACG Villa Corse Rive Droite.

11. M. B... indique que, de manière générale, les sommes en espèces non comptabilisées pouvaient être appréhendées par le personnel à son insu et qu'en particulier, la société ACG Villa Corse Rive Droite a constaté des vols de caisse opérés par deux salariés au moins, ces vols ont été reconnus par leurs auteurs qui ont été licenciés. Cependant, il n'assortit pas ses allégations, insuffisamment précises, de pièces de nature à en établir l'exactitude matérielle. Il ne renverse donc pas la présomption d'appréhension des distributions correspondant au bénéfice supplémentaire de la société à la suite de la reconstitution du chiffre d'affaires.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Ainsi, le solde débiteur d'un compte courant d'associé dont il dispose à la clôture de l'exercice constitue un revenu distribué à l'intéressé imposable entre ses mains. En outre, les sommes inscrites au crédit du compte courant d'un associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

13. Il résulte de l'instruction que le compte courant d'associé détenu par M. B... présentait un solde débiteur de 148 392 euros qui a été soldé le 31 décembre 2012 par un crédit d'un montant égal ayant pour contrepartie le débit du compte de tiers ouvert au nom de la société AG Holding. L'opération peut donc être analysée comme le transfert d'une créance entre les deux sociétés. Il est constant que les formalités de publicité requises pour que ce transfert soit opposable à des tiers n'ont pas été accomplies. M. B... se borne à indiquer que cette société assure le paiement de sa rémunération et des charges sociales correspondantes. Il ne justifie donc pas de l'extinction de la créance correspondant à la somme inscrite au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom. Par suite, c'est à bon droit que l'administration estime que cette somme doit être regardée comme ayant été distribuée à M. B... et imposée entre ses mains.

En ce qui concerne les pénalités :

14. Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

15. En l'espèce, la comptabilité de la société ACG Villa Corse Rive Droite dont M. B... est le maître de l'affaire unique est entachée d'insuffisances graves, pendant plusieurs années, en raison de l'utilisation d'outils informatiques permettant d'effacer certaines lignes de tickets correspondant à des repas payés en espèces. En outre, M. B... a bénéficié en 2012 d'autres revenus distribués qu'il n'a pas déclarés. Eu égard à leur caractère répété et important, ces manquements ont présenté un caractère délibéré. Par suite, l'administration établit le bien-fondé de cette pénalité.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2019.

4

N° 18MA03169

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03169
Date de la décision : 31/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : L.A. SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-31;18ma03169 ?
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