Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Harmonie Concept a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'université Nice Sophia-Antipolis à lui payer, d'une part, la somme de 84 759,71 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 septembre 2010, au titre du solde du marché correspondant au lot n° 1 de l'opération de mise en sécurité des ventilations des bâtiments de chimie du campus de Valrose et le remplacement des sorbonnes des autres bâtiments et, d'autre part, la somme de 52 725,58 euros au titre du paiement de travaux supplémentaires réalisés dans le cadre du même marché.
Par un jugement n° 150079 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et a mis à sa charge les frais d'expertise.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 juillet, 31 octobre et 7 novembre 2017, la société Harmonie Concept, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) de condamner l'université de Nice Sophia-Antipolis à lui verser la somme de 84 459,71 euros au titre du solde du marché et celle de 52 725,58 euros au titre de la réalisation de travaux supplémentaires ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Nice Sophia-Antipolis une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres d'étanchéité, mineurs, relevés par l'expert ont donné lieu à des travaux de reprise et l'université n'était pas fondée à retarder la réception des ouvrages ;
- l'université ne peut lui opposer, concernant le paiement des travaux supplémentaires, la forclusion prévue par l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales, dès lors qu'il s'agit d'un différend entre l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage ;
- elle a droit, sur le fond, au paiement de ces travaux ;
- le tableau récapitulatif des paiements qu'elle a dressé le 10 décembre 2010 ne constitue pas un projet de décompte final, de sorte qu'elle ne saurait s'en voir opposer les termes ;
- le montant demeuré dû sur le prix du marché est bien de 84 459,70 euros ;
- ne saurait en être déduit le surcoût du marché de substitution passé par l'université, en l'absence de décision régulière prise à cet effet et faute pour l'université de lui avoir notifié ce marché ; en outre, le délai minimal de quinze jours stipulé par l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales n'a pas été respecté.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2017, l'université Nice Sophia-Antipolis, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Harmonie Concept au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les écritures de l'appelante ne satisfont pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, de sorte que sa requête est irrecevable ;
- la demande de paiement de travaux supplémentaires est irrecevable dès lors que, d'une part, le rejet de la réclamation y afférente est devenu définitif en vertu de l'article 50.21 du cahier des clauses administratives générales et que, d'autre part, la somme réclamée à ce titre n'a pas été inscrite dans le projet de décompte final ;
- le montant réclamé au titre du solde du marché est erroné et ne tient pas compte des sommes versées à un sous-traitant au titre de la procédure de paiement direct ;
- le coût des marchés de substitution passés sur le fondement de l'article 41-6 du cahier des clauses administratives générales doit venir en déduction des sommes demeurées dues ;
- la requérante n'est pas fondée à demander le paiement des intérêts moratoires dans la mesure où, à la date du 23 septembre 2010, elle n'avait pas présenté son projet de décompte final et où, en tout état de cause, le solde du marché est négatif ;
- les prétentions de la société requérante au titre des travaux supplémentaires ne sont pas fondées.
Par une ordonnance du 23 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... E..., rapporteure,
- les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour l'université de Nice Sophia-Antipolis.
Considérant ce qui suit :
1. L'université de Nice Sophia-Antipolis a engagé en 2009 une procédure de mise en concurrence en vue de la passation d'un marché ayant pour objet la mise en sécurité des ventilations des bâtiments de chimie du campus de Valrose et le remplacement des sorbonnes des autres bâtiments du site. Le lot n° 1 de cette opération a été attribué, selon acte d'engagement du 5 novembre 2009, à un groupement solidaire d'entreprises constitué de la société Harmonie Concept, mandataire, et de la société Fibat, pour un montant de 243 753,60 euros hors taxes. Le décompte général de ce marché, faisant apparaître un solde négatif de 1 175,19 euros, a été notifié le 28 mars 2014 à la société Harmonie Concept, qui l'a contesté par réclamation du 6 mai 2014, rejetée le 10 juillet suivant. Par un jugement du 5 mai 2017, dont la société Harmonie Concept relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université de Nice Sophia-Antipolis à lui verser la somme de 84 759,71 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 septembre 2010, au titre du solde du marché et celle de 52 725,58 euros au titre de la rémunération de travaux supplémentaires.
2. Aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976, applicable au marché litigieux en vertu de l'article 2 B) de son cahier des clauses administratives particulières : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif (...). Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. Si les réserves sont partielles, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. ". L'article 50.11 du même cahier prévoit que " Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations ", son article 50.12 stipulant alors : " Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur. ". Selon l'article 50.21 : " Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne morale responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître d'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. ". Aux termes de l'article 50.22 : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. ". Enfin, selon l'article 50.31 du même cahier : " Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. ".
3. En premier lieu, par un courrier du 24 juin 2010 adressé au BET I.T.B, maître d'oeuvre, et dont ce dernier a été accusé réception le 29 du même mois, la société Harmonie Concept a sollicité la prise en compte, à concurrence de 54 693,80 euros, de " prestations hors marché commandées en cours de travaux ". Cette demande, qui faisait suite à un précédent courrier du 26 mai 2010 évoquant, à défaut de la signature d'un avenant régularisant le paiement de travaux supplémentaires, le dépôt d'une réclamation et qui était accompagnée de divers devis et factures, constitue, contrairement à ce que soutient la société requérante, un mémoire de réclamation au sens des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales. Par ailleurs, les prétentions en cause, soulevées dans le cours de l'exécution des travaux et rapportées à des demandes formulées par la maîtrise d'oeuvre, notamment à l'occasion de réunions de chantier, ainsi qu'aux conséquences de l'élaboration d'un nouveau plan général de coordination et de nombreuses modifications apportées aux plans des lots techniques, doivent être regardées comme soulevant un différend avec le maître d'oeuvre et comme s'inscrivant en conséquence dans les prévisions de l'article 50.11 du cahier des clauses administratives générales. Dans le silence de la personne responsable du marché, cette réclamation a fait naître, le 29 août 2010, soit deux mois après sa réception, une décision implicite de rejet. Or, la société Harmonie Concept n'a pas maintenu sa réclamation, par la transmission d'un mémoire complémentaire, dans le délai de trois mois prévu à cet effet par l'article 50.21 du cahier des clauses administratives générales. En vertu des articles 13.44 et 50.31 du même cahier, elle n'était dès lors recevable, le rejet de cette réclamation étant devenu définitif, ni à la réitérer à l'occasion de sa contestation du décompte général ni à en saisir le tribunal.
4. En deuxième lieu, le décompte général du marché litigieux du 25 mars 2014 fait apparaître que l'université Nice Sophia-Antipolis s'est effectivement acquittée, en faveur de la société Harmonie Concept, d'une somme de 108 031,69 euros TTC, en faveur de sa cotraitante, la société Fibat, d'une somme de 99 037,91 euros TTC, et enfin, en faveur de la société GDR Cherpin, sous-traitante agréée au titre de la procédure de paiement direct, d'une somme de 43 654 euros TTC, soit un total de 250 723,60 euros TTC. La société requérante, qui se borne à se référer aux chiffres mentionnés dans son projet de décompte final, établi plus de trois ans plus tôt, le 2 décembre 2010, et qui ne tient donc pas compte des paiements effectués depuis lors, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce total et à établir que les sommes demeurées dues en exécution des prestations effectivement réalisées s'élèveraient, comme elle le prétend, à 84 459,71 euros. Il y a donc lieu de retenir à ce titre un montant limité à 40 805,70 euros, représentant la différence entre le prix stipulé par l'acte d'engagement, soit 291 529,30 TTC et la somme de 250 723,60 euros TTC mentionnée ci-dessus.
5. En troisième lieu, si la société Harmonie Concept conteste la réfaction opérée au titre du surcoût résultant de la passation de marchés de substitution rendus nécessaires, selon l'université, pour assurer la levée des réserves, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas abordé ce point dans sa réclamation formée le 6 mai 2014 à l'encontre du décompte général dressé le 25 mars 2014, dont la notification, effectuée le 28 mars suivant, a fait courir le délai de contestation stipulé par l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales. Ce chef de réclamation, ainsi porté directement devant le juge du contrat, est donc irrecevable en application des stipulations précitées de l'article 50.31 du même cahier.
6. Enfin, la société Harmonie Concept ne justifie pas des retards allégués dans le paiement des acomptes et, par conséquent, ne justifie pas avoir droit, à ce titre, au versement d'intérêts moratoires. Par ailleurs, elle ne saurait davantage prétendre au paiement d'intérêts moratoires sur le solde du marché, lequel, compte tenu de ce qui a été énoncé aux points précédents, demeure négatif.
7. Il résulte de ce tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel, que la société Harmonie Concept n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme demandée par la société Harmonie Concept au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'université Nice Sophia-Antipolis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de la société Harmonie Concept, sur ce fondement, le paiement à l'université Nice Sophia-Antipolis d'une somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Harmonie Concept est rejetée.
Article 2 : La société Harmonie Concept versera une somme de 2 000 euros à l'université Nice Sophia-Antipolis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Harmonie Concept et à l'université Nice Sophia-Antipolis.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme D... E..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 décembre 2019.
N° 17MA02943 6