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19/12/2019 | FRANCE | N°18MA03376

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 19 décembre 2019, 18MA03376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial.

Par un jugement du 17 mai 2018, n° 1605986, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2018, M. C..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de M

ontpellier ;

2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial.

Par un jugement du 17 mai 2018, n° 1605986, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2018, M. C..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'accorder le droit au séjour à sa femme et à son fils au titre du regroupement familial ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il appartient au préfet de justifier d'une délégation de signature valide accordée à Mme B... ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle indique que la demande de regroupement familial a été déposée en faveur de sa femme et de sa fille alors qu'il s'agit de son épouse et de son fils, outre que sa situation n'a pas bénéficié d'un examen approfondi ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que sa situation aurait dû être appréciée à la date de la demande du 20 janvier 2016, alors que le préfet, en ne prenant pas en compte les revenus de l'allocation de solidarité pour personnes âgées, a retenu la législation issue de la loi du 7 mars 2016, qui lui est défavorable ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du niveau réel de ses ressources dès lors que le préfet a retenu à tort un revenu net de 279 euros alors qu'il s'élève en réalité à 1 300,13 euros compte tenu de l'allocation de solidarité pour les personnes âgées, revenu mensuel qui est supérieur au SMIC ;

- le préfet n'a pas pris en compte son état de santé qui nécessite la présence de son épouse à ses côtés ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte grave au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain, né le 1er mars 1947 à Tagzirt (Maroc) est entré en France en 1974, et il bénéficie depuis le 11 septembre 1991 du droit au séjour sur le territoire national. Il s'est marié au Maroc le 28 avril 2009 avec une compatriote, Mme F..., union dont est né un enfant le 27 mai 2014 dans ce pays où celle-ci réside. Par un jugement du 17 mai 2018 dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial présentée le 20 janvier 2016.

Sur la légalité externe :

2. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté préfectoral litigieux et celui de son insuffisante motivation doivent être écartés, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de M. C... :

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée mentionne à tort que la demande de regroupement familial a été déposée en faveur de la femme et de la fille de M. C... alors qu'il s'agit de son épouse et de son fils. L'indication inexacte du sexe de l'enfant mineur est sans conséquence sur l'application de la législation relative au regroupement familial. Ainsi, cette mention constitue une simple erreur de plume qui est sans incidence sur le litige, et ne révèle pas une absence d'examen approfondi de la situation d'ensemble de l'appelant par le préfet de l'Hérault.

En ce qui concerne l'application des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

4. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à l'espèce : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois (....) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (....) et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans.". L'article L. 411-5 du même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée du préfet de l'Hérault, dispose que : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-8 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; (...) " . Aux termes de l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne justifiant d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans une collectivité mentionnée à l'article L. 751-1 et ayant atteint un âge minimum bénéficie d'une allocation de solidarité aux personnes âgées dans les conditions prévues par le présent chapitre.(...) " En vertu de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ;(...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) au cours de cette même période.

5. En premier lieu, l'autorité administrative prend en principe sa décision au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables à date de sa signature. Ainsi c'est à bon droit qu'à la date de la décision attaquée du 5 octobre 2016, le préfet de l'Hérault qui devait tenir compte des faits et du droit existant à la date où il a pris l'acte litigieux, a appliqué l'article L.411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi du 7 mars 2016, alors que la demande de regroupement familial de M. C... avait été déposée le 20 janvier 2016 auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, sur la période considérée de douze mois, M. C... a perçu une pension de retraite versée par la caisse de retraite et santé au travail du Languedoc-Roussillon d'un montant mensuel net moyen de 188,55 euros, une allocation retraite complémentaire versée par Humanis et un versement en décembre 2015 de la mutualité sociale agricole d'un montant net de 238,28 euros. En application des dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'allocation de solidarité pour les personnes âgées ne peut être prise en considération pour apprécier le caractère suffisant du niveau des ressources du demandeur. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les revenus mensuels nets moyens de M. C... durant les douze mois précédant sa demande, d'un montant de 279,03 euros, étaient manifestement inférieurs à la moyenne mensuelle nette du SMIC, s'élevant alors à 1 135,38 euros. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en lui opposant l'insuffisance de ses ressources pour lui refuser un regroupement familial au profit de son épouse et son fils, et en ne retenant pas, pour apprécier le caractère suffisant du niveau de ses ressources, l'allocation de solidarité pour les personnes âgées.

En ce qui concerne l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des dispositions des articles L. 411-5 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il ressort des pièces du dossier, que M. C... a épousé Mme F... au Maroc le 26 août 2008, où elle demeure et où est né le 27 mai 2014 leur unique enfant, D..., avant de déposer sept années après son mariage, une demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de son fils. Ainsi, l'appelant a manifestement choisi de maintenir son foyer au Maroc malgré l'éloignement de son épouse et de son enfant, ce qui ne l'a pas empêché de mener une vie familiale normale. Dans ces circonstances, si le requérant soutient que son état de santé nécessite une aide pour les actes de la vie quotidienne, il n'établit pas que son épouse, dont il vit éloigné depuis 2009, serait la seule personne en capacité de lui apporter de l'aide alors que son état de santé ne nécessite pas une assistance permanente. Par ailleurs, M. C... qui était retraité à la date de la demande de regroupement familial, ne soutient pas être dans l'impossibilité d'opérer la réunion de sa famille dans son pays d'origine où la vie familiale a été initiée et poursuivie. Dès lors, malgré la durée significative du séjour en France de M. C..., le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale en lui refusant le bénéfice du regroupement familial de sa femme et de son fils, et par suite, il n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste de sa situation personnelle. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 octobre 2016 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial.

Sur les conclusions accessoires :

9. Le présent arrêt rejette les conclusions d'annulation de M. C.... Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

N° 18MA03376 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03376
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BESSA-SOUFI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-19;18ma03376 ?
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