Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel à la commission administrative paritaire des agents de catégorie C de la métropole.
Par une ordonnance n° 1810657 du 28 février 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa protestation.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars et le 8 août 2019, le syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 28 février 2019 du président de la première chambre du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel à la commission administrative paritaire des agents de catégorie C de la métropole ;
3°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière, dès lors que sa protestation n'est pas tardive ;
- la présidente de la métropole ne pouvait pas déclarer sa liste irrecevable après la date limite de dépôt des listes ;
- l'organisation des bureaux de vote et du vote par correspondance a comporté de nombreuses lacunes ;
- les agents n'ont pas été informés de l'emplacement des bureaux de vote ;
- ses délégués ont éprouvé des difficultés pour être présents le jour du vote ;
- les courriels qu'il a diffusés lors de la période électorale ont été classés parmi les messages indésirables dans les messageries professionnelles des agents ;
- la décision de la présidente de la métropole a été communiquée à un membre d'un syndicat concurrent, qui l'a diffusée sur le réseau social Facebook accompagnée d'un commentaire critique ;
- le syndicat FO a adressé par courriel à l'ensemble des agents un message de propagande électorale le jour du scrutin ;
- il a également distribué des tracts et installé des drapeaux aux abords des bureaux de vote ;
- il a apposé des affiches syndicales en dehors des emplacements réservés ;
- il n'a pas participé aux réunions préparatoires aux élections.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet et le 24 septembre 2019, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SCP Vedesi, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle était tenue de déclarer irrecevable la liste présentée par le syndicat CGT ;
- les griefs soulevés par le syndicat FSU territoriale 13 ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée aux syndicats FO, UNSA territoriaux, FSU territoriale 13, SNT CFE-CGC, FNACT CFTC, FAFPT et CFDT, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., avocat du syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence, et de Me A..., représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence fait appel de l'ordonnance du 28 février 2019 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté comme tardive sa protestation dirigée contre les opérations électorales du 6 décembre 2018 en vue de la désignation des représentants du personnel à la commission administrative paritaire des agents de catégorie C de la métropole.
Sur l'irrégularité de l'ordonnance attaquée :
2. L'article 25 du décret n° 89-229 du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics prévoit que " (...) les contestations sur la validité des opérations électorales sont portées dans un délai de cinq jours francs à compter de la proclamation des résultats devant le président du bureau central de vote puis, le cas échéant, devant la juridiction administrative. " Il ressort de ces dispositions que le délai de cinq jours francs qu'elles impartissent ne s'applique qu'au recours préalable présenté devant le président du bureau central de vote.
3. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a jugé le président de la première chambre du tribunal administratif, le délai de saisine de la juridiction administrative est le délai de droit commun de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Le président du bureau central de vote a rejeté le recours préalable du syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence par une décision du 12 décembre 2018. La protestation de ce dernier a été enregistrée le 24 décembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Marseille, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Elle n'est donc pas tardive.
4. Il y a lieu par suite d'annuler l'ordonnance attaquée et de statuer immédiatement sur le litige par la voie de l'évocation.
Sur l'irrecevabilité de la liste présentée par le syndicat CGT :
5. L'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 prévoit, au septième alinéa, que les contestations sur la recevabilité des candidatures aux élections professionnelles de la fonction publique " sont portées devant le tribunal administratif compétent dans les trois jours qui suivent la date limite du dépôt des candidatures. Le tribunal administratif statue dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la requête. L'appel n'est pas suspensif. "
6. Le deuxième alinéa de l'article 12 du décret du 27 janvier 1989 pose pour principe que chaque liste comprend autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir, titulaires et suppléants, pour un groupe hiérarchique, mais permet ensuite, aux troisième à huitième alinéas, de présenter un nombre de noms inférieur, au moins égal à un seuil déterminé en fonction de l'effectif des fonctionnaires relevant de la commission administrative paritaire. Le neuvième alinéa précise aussi que pour l'application de ces dispositions, " le nombre de candidats présentés dans chaque groupe hiérarchique doit être un nombre pair ". Il prévoit en outre que : " Les listes peuvent comprendre, dans chaque groupe hiérarchique, un nombre de noms égal au plus au double de celui des sièges de représentant titulaire et de représentant suppléant de ce groupe. "
7. Le dernier alinéa du même article précise enfin que : " Lorsque l'autorité territoriale constate que la liste ne satisfait pas aux conditions fixées par l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, elle remet au délégué de liste une décision motivée déclarant l'irrecevabilité de la liste. Cette décision est remise au plus tard le jour suivant la date limite de dépôt des listes. ".
8. La présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence, par une décision du 8 novembre 2018, a déclaré irrecevable la liste présentée par le syndicat CGT en vue de l'élection des représentants du personnel à la commission administrative paritaire des agents de catégorie C, aux motifs que cette liste comportait dans le groupe hiérarchique de base un nombre impair de candidats, et dans le groupe hiérarchique supérieur, un nombre de candidats supérieur au double du nombre total de sièges.
9. Cette décision d'irrecevabilité ne porte pas sur les conditions fixées au I de l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983, mais sur celles fixées par les dispositions de l'article 12 du décret du 17 avril 1989 citées au point 7. Le dernier alinéa de cet article n'est en conséquence pas applicable et le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que ses dispositions auraient été méconnues.
10. Il reste loisible à l'organisation syndicale de fonctionnaires dont la liste a été déclarée irrecevable par l'autorité territoriale, y compris lorsque les conditions de notification de la décision de cette dernière ne l'ont pas mise à même de présenter en temps utile devant le tribunal administratif le recours spécial prévu à l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983, de contester cette irrecevabilité par un grief soulevé directement devant le juge de l'élection. Au cas présent, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 que l'autorité territoriale a à bon droit écarté la liste présentée par le syndicat CGT comme irrecevable, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Le syndicat requérant n'est en conséquence pas fondé à soutenir que l'irrecevabilité opposée à sa liste aurait entaché le scrutin d'irrégularité.
Sur les autres griefs :
11. Par un arrêté du 16 novembre 2018 intégralement repris sur ce point par un second arrêté du 5 décembre 2018, l'autorité territoriale a institué un bureau central de vote à Marseille et dix-sept bureaux secondaires répartis sur son territoire conformément à l'article 15 du décret du 17 avril 1989. La métropole justifie en outre, par des éléments circonstanciés qui ne sont pas contredits par le syndicat requérant, s'être attachée à identifier les agents pouvant être admis à voter par correspondance pour en fixer la liste conformément à l'article 16 du même décret. Aucun texte légal ou réglementaire n'imposait à la collectivité de mettre en place un système de navettes pour permettre aux agents des différents sites de se rendre à leur bureau de vote. Il ressort en outre des éléments produits par la métropole que ses agents ont été informés des conditions du scrutin, de l'emplacement des bureaux de vote et des modalités du vote par correspondance par deux numéros d'une lettre d'information spéciale, joints aux bulletins de paie d'août et d'octobre 2018. Les directeurs généraux et les organisations syndicales ont également été régulièrement informés sur l'organisation des élections. Le syndicat CGT ne rapporte aucun cas individuel d'un agent ayant rencontré des difficultés pour se rendre au bureau de vote ou pour voter par correspondance le jour du scrutin. Il ne résulte en conséquence pas de l'instruction que le scrutin aurait été organisé dans des conditions contraires à celles fixées par le décret du 17 avril 1989 ou portant atteinte à la sincérité du scrutin.
12. L'article 15 du décret du 17 avril 1989 dispose que : " Chaque bureau est présidé par l'autorité territoriale ou son représentant et comprend un secrétaire désigné par celle-ci et un délégué de chaque liste en présence. " Cet article ne prévoit pas la participation ou la présence de représentants de syndicats n'ayant pas présenté de liste. Par suite, les difficultés alléguées de certains membres du syndicat CGT pour assister au scrutin en tant que simples observateurs sont sans incidence sur la régularité du scrutin.
13. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la liste présentée par le syndicat CGT était irrecevable et n'a pas été soumise au vote. Dès lors, le fait que les courriels diffusés par le syndicat CGT aient été rangés parmi les messages indésirables dans les messageries professionnelles des agents de la métropole durant la période électorale n'a pas altéré la sincérité du scrutin.
14. La décision du 8 novembre 2018 par laquelle la présidente de la métropole a déclaré l'irrecevabilité de la liste présentée par le syndicat CGT ne figure pas dans la liste des documents dont la communication est exclue par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance qu'elle ait été communiquée à un tiers membre d'un syndicat concurrent ne révèle dès lors aucune illégalité. Par ailleurs, la diffusion de cette décision par un autre syndicat sur le réseau social Facebook, assortie d'un commentaire critique, n'excède pas les limites de la polémique électorale et n'est, par suite, constitutive d'aucune irrégularité.
15. L'article 17-1 du décret n° 89-229 du 17 avril 1989 dispose que : " La distribution de documents de propagande électorale ainsi que leur diffusion sont interdites le jour du scrutin. "
16. Il résulte de l'instruction que le 6 décembre 2018 à 8h50, soit le jour du scrutin, le syndicat FO a adressé à l'ensemble des agents de la métropole, via leur messagerie professionnelle, un courriel intitulé " FO négocie pour un télétravail raisonné ! ". Ce courriel présente de façon favorable son action sur le thème du télétravail, comporte des engagements électoraux et se conclut par un appel à voter pour le syndicat, en méconnaissance des dispositions de l'article 17-1 citées au point précédent. Si la distribution de ce courriel a été générale et si les candidats adverses n'ont pu réagir utilement, il ne résulte pas de l'instruction que ce message ait porté sur des éléments nouveaux ou déterminants lors de la campagne électorale. En outre, le quatrième siège du syndicat FO a été obtenu suivant la règle de la plus forte moyenne de préférence au syndicat FSU territoriale 13, qui en a obtenu trois, grâce à un écart de 250 voix, pour 2689 suffrages exprimés. Ce message ne peut dans ces conditions être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin.
17. Les griefs relatifs aux dysfonctionnements du vote par correspondance, à la distribution de tracts le jour de scrutin et à l'installation de drapeaux aux abords des bureaux de vote par le syndicat FO ne sont assortis d'aucun élément circonstancié, ni d'aucune pièce susceptible de venir à leur soutien. Celui relatif à l'apposition d'affiches syndicales en dehors des emplacements réservés à cet effet n'est étayée que par la photographie non datée d'une affiche fixée sur une machine à café dans un lieu indéterminé. Ces griefs ne sont pas établis et doivent être écartés.
18. Enfin, l'absence de participation du syndicat FO à des réunions préparatoires aux élections est sans incidence sur la régularité du scrutin.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation du syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence ne peut être que rejetée.
Sur les frais liés au litige :
20. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence le versement de la somme de 2 000 euros à la métropole Aix-Marseille-Provence au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
21. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le syndicat sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 28 février 2019 du président de la première chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La protestation du syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence présentée devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence versera à la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT des agents de la métropole Aix-Marseille-Provence et à la métropole Aix-Marseille-Provence.
Copie en sera adressée pour information aux syndicats FO, UNSA territoriaux, FSU territoriale 13, SNT CFE-CGC, FNACT CFTC, FAFPT et CFDT.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme E..., première conseillère,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 décembre 2019.
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No 19MA01299