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10/12/2019 | FRANCE | N°18MA02562

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 décembre 2019, 18MA02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Cabestany à lui verser la somme totale de 84 575 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus opposé par le maire à sa demande de réintégration du 1er février 2011 suite à sa mise en disponibilité pour convenance personnelle.

Par un jugement n° 1601505 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Cabestany à verser à M. B... une somm

e de 5 000 euros à titre d'indemnité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Cabestany à lui verser la somme totale de 84 575 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus opposé par le maire à sa demande de réintégration du 1er février 2011 suite à sa mise en disponibilité pour convenance personnelle.

Par un jugement n° 1601505 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Cabestany à verser à M. B... une somme de 5 000 euros à titre d'indemnité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2018, M. B..., représenté par la SCP Nicolau - Malavialle Gadel Capsie, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 6 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Cabestany en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de porter à 83 075 euros le montant de l'indemnité due ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cabestany une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les refus de réintégration sont fautifs à compter du 22 mars 2012 ;

- la perte de revenus est évaluée à 63 075 euros ;

- le préjudice moral est estimé à 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2018, la commune de Cabestany, représentée par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Cabestany.

Une note en délibéré présentée par la commune de Cabestany a été enregistrée le 29 novembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Adjoint technique territorial de 2e classe employé par la commune de Cabestany depuis le 1er septembre 1987, M. B... a été à sa demande placé en position de disponibilité, pour convenances personnelles, à compter du 1er avril 2006, renouvelée les années suivantes. Par un courrier du 1er février 2011 réceptionné en mairie le 14 février suivant, l'agent a demandé au maire de Cabestany à être réintégré dans son cadre d'emplois d'origine. Cette demande a été rejetée par un courrier du 7 mars puis par celui du 17 mars 2011, ce dernier étant motivé par l'absence d'emploi vacant. M. B... a réitéré sa demande par deux courriers du 20 novembre 2013 et du 30 janvier 2015, reçus en mairie respectivement le 22 novembre 2013 et le 2 février 2015. En l'absence de réintégration, le fonctionnaire a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune à lui verser la somme de 84 575 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. M. B... fait appel du jugement du 6 avril 2018 par lequel le tribunal administratif a limité à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnité due.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité de la commune :

2. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. (...) ". Aux termes de l'article 21 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration, dans sa version applicable : " La mise en disponibilité sur demande de l'intéressé peut être accordée, sous réserve des nécessités du service, dans les cas suivants : (...) b) Pour convenances personnelles : la durée de la disponibilité ne peut dans ce cas excéder trois années ; elle est renouvelable, mais la durée de la disponibilité ne peut excéder au total dix années pour l'ensemble de la carrière. ". Aux termes de l'article 26 de ce décret : " Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. / La réintégration est subordonnée à la vérification par un médecin agréé et, éventuellement, par le comité médical compétent, de l'aptitude physique du fonctionnaire à l'exercice des fonctions afférentes à son grade. / Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire territorial mis en disponibilité pour convenance personnelle a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité. Si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable. Dans le cas où la collectivité dont relève l'agent qui a demandé sa réintégration ne peut lui proposer un emploi correspondant à son grade, elle doit saisir le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local afin qu'il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade.

4. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, la demande de M. B... tendant à être réintégré à l'issue de sa période de disponibilité qui prenait fin le 1er avril 2011 a été rejetée par le maire de la commune de Cabestany le 17 mars 2011 au motif qu'il n'existait aucun emploi vacant correspondant à son grade. Si M. B... n'avait pas un droit à se voir proposer les premiers emplois qui se sont libérés, la commune était en revanche tenue de lui proposer un emploi dans un délai raisonnable. Il résulte de l'instruction et notamment des tableaux des effectifs de la commune de Cabestany figurant dans les délibérations du conseil municipal produites par M. B..., qu'une trentaine d'emplois d'adjoint technique territorial de 2ème classe étaient vacants au cours des années 2011 à 2015. La commune ne justifie en outre pas avoir engagé la procédure de réintégration du fonctionnaire avant le courrier que le maire lui a adressé le 3 février 2015. Elle n'a, au demeurant, pas proposé au requérant l'un des emplois dont elle a déclaré la vacance au centre de gestion le 22 mars 2012. Eu égard à la circonstance que l'agent n'a pas présenté sa demande de réintégration trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité, d'une part, et à l'importance de la collectivité et au nombre élevé d'emplois vacants correspondants au grade du requérant, d'autre part, le délai raisonnable dont disposait la commune pour prendre des mesures afin de permettre la réintégration de M. B... et qui courait depuis la date du 14 février 2011 à compter de laquelle l'intéressé avait demandé sa réintégration, doit être regardé comme ayant expiré le 1er février 2012, sans qu'aucune proposition ne lui ait été faite. M. B... a ainsi, au-delà de cette date, été maintenu illégalement hors de la position d'activité à laquelle il avait droit. Ce retard est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

5. Il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent que M. B... est en droit d'obtenir la réparation des conséquences dommageables de son maintien illégal en disponibilité à compter du 1er février 2012. Si l'appelant soutient que la responsabilité de la commune est engagée jusqu'au 28 octobre 2016, date à laquelle il a été déclaré définitivement inapte, il résulte de l'instruction que le maire lui a confirmé le 3 février 2015 sa réintégration au sein du service technique de la commune. Or M. B... n'a pas donné suite à sa convocation chez le médecin agréé afin que celui-ci émette un avis sur l'aptitude de l'agent à l'exercice de ses fonctions. Dès lors, la responsabilité de la commune n'est engagée qu'au titre de la période ayant couru du 1er février 2012 au 3 février 2015, date à laquelle la commune a proposé en vain à M. B... un poste correspondant à son cadre d'emplois d'appartenance.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que, suite à la demande de réintégration qu'il avait présentée au mois de février 2011, M. B... s'est borné à adresser à la commune un courrier le 22 juillet 2011 puis le 20 novembre 2013. Par son manque de diligence, que ne peut pas justifier la circonstance que le bénéfice des allocations chômage lui avait été accordé par une décision du 30 septembre 2011 pour une durée maximale de 730 jours, l'agent a contribué à la réalisation et à l'ampleur de son préjudice. Cette faute de M. B... est de nature à exonérer la commune de Cabestany de sa responsabilité à hauteur d'un tiers.

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

7. En premier lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public maintenu illégalement en disponibilité a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail ou les diverses allocations ou indemnités versées du fait de son inactivité au cours de la période de disponibilité illégale.

8. Il résulte de l'instruction et notamment des bulletins de paie des mois de décembre 2005 et de mars 2006 que M. B... percevait avant sa disponibilité un traitement net, déduction faite des sommes destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, de 1 199,51 euros, outre une prime de Noël d'un montant de 502,94 euros. La perte de rémunération peut ainsi être évaluée à la somme de 44 698,51 euros au titre de la période du 1er février 2012 au 3 février 2015. M. B... a bénéficié d'allocations chômage du 1er avril 2011 au 31 décembre 2012 pour un montant de 971,25 euros par mois. Il a ainsi perçu, au titre de la période courant du 1er février 2012 au 31 décembre 2012, la somme de 10 683,75 euros d'allocations chômage qu'il convient de soustraire de celle de 44 698,51 euros déjà mentionnée. Le manque à gagner s'élève ainsi à 34 014,76 euros.

9. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. B... en condamnant la commune à lui verser à ce titre une somme de 2 000 euros.

10. Compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 6, l'indemnité que la commune de Cabestany devra verser à M. B... au titre de l'ensemble des préjudices invoqués s'établit à la somme de 24 010 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Cabestany à ne lui allouer que la somme de 5 000 euros. Il convient de porter cette somme à 24 010 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Cabestany la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 5 000 euros que la commune de Cabestany a été condamnée à verser à M. B... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 avril 2018 est portée à 24 010 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La commune de Cabestany versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Cabestany au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Cabestany.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, où siégeaient :

- M. D..., président rapporteur,

- Mme E..., première conseillère,

- M. Slimani, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.

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N° 18MA02562


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