Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 février 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 17 août 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé à la société ITM Logistique Alimentaire International l'autorisation de le licencier et a, d'autre part, autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1701209 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 février 2017 du ministre chargé du travail.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mai 2019 et le 18 juillet 2019, la société ITM Logistique Alimentaire International, représentée par la SELAR Actance Méditerranée, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 mars 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de de mettre à la charge de M. F... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la matérialité des faits d'insultes, de menaces et de tentative de violence à l'égard d'un autre salarié de l'entreprise est établie ;
- ces faits sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier le licenciement de l'intéressé ;
- les autres moyens soulevés par M. F... à l'encontre de la décision du ministre chargé du travail ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, M. F..., représenté par le cabinet Goldmann et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société ITM Logistique Alimentaire International au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société ITM Logistique Alimentaire International ne sont pas fondés et que la décision du 17 février 2017 du ministre chargé du travail est en outre illégale au motif que :
- il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour préparer son audition devant le comité d'entreprise ;
- il n'est pas justifié de la convocation de l'ensemble des membres titulaires et suppléants ainsi que des représentants syndicaux à la réunion du comité d'entreprise qui a émis un avis sur son licenciement.
La ministre du travail a présenté des observations, enregistrées le 14 octobre 2019, qui n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant la société ITM Logistique Alimentaire International et de Me C..., représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 17 février 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 17 août 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé à la société ITM Logistique Alimentaire International l'autorisation de licencier M. F..., membre titulaire du comité d'établissement et délégué du personnel suppléant et a, d'autre part, autorisé son licenciement pour faute. La société ITM Logistique Alimentaire International relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a, à la demande de M. F..., annulé la décision du 17 février 2017 du ministre chargé du travail.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. La demande présentée le 16 juin 2016 par la société ITM Logistique Alimentaire International en vue d'obtenir l'autorisation de licencier M. F... était motivée par le fait que l'intéressé avait insulté et agressé à différentes reprises l'un de ses collègues de travail au cours de la nuit du 4 juin 2016 alors que les intéressés travaillaient à la préparation de commandes. Pour faire droit à cette demande, le ministre chargé du travail a estimé que les faits, matériellement établis, étaient constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, au regard notamment du comportement à tendance violente du salarié, ainsi que de la réitération des insultes et de son comportement agressif malgré le recadrage immédiat de son supérieur hiérarchique.
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans la nuit du 4 juin 2016, entre 2 heures et 2 heures 45, une altercation a opposé M. F..., préparateur de commandes et M. A..., employé intérimaire. Au cours de cette altercation, M. F... a proféré des insultes à l'encontre de son collègue de travail, qui a répliqué. Toutefois il ressort des éléments réunis tant au cours de l'enquête contradictoire conduite par l'inspecteur du travail qu'au cours de celle menée lors de l'instruction du recours hiérarchique de la société par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), que ces insultes faisaient suite à une provocation de M. A... au sujet du tri d'une palette. Puis, alors que M. A... venait de demander à M. F... de se rendre dans le bureau du chef d'équipe pour s'expliquer, de nouvelles insultes ont été proférées à la suite de propos désobligeants tenus par M. A... sur le prénom de M. F..., qui a tenté d'en venir aux mains avant d'en être empêché par l'interposition de son chef d'équipe. Enfin, après un temps de pause, alors que les intéressés se sont de nouveau croisés, M. F... s'est emporté contre M. A... avant que des collaborateurs ne les séparent. Dans ces circonstances, la responsabilité du déclenchement de l'altercation dont il est l'auteur n'est pas imputable au seul M. F... mais également à l'attitude équivoque de son collègue à son égard. Les témoignages contradictoires versés au dossier ne permettent pas d'établir que M. F... aurait assené des coups à M. A.... Enfin, aucun autre agissement fautif de même nature n'a jamais été reproché à M. F... qui justifiait à la date de ces évènements d'une ancienneté de cinq ans dans l'entreprise. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, les faits reprochés au salarié protégé, qui restent isolés, s'ils revêtaient un caractère fautif, n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
5. Il résulte de ce qui précède que la société ITM Logistique Alimentaire International n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 17 février 2017 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social l'autorisant à licencier M. F....
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ITM Logistique Alimentaire International la somme de 2 000 euros à verser à M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société ITM Logistique Alimentaire International est rejetée.
Article 2 : La société ITM Logistique Alimentaire International versera à M. F... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ITM Logistique Alimentaire International et à M. D... F....
Copie en sera adressée à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.
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N° 19MA02101
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