Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de La Garde a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 1504017 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et enjoint au CCAS de La Garde de réexaminer la situation de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2018, le CCAS de La Garde, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 octobre 2018 ;
2°) de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le CCAS soutient que :
- contrairement à ce qu'indique le jugement contesté, M. A... s'est vu confier des tâches dès son arrivée à la résidence Marie Curie, ainsi que cela ressort d'une attestation produite par son supérieur hiérarchique direct ; cette attestation vient lever les ambiguïtés de son précédent courrier du 26 février 2014 ;
- M. A... a systématiquement fait montre de mauvaise volonté et de réticence au travail lorsqu'il se voyait confier des tâches et travaux ;
- le recours qu'il a formé devant le tribunal n'avait de finalité que lucrative et démontre sa mauvaise foi ainsi que sa volonté de nuire au service ;
- les attestations produites devant le tribunal par M. A... n'ont été rédigées que par des personnes ne travaillant pas directement avec ce dernier et, pour la plupart, extérieures au service ;
- le local dans lequel il a été affecté était une chambre de la résidence laissée vacante, spacieuse et confortable ; si elle était éloignée des autres bureaux, l'intéressé reconnait qu'il était nécessaire qu'il ne soit pas en contact direct avec les autres agents ;
- les certificats médicaux qu'il produit sont de complaisance, car M. A... n'a jamais développé de maladie professionnelle ; au demeurant, il a commencé à développer une activité de location de matériel nautique pendant son congé maladie.
Par un mémoire en défense, enregistré le6 juin 2019 , M. A... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du CCAS de la Garde sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le CCAS de la Garde ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi nº 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour le CCAS de La Garde.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique principal affecté au centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville de La Garde depuis le 1er juin 2008, a saisi le 24 juillet 2015 le président du CCAS d'une demande de protection fonctionnelle au motif qu'il s'estimait victime de faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique. Cette demande a été implicitement rejetée par le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative. Le CCAS de La Garde relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision implicite et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A....
2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983: " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. En l'espèce, M. A... a soutenu devant les premiers juges et fait valoir en appel que les faits de harcèlement dont il se prétend victime sont caractérisés par l'absence de tâches à réaliser et son isolement au sein de la résidence pour personnes âgés " Marie Curie ", où il était affecté au cours de l'année 2014.
5. Il ressort, d'une part, des pièces du dossier que l'affectation physique de M. A... dans un local situé à l'écart de ses collègues a été décidée en raison de ses mauvaises relations avec ces derniers, dont l'intéressé reconnaît lui-même qu'elles revêtaient un caractère conflictuel. Ainsi, et dès lors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que le studio vacant de la résidence " Marie Curie " d'une superficie d'environ 30 m² est doté d'un aménagement permettant d'y travailler dans des conditions normales, il y a lieu de retenir qu'en décidant cette affection afin d'éviter que se dégradent les relations travail, le directeur du CCAS a pris une décision justifiée par l'intérêt du service et n'a pas, ce faisant, excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
6. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, contrairement à ce que l'intéressé persiste à faire valoir en se fondant sur un courriel du 26 février 2014 par lequel le directeur de la résidence " Marie Curie " a informé le président du CCAS qu'il n'aurait pas de missions à lui confier, que des tâches ont bien été attribuées à M. A..., qui l'a, d'ailleurs, expressément admis dans un courrier du 19 février 2014 par lequel il regrettait simplement qu'elles ne lui aient pas été notifiées par écrit. Ainsi, et alors qu'il ressort également d'un rapport de service du 2 septembre 2014 que plusieurs des travaux qui lui avaient été confiés étaient inachevés à cette date, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été délibérément privé de toute activité professionnelle.
7. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les faits allégués par M. A... ne peuvent être regardés comme caractérisant le harcèlement moral dont il se prétend victime, la circonstance qu'il a été placé en congé de maladie au début du mois de septembre 2014 n'étant pas de nature à infirmer cette analyse. Dès lors, en refusant de faire droit à la demande de M. A... d'une mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, le président n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le CCAS de La Garde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et l'a enjoint de réexaminer la demande de protection fonctionnelle de l'intéressé.
9. En l'absence de tout autre moyen soulevé contre la décision attaquée tant en première instance qu'en appel, il y a lieu, pour la cour statuant par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif deToulon.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de La Garde, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CCAS de La Garde sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n°1504017 du 4 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de La Garde.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Alfonsi, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
M. C..., conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.
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N° 18MA04836