Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision du 17 décembre 2015, par laquelle le président du conseil général du Gard a procédé à son licenciement et, d'autre part, la décision du 18 janvier 2016 par laquelle cette autorité lui a retiré son agrément d'assistante familiale.
Par un jugement n° 1504065, 1600871 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes de Mme F....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés 1er décembre 2017 et le 7 octobre 2019, Mme A... F..., représentée par la SCP B.D.C.C. Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2015 par laquelle le président du conseil général du Gard a procédé à son licenciement ;
3°) d'annuler la décision de retrait d'agrément du 18 janvier 2016 prise par le président du conseil général du Gard ;
4°) de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 64 437,15 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement et la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du retrait de son agrément ;
5°) de mettre à la charge du département du Gard une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Mme F... soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
Sur la décision de licenciement :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de saisine de la commission consultative paritaire ;
- elle n'a pas été mise en mesure de se défendre utilement, ni de faire valoir ses observations en raison de l'absence de prise en compte de ses explications ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'absence de production des rapports d'évaluation sur lesquels est fondée la décision litigieuse et ce alors même qu'il n'existe en fait qu'un seul rapport et du fait que les enfants n'ont pas été entendus ;
- les faits sur lesquels la décision est fondée sont prescrits, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
- le président du conseil départemental ne pouvait la sanctionner sur le plan disciplinaire au motif de l'insuffisance professionnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait en ce que les griefs exposés à son encontre ne sont pas matériellement établis ;
- compte-tenu de ces illégalités, elle est en droit de percevoir les sommes de 5 721,15 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 4 516,70 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et de 54 200,40 euros en réparation de son préjudice moral ;
Sur la décision portant refus d'agrément :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est intervenue dans des conditions irrégulières, au mépris du respect du contradictoire, puisqu'elle n'a pas été mise à même de se défendre utilement, ni de prendre connaissance des pièces sur lesquelles repose la décision en litige ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait en ce que les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;
- le président du conseil général du Gard a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les conditions du retrait d'agrément étaient réunies ;
- compte-tenu de l'illégalité de cette décision, elle est en droit d'obtenir le versement de la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, le département du Gard, représenté Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme F... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département soutient que :
- la requête d'appel, qui se borne à reproduite les écritures de première instance, est irrecevable faute de comporter des moyens d'appel ;
- les moyens tirés de l'absence de consultation de la commission consultative paritaire et de la prescription des fautes reprochées sont inopérants dirigé à l'encontre de la décision de licenciement ;
- les faits qui lui sont reprochés sont établis et de nature à justifier le licenciement litigieux ;
- les moyens soulevés par Mme F... à l'encontre du retrait d'agrément ne sont pas fondés ;
- les conclusions indemnitaires, qui sont irrecevables faute de liaison du contentieux, sont en tout état de cause mal fondées en l'absence de faute susceptible d'être reprochée au département.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- le décret n°88-145 du 15 janvier 1988 ;
- le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme F... et de Me E..., représentant le département du Gard.
Mme F... et le département du Gard ont produit, respectivement les 21 et 22 novembre 2019, une note en délibéré.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., bénéficiaire d'un agrément comme assistante familiale, renouvelé en dernier lieu le 19 décembre 2011 pour une durée de cinq ans, a été employée en cette qualité par le département du Gard depuis le mois de février 2003 et accueillait, à ce titre deux enfants d'une même fratrie placés par le service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département. Par décisions des 13 et 18 janvier 2016, le président du conseil départemental du Gard a procédé, respectivement, à son licenciement et au retrait de son agrément. Par jugement du5 octobre 2017, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes de Mme F... tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Gard :
2. Mme F..., qui reproche en particulier au tribunal administratif de lui avoir opposé que les dispositions du code du travail ne lui étaient pas applicables, ne s'est pas bornée à reproduire intégralement et exclusivement le texte de ses écritures de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut être accueillie.
Sur le bien-fondé des conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision de retrait d'agrément en date du 18 janvier 2016 :
3. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation et de la violation des principes du contradictoire et des droits de la défense doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges aux points 16 à 19 du jugement attaqué.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " (...) L'agrément est accordé [à l'assistant familial] si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) ". En outre, l'article L. 421-6 du même code dispose que " (...) Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) "
5. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement des enfants qui lui sont confiés, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que les enfants sont victimes des comportements en cause ou risquent de l'être.
6. En l'espèce, Mme F... ne conteste pas que les relations qu'elle entretient avec ses interlocuteurs au sein du service de l'aide sociale à l'enfance du département du Gard se sont progressivement dégradées, dans un contexte marqué par l'attitude de défiance de l'intéressée à l'égard des décisions prises par l'administration dans l'intérêt des enfants qui lui sont confiés. Notamment, il ressort des pièces du dossier que Mme F... s'est opposée au changement d'établissement de ces derniers et qu'elle s'est à plusieurs reprises écartée des choix du département relatifs à leurs activités extra-scolaires ou aux visites de leur famille naturelle. Il ressort également des énonciations d'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 22 juillet 2016, qui a notamment relevé l'état psychologique préoccupant de l'aînée de la fratrie, que l'intégrité affective et morale des enfants est gravement menacée par ce climat conflictuel et les incertitudes résultant des désaccords entre Mme F... et le département. De même, dans un jugement du 18 mars 2015, le juge des enfants du tribunal d'instance de Nîmes a estimé, que les enfants se trouvaient " en danger de par leur placement dans la famille d'accueil dans laquelle elles évoluaient ". Enfin, il ressort d'un jugement du tribunal correctionnel de Nîmes du 11 mars 2016, postérieur à la décision attaquée mais fondé sur des faits qui lui sont antérieurs, que le 16 septembre 2015, Mme F... a retenu les enfants sous sa garde contre les injonctions du département. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le président du conseil départemental du Gard a, au vu de tels éléments, estimé que les conditions d'accueil proposées par la requérante ne permettaient plus de garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs accueillis et étaient de nature à justifier le retrait de son agrément.
En ce qui concerne la légalité de la décision de licenciement du 17 décembre 2015 :
7. En premier lieu, les moyens soulevés en première instance et repris en appel, tirés de l'incompétence du signataire de la décision, de son insuffisante motivation, de ce que le licenciement ne pouvait intervenir avant le retrait de l'agrément, de la violation des dispositions de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense et de la violation des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail ou du principe dont elles s'inspirent doivent être écartés par adoption des motifs du jugement attaqué, qui y a exactement répondu.
8. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que les faits sur le fondement desquels a été prise cette décision ne sont pas établis ou ne sont pas de nature à justifier une sanction doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.
9. En dernier lieu, Mme F... ne peut utilement soutenir que la décision contestée a été prise sans consultation préalable de la commission administrative paritaire dès lors que cette formalité n'est prévue par les dispositions qu'elle invoque de l'article 36-1 du décret visé ci-dessus du 15 janvier 1988 que dans leur rédaction résultant du décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015, en vigueur depuis le 1er janvier 2016.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Les décisions contestées n'étant, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, pas illégales, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité du département est engagée à son égard à raison de leur édiction. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée sur ce point par le défendeur, que les conclusions de Mme F... tendant à la condamnation du département du Gard à l'indemniser des préjudices qui ont résulté de son licenciement et du retrait de son agrément doivent être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Gard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le département à ce même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Gard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme G..., présidente assesseure,
- M. C..., conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.
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N° 17MA04621