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03/12/2019 | FRANCE | N°18MA02350

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18MA02350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me A... C..., agissant en qualité de E... de la société à responsabilité limitée (SARL) PRO-ECO, a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer le remboursement immédiat du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à hauteur de la somme de 1 062 euros au titre de l'année 2013 et de celle de 14 251 euros au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1501626 du 19 mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2018 et le 16 novembre 2018, Me C..., ag...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me A... C..., agissant en qualité de E... de la société à responsabilité limitée (SARL) PRO-ECO, a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer le remboursement immédiat du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à hauteur de la somme de 1 062 euros au titre de l'année 2013 et de celle de 14 251 euros au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1501626 du 19 mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2018 et le 16 novembre 2018, Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 mars 2018 ;

2°) de prononcer le remboursement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à hauteur de la somme de 1 062 euros au titre de l'année 2013 et de celle de 14 251 euros au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dans le cas d'entreprises en difficulté, le dispositif fiscal de restitution du CICE n'impose pas son imputation sur l'impôt dû ;

- l'article L. 622-7 du code de commerce, applicable en cas de procédure de sauvegarde ouverte pour une entreprise en difficulté, interdit de payer toute créance antérieure, sauf compensation de dettes connexes ;

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013, la créance fiscale produite à titre provisionnel par l'administration fiscale n'a pas été convertie dans le délai imparti qui expirait le 28 février 2016 ;

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014, l'administration devra justifier de l'authentification de sa créance à titre définitif ;

- la désignation d'un liquidateur pour la SARL PRO-ECO suffit à satisfaire aux conditions des doctrines administratives portant les références BOI-BIC-RICI-10-150-30-10 et BOI-IS-DECLA-20-10.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 octobre 2018 et le 11 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 9 751 euros, restituée immédiatement par l'administration par décision du 19 septembre 2019, correspondant à la fraction du CICE au titre de l'année 2014 excédant la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL PRO-ECO a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014.

Par ordonnance du 12 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2019.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2019, Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, représentée par Me D..., a notamment présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL PRO-ECO, qui exerçait depuis le 18 février 2013 une activité d'entreprise générale du bâtiment, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 19 décembre 2014. En sa qualité de liquidateur de la société, Me C... a déposé, auprès du service des impôts, le 22 février 2015, des déclarations de CICE de montants, non contestés, de 1 062 euros et de 14 251 euros au titre des années respectivement 2013 et 2014. Elle fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant au remboursement immédiat du CICE au titre des années 2013 et 2014.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 19 septembre 2019, postérieure à l'enregistrement de la requête d'appel de Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, l'administration fiscale a accordé la restitution immédiate de la somme de 9 751 euros correspondant à la fraction du CICE au titre de l'année 2014 excédant la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL PRO-ECO a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement immédiat du CICE au titre de l'année 2014 en tant qu'elle excède la somme de 4 500 euros.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 244 quater C du code général des impôts, applicable au présent litige : " I. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de la compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement (...) ". L'article 199 ter C du même code dispose que : " I. Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période (...) II. La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursée lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : (...) 4° Les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation ou de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Ces entreprises peuvent demander le remboursement de créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures ". Ainsi, les entreprises peuvent imputer le CICE sur l'impôt qu'elles doivent. L'excédent éventuel de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant qui est utilisée pour le paiement de l'impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, la fraction le cas échéant non utilisée étant remboursée à l'expiration de cette période. Certaines catégories d'entreprises, notamment celles en liquidation judiciaire, peuvent bénéficier d'un remboursement immédiat de l'excédent de crédit d'impôt.

4. En premier lieu, il ne résulte pas de ces dispositions qu'une entreprise faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire pourrait bénéficier, même en l'absence d'excédent de crédit d'impôt, d'un remboursement de ce crédit. En l'espèce, la cotisation d'impôt sur les sociétés de la SARL PRO-ECO au titre de l'exercice clos en 2013 s'élève en droits au montant non contesté de 4 500 euros. Le montant du CICE au titre de cette année s'élevant à 1 062 euros et étant entièrement imputable sur cette cotisation, il n'y a aucun excédent de crédit d'impôt.

5. La cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 s'élève au même montant non contesté. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'administration a procédé au remboursement de la somme de 9 751 euros correspondant à l'excédent de CICE sur cette cotisation. Par suite, en l'absence de tout excédent, Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, n'est pas fondée à demander le remboursement immédiat de la somme de 4 500 euros qui, en tout état de cause, est imputable sur la cotisation d'impôt sur les sociétés.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce : " I. Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes (...) ". Ces dispositions imposent à tout créancier de suivre les règles relatives à la procédure judiciaire applicable au recouvrement des créances pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues. Elles ne font cependant pas obstacle à ce que le juge de l'impôt statue sur les litiges qui opposent des entreprises à l'administration sur le principe et l'étendue des droits que celle-ci détient, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de la créance. En l'espèce, ni les dispositions précédemment citées du code général des impôts ni celles du code de commerce ne font obligation à l'administration de rembourser immédiatement le montant du CICE dont bénéficie une société pour laquelle une procédure de liquidation judiciaire est mise en oeuvre, même lorsqu'il n'excèderait pas le montant de l'impôt sur les sociétés qu'elle doit.

7. En troisième lieu, en indiquant d'une part, que " la créance fiscale produite (...) à titre provisionnel " par l'administration fiscale " n'a pas été convertie dans le délai imparti qui expirait le 28 février 2016 " et ainsi " le CICE " au titre de l'année " 2013 doit être remboursé " et, d'autre part, que l'administration n'a pas justifié " l'authentification de sa créance " concernant l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014, Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, n'assortit pas ses moyens de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée. En tout état de cause, la requérante ne peut utilement se prévaloir devant la juridiction administrative de l'impossibilité pour l'administration fiscale de justifier d'une créance certaine du fait de l'existence de la procédure de liquidation judiciaire, un tel moyen ayant trait à la mise en oeuvre des règles propres à une telle procédure.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

9. La décision refusant de rembourser un crédit d'impôt ne constitue pas un rehaussement au sens de ces dispositions. Il en résulte que Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser à Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, tendant au remboursement du CICE au titre de l'année 2014 en tant qu'elles excèdent la somme de 4 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Me C..., agissant en qualité de E... de la SARL PRO-ECO, est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... C..., agissant en qualité de E... de la société à responsabilité limitée PRO-ECO, et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. B..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.

6

N° 18MA02350

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02350
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales) - Absence.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Établissement de l'impôt.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : GUILBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-03;18ma02350 ?
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