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02/12/2019 | FRANCE | N°19MA01346

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 02 décembre 2019, 19MA01346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1900186 du 25 février 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mars

2019 et le 10 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1900186 du 25 février 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mars 2019 et le 10 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre aux services préfectoraux, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, insuffisamment motivé, méconnaît l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet, en se fondant sur les seules dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre à son encontre la mesure d'éloignement contestée, sans même préciser l'alinéa dont il a fait application et sans indiquer les éléments factuels relatifs à sa situation personnelle, familiale et économique, n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de celle-ci ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il intervient pendant l'exécution de sa condamnation pénale et sa condition de détenu ne constitue pas une menace actuelle, réelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ;

- il n'est pas justifié du caractère actuel, réel et suffisamment grave de ses agissements pour un intérêt fondamental de la société ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale dès lors qu'il avait acquis, en vertu de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un droit au séjour permanent ;

- cette mesure d'éloignement porte une atteinte effective et disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale reconnu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2019 le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E..., rapporteure,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 21 décembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. C..., ressortissant allemand né le 19 février 1971, à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. C... relève appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) ". Selon l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociales ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ".

3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions des articles L. 121-1 et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne, après avoir rappelé la condamnation à une peine de prison de trois ans dont dix-huit mois avec sursis prononcée à son encontre le 21 février 2017 pour des faits d'agression sexuelle par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, que M. C... ne justifie ni exercer une activité professionnelle, ni rechercher un emploi ni disposer de ressources suffisantes. Ces motifs, qui, d'une part, s'abstiennent de caractériser les faits délictueux commis par M. C... au regard des nécessités de l'ordre public ou de la sécurité publique telles qu'elles doivent être appréciées en vertu du 3° de l'article L. 511-3-1 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, imposant le constat d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, et qui, d'autre part, se réfèrent à la situation professionnelle de l'intéressé et à ses ressources, paraissant ainsi se référer au 1° du même article, ne déterminent pas clairement de fondement juridique de la mesure d'éloignement litigieuse et ne satisfont donc pas à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions précitées. En outre, la mention selon laquelle M. C... n'exerce pas d'activité professionnelle et ne dispose d'aucune ressource, alors que le requérant dirige plusieurs sociétés, révèle un défaut d'examen attentif de la situation de l'intéressé.

4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le juge de première instance a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 décembre 2018. Il est fondé, par suite, à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté en toutes dispositions.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'implique pas, eu égard aux motifs d'annulation ci-dessus énoncés et alors qu'aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible d'entraîner la censure de la décision en litige, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900186 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 25 février 2019 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 décembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur près le tribunal de grande instance de Marseille.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme D... E..., présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.

2

N° 19MA01346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01346
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BASS MAZON ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-02;19ma01346 ?
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