Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Royal Navy a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013.
Par un jugement n° 1503710 du 18 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2018 et des mémoires enregistrés, les 21 décembre 2018 et 6 février 2019, la SARL Royal Navy, représentée par la SELARL SAJEF Avocats agissant par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, majorations et intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.
Elle soutient que :
- le débat oral et contradictoire n'a pas été respecté lors des opérations de vérification de sa comptabilité, la vérificatrice n'ayant pas tenu compte de ses observations ;
- c'est à tort que la vérificatrice a considéré que la lettre qu'elle lui a envoyée le 24 octobre 2014 devait être regardée comme une réclamation alors qu'il s'agissait des observations présentées en réponse à la proposition de rectification ; la doctrine administrative (Bofip BOI-CF-IOR-10-50 n° 400 du 4 février 2015) a expressément indiqué qu'il convenait pour l'administration de tenir compte des observations présentées par les contribuables même lorsqu'elles lui parviennent au-delà du délai prévu par les dispositions de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, d'autant plus lorsque ces observations ont trait au bien-fondé des impositions ;
- en lui proposant un nouveau contrôle sur place le 7 janvier 2015, l'administration a implicitement repris les opérations de contrôle, après la mise en recouvrement des impositions, ce qui était impossible au regard des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
- ainsi que les pièces produites aux débats l'établissent, les discordances de taxe sur la valeur ajoutée collectée proviennent de ce que, sur la période litigieuse, elle a réalisé des opérations à l'export avec des sociétés assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, qui ne sont pas soumises à cette taxe ; elle se prévaut à cet égard de l'application de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-20-10 n°10.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL Royal Navy.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Royal Navy ne sont pas fondés.
Par lettre du 21 octobre 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins de décharge des majorations, lesquelles sont inexistantes, seuls des intérêts de retard ayant été mis à la charge de la société appelante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me A... B... pour la SARL Royal Navy.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, la SARL Royal Navy, qui exerce une activité d'achat-revente de vêtements et autres accessoires de prêt-à-porter, a fait l'objet, selon la procédure contradictoire, d'une proposition de rectification du 26 août 2014 par laquelle il lui a été réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante. Par un jugement du 18 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge. La SARL Royal Navy relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des majorations :
2. Si la SARL Royal Navy demande à la Cour la décharge de " majorations ", il résulte cependant de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige portent sur la somme de 19 484 euros en droits et celle de 1 665 euros en intérêts de retard. Dès lors qu'aucune majoration n'assortit ces rappels, les conclusions aux fins de décharge présentées à ce titre par la société appelante sont, ainsi que la Cour en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, irrecevables.
Sur les autres conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de procédure :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ". Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
4. Au soutien de son moyen tiré de ce qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification de comptabilité, la SARL Royal Navy ne fait valoir, devant la Cour, aucun élément nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges au point 3 du jugement n° 1503710 contesté.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales que si l'administration est tenue de répondre aux observations du contribuable présentées dans le délai de trente jours imparti par la proposition de rectification à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, elle n'est toutefois pas tenue de répondre à des observations présentées postérieurement par le contribuable.
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. (...) ". Aux termes de l'article R. 197-3 du même livre : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : (...) / d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d. (...) ".
7. La SARL Royal Navy soutient que c'est à tort que l'administration a interprété sa lettre du 24 octobre 2014 comme une réclamation préalable, alors qu'elle devait être regardée comme ses observations sur la proposition de rectification du 26 août 2014.
8. Il résulte de l'instruction que cette proposition de rectification a été notifiée à la société vérifiée le 28 août 2014, et que la lettre du 24 octobre 2014 vise bien, en s'adressant à la vérificatrice, " votre proposition de rectification " et indique en préambule : " Madame, nous revenons vers vous en réponse à votre proposition de rectification en objet ". Une réponse à une notification de proposition de rectification, laquelle était présentée avant même la mise en recouvrement des impositions litigieuses, ne saurait être regardée comme une réclamation au sens des dispositions précitées des articles R. 190-1 et suivants du livre des procédures fiscales. Cependant, ce courrier a été reçu par l'administration le 3 novembre 2014, soit au-delà du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales dont cette société disposait pour présenter des observations sur la proposition de rectification. La société Royal Navy est ainsi réputée avoir tacitement accepté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés et l'administration n'était alors pas tenue, ainsi qu'il a été rappelé au point 5, de répondre aux observations de la société contribuable qui ont été présentées tardivement. Par suite, la SARL Royal Navy n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière dès lors que l'administration n'aurait pas répondu à ses observations dans les conditions mentionnées à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales.
9. Par ailleurs, la société Royal Navy ne peut se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-50-20160706 n° 400, recommandant au service de se montrer compréhensif envers les contribuables justifiant avoir été, en raison d'un empêchement caractérisé, dans l'impossibilité de donner suite dans le délai imparti aux propositions de rectification qui leur ont été adressées et de tenir compte éventuellement d'observations présentées tardivement si elles sont de nature, au regard d'une instance ultérieure, à mettre en cause le bien-fondé des impositions, dès lors que cette doctrine concerne la procédure d'imposition et ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (...) ".
11. La société appelante soutient qu'en lui proposant un nouveau contrôle sur place le 7 janvier 2015, l'administration a implicitement repris les opérations de contrôle. Il résulte en effet de l'instruction que l'administration, dans le cadre de l'instruction des observations que la société a présentée le 24 octobre 2014, a proposé à cette dernière d'examiner sa comptabilité au vu des arguments nouveaux avancés qui n'étaient assortis d'aucun justificatif. Cependant, la circonstance que la vérificatrice ait, après l'établissement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à l'issue d'une vérification de comptabilité, procédé à un nouvel examen des documents comptables de la société concernée n'entache pas la procédure d'irrégularité dès lors que cette intervention n'a été entreprise que pour permettre à la contribuable de faire valoir utilement ses prétentions et n'a donné lieu à aucun rehaussement. Par suite, un tel moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
12. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque (...) s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Ainsi qu'il a été exposé au point 8, il est constant que la SARL Royal Navy n'a pas formulé d'observations à la proposition de rectification qui lui a été notifiée le 26 août 2014 dans les délais requis par les dispositions précitées. Par suite, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés.
13. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 259 de ce code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; (...) ". Aux termes de l'article 262 ter du même code : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. (...) ". Aux termes de l'article 263 dudit code : " Les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'ils interviennent dans des opérations exonérées par l'article 262 ainsi que dans les opérations réalisées hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ".
14. Pour procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée, le service vérificateur a constaté, au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013 , des insuffisances de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée en rapprochant les montants de recettes professionnelles mentionnés hors taxes sur les déclarations CA-3 que la société a déposées sur ces exercices, les opérations qu'elle a inscrites en comptabilité sur ces exercices, les sommes qui ont été créditées sur ses comptes bancaires professionnels correspondant à ses recettes professionnelles ainsi que les pièces justificatives qu'elle a présentées au cours des opérations de contrôle.
15. S'agissant des ventes de costumes effectuées auprès de la société " Fraperac de S. L. " dont le siège social se situe à Barcelone, en Espagne, elle fournit à l'appui de ses allégations une facture du 24 juin 2011 pour un montant de 19 640 euros établie au nom de la société précitée, laquelle a déjà été produite en première instance. S'agissant des prestations de services de stylisme qu'elle réaliserait pour la société " Iniziative Moda Italiana " qui a son siège social à Bologne, en Italie, l'appelante produit une liste de clients, non datée et dont l'émetteur est inconnu, qui, selon ses dires, commercialiseraient la ligne de vêtements dessinée par son gérant et une lettre datée de septembre 2006 rédigée en italien et non traduite, lesquels ont déjà été produits en première instance, ainsi que pour la première fois en appel, des exemples de dessin de stylisme réalisés au profit de la société italienne et des extraits de comptes bancaires qui justifieraient selon elle de nombreux déplacements nécessaires en Italie pour la réalisation de ces prestations de services. Toutefois, ces seuls éléments ne permettent aucunement de démontrer que les montants de taxe sur la valeur ajoutée omis correspondraient à des opérations exonérées sur le fondement des articles 262 ter et 263 du code général des impôts, en l'absence de recoupements entre les montants mentionnés sur les factures produites et les opérations portées en comptabilité ou les sommes créditées sur les comptes bancaires professionnels de la société. Enfin, si la SARL Royal Navy fournit également pour la première fois en appel une attestation établie le 5 décembre 2018 par la société italienne précitée de nature à établir, selon ses dires, qu'elle aurait autoliquidé la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à deux factures de prestations de services émises en juillet 2013 et décembre 2014, ces dernières sont en toutes hypothèses postérieures à la période au titre de laquelle les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge. Par suite, la SARL Royal Navy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée qu'elle a omis de déclarer au titre la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013.
16. Enfin, la société Royal Navy ne peut se prévaloir de la doctrine fiscale référencée BOI-TVA-CHAMP-30-20-10 n°10 dès lors qu'elle ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Royal Navy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige seront rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Royal Navy est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Royal Navy et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, où siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
N°18MA04240 2