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18/11/2019 | FRANCE | N°19MA01499

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 18 novembre 2019, 19MA01499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer sans délai un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L

. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Par un jugement n° 18047...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer sans délai un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1804746 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2019, Mme D... veuve B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'ordonner le réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de séjour :

- le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où il ne répond ni au moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa demande ni au moyen tiré de l'erreur de droit et de fait commises par le préfet en lui opposant l'absence de visa long séjour ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se dispensant d'examiner les problèmes de santé dont ses enfants sont atteints ;

- l'arrêté attaqué se fonde sur des avis défavorables du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration des 11 et 30 août 2017 entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de ses attaches privées et familiales en France, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est à cet égard entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur de fait en lui opposant un défaut de visa long séjour dès lors que, d'une part, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, qu'un visa de régularisation a été apposé sur son passeport ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de la violation de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;

- elle méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... veuve B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2019.

Mme D... veuve B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E... F..., rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Entrée pour la première fois en France, selon ses déclarations, le 8 août 2015, accompagnée de ses trois enfants mineurs, Mme D... veuve B..., ressortissante marocaine née le 21 avril 1973, a sollicité, le 12 mai 2017, le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée en tant que parent d'enfants malades. Le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans délai de trente jours par un arrêté en date du 6 septembre 2017, qu'elle n'a pas contesté mais qui est demeuré inexécuté. Le 17 avril 2018, Mme D... veuve B... a sollicité une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 2 juillet 2018, le préfet de l'Hérault lui en a refusé la délivrance et l'a de nouveau obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme D... veuve B... relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Contrairement à ce qui est allégué, le tribunal a répondu, par des énonciations suffisamment motivées, tant aux moyens, visant le refus de titre de séjour, tirés du défaut d'examen réel et sérieux de sa demande, y compris au regard de la situation de ses enfants, et des erreurs de droit et de fait que le préfet aurait commise en lui opposant l'absence de visa long séjour, qu'au moyen, visant l'obligation de quitter le territoire français, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le jugement attaqué n'est donc à ces titres entaché d'aucune irrégularité.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, il ressort de la lecture de la décision contestée, et notamment de ses trois premiers " considérants ", que, contrairement à ce qui est allégué, le préfet de l'Hérault ne s'est pas dispensé d'examiner et de prendre en compte les problèmes de santé dont souffrent deux des enfants de Mme D... veuve B... avant d'opposer un refus à sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

5. En deuxième lieu, il ne résulte pas des termes de l'arrêté critiqué, qui se borne à mentionner surabondamment que Mme D... veuve B... est entrée en France sans visa de long séjour, que le préfet aurait entendu opposer cette circonstance pour rejeter sa demande d'admission au séjour fondée sur sa vie privée et familiale. Le préfet n'a donc commis à cet égard aucune erreur de droit et l'erreur de fait affectant cette mention, à la supposer établie, demeure en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. " et selon l'article R. 313-23 du même code, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. ". Il résulte de ces dispositions que la convocation à l'examen médical par le médecin de l'office est une simple faculté et non une obligation. Mme D... veuve B..., qui soutient ne pas avoir reçu les convocations en vue de soumettre ses enfants malades à l'examen médical prévu par l'article R. 313-23 précité, n'allègue pas avoir sollicité une nouvelle convocation en vue d'un tel examen ni avoir transmis des pièces complémentaires au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachés les avis de ce collège des 11 et 30 août 2017 doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Les certificats médicaux des 2 et 25 août 2018 ainsi que ceux des 23 et 29 octobre 2018 dont se prévaut Mme D... veuve B... ne permettent pas de remettre en cause les avis mentionnés ci-dessus du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lesquels, d'une part, son fils Maroine peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, d'autre part, le défaut de prise en charge médicale n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa fille Ritaje et, enfin, ces deux enfants peuvent voyager sans risque vers leur pays d'origine. Par ailleurs, la requérante n'établit pas, par les pièces versées aux débats, être dépourvue de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine, où réside toujours sa mère, où elle a elle-même vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-deux ans et où sont nés et ont été scolarisés ses enfants avant leur arrivée en France. Elle n'établit pas davantage l'impossibilité pour ses enfants de poursuivre leur scolarité au Maroc. De même, elle ne justifie d'aucune insertion socioprofessionnelle notable en France. Dans ces circonstances, et comme l'énonce à bon droit le jugement attaqué, le refus de titre de séjour critiqué ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive aux intérêts privés et familiaux de la requérante et comme méconnaissant ainsi les stipulations et dispositions des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D... veuve B....

9. En cinquième lieu, Mme D... veuve B..., eu égard aux éléments retracés au point précédent, n'expose aucun motif exceptionnel ni aucune considération humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvant justifier, sur ce fondement, le bénéfice d'une mesure de régularisation. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis à ce titre une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Hérault, qui, contrairement à ce qui est soutenu, a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme D... veuve B... avant de prendre à son encontre la mesure d'éloignement contestée, aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, méconnu l'existence d'un droit au séjour fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° et commis une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

11. En deuxième lieu, Mme D... veuve B... n'invoque aucune circonstance susceptible de faire obstacle à ce que ses enfants scolarisés en France puissent poursuivre leur scolarité au Maroc. De même, s'agissant des pathologies de son fils Maroine et de sa fille Ritaje, la décision contestée n'est pas de nature, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 8, à porter atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précisés au point 8, l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prohibant l'éloignement de l'étranger dont l'état de santé requiert une prise en charge médicale à défaut de laquelle il serait exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut lui être effectivement procurée dans le pays de renvoi, n'a pas été méconnu.

13. Il résulte de ce tout qui précède que Mme D... veuve B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 décembre 2018 et de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juillet 2018. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées pour le compte son conseil, Me C..., au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... veuve B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... veuve B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme E... F..., présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.

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N° 19MA01499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01499
Date de la décision : 18/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-18;19ma01499 ?
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