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29/10/2019 | FRANCE | N°18MA03550

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 29 octobre 2019, 18MA03550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et Marie-Thérèse A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701265 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 225 657 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années

2012 et 2013 et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et Marie-Thérèse A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701265 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 225 657 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013 et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2018, le 17 mai 2019 et le 17 juin 2019, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014 restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 sans motiver son jugement ;

- le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la désignation d'un expert afin d'examiner la comptabilité sans motiver son jugement ;

- le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur les moyens tirés de l'absence de motivation par l'administration de son refus de prendre en compte l'ensemble des frais généraux et la taxe sur la valeur ajoutée déductible et de l'incohérence existant en raison d'un résultat reconstitué supérieur en 2014 par rapport à l'omission de recettes évaluée d'office ;

- ils ont droit à la désignation d'un expert afin de procéder à une analyse des écritures comptables ;

- ils ont droit à la décharge des contributions supplémentaires en litige par les moyens qu'ils ont soulevés en première instance par les écritures et pièces qu'ils ont alors présentées ;

- les cotisations supplémentaires maintenues au titre de l'année 2013 sont fondées sur des hypothèses d'achats auprès de petits producteurs non établis et un coefficient de marge excessif ;

- l'administration n'a jamais communiqué les pièces constituant les contrats de transports de marchandise par la route (CMR) qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui auraient permis de constater l'insuffisance d'achats d'agrumes au titre de l'année 2013 ;

- l'administration a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en n'indiquant pas les motifs pour lesquels elle ne retenait pas l'ensemble des charges pour l'année 2014 ;

- les cotisations supplémentaires maintenues au titre de l'année 2014 sont fondées sur des calculs incohérents de la part de l'administration.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 décembre 2018 et le 29 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... exerce, depuis 2012, l'activité commerciale de vente de fruits, légumes et autres produits d'origine espagnole et l'administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. M. et Mme A... ont également fait l'objet d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle à la suite duquel l'administration leur a notifié des rectifications des cotisations d'impôt sur le revenu au titre notamment des années 2012 et 2013. En cours d'instance devant le tribunal administratif de Montpellier, l'administration fiscale, réexaminant la reconstitution de chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2013, a notamment prononcé un dégrèvement en droits et pénalités correspondant à un bénéfice industriel et commercial au titre de l'année 2013 d'un montant de 110 778 euros au lieu de 324 197 euros. M. et Mme A... font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires au titre des années 2013 et 2014 restant en litige à la suite de ces dégrèvements.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, le tribunal administratif de Montpellier, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties et qui a indiqué aux points 8 et 9 du jugement attaqué que la comptabilité de l'activité de Mme A... n'était pas probante, a indiqué de manière suffisante, au point 15 du jugement attaqué, les motifs pour lesquels il estimait devoir écarter les moyens tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014. En outre, en mentionnant ainsi les motifs pour lesquels les moyens soulevés par les requérants lui paraissaient devoir être écartés, les premiers juges ont nécessairement indiqué que l'instruction leur permettait de se prononcer sur la demande de décharge dont ils étaient saisis et qu'une expertise ne présentait donc pas de caractère utile. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le rejet, au point 15 du jugement attaqué, de leur demande tendant à la désignation d'un expert serait insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. En l'espèce, M. et Mme A... se limitent à renvoyer, sans les détailler, aux moyens contenus dans leurs deux mémoires de première instance qu'ils joignent en production. En outre, le dégrèvement intervenu au cours de la première instance, entre le premier et le second mémoire de la requérante, a modifié le litige. Par suite, M. et Mme A... ne fournissent pas les précisions indispensables à l'appréciation du bien-fondé de tels moyens. Ils ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 :

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales prévoient que le contribuable a la faculté de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires lorsque le désaccord porte sur le montant du résultat industriel et commercial de l'entreprise.

5. En l'espèce, l'administration, après avoir évalué au cours de la procédure d'imposition le chiffre d'affaires de l'année 2013 à partir de celui de l'année 2014, a estimé au cours de l'instance devant le tribunal administratif qu'elle devait procéder à une nouvelle reconstitution s'appuyant sur les conditions de l'exploitation de l'année 2013. Cependant, elle n'a jamais communiqué à M. et Mme A... les contrats de transports de marchandise par la route (CMR) qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui ont permis, au cours de la première instance, de reconstituer à nouveau le chiffre d'affaires de l'année 2013. Elle ne les a pas informés avant la mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire, notamment dans la proposition de rectification du 21 septembre 2015 prise sur le fondement de l'article L. 57 du même livre, de l'utilisation de tels contrats qui fondent cette nouvelle évaluation du chiffre d'affaires. Il ne résulte pas de l'examen des écritures produites en défense tant devant le tribunal administratif que devant la Cour administrative d'appel de Marseille que les requérants aient été informés avec une précision suffisante de l'origine et de la teneur de ces documents. En outre, les requérants ont été privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, s'agissant d'une question de fait entrant dans sa compétence. Par suite, la procédure, en tant qu'elle concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 correspondant à la rectification des bénéfices industriels et commerciaux qui résulte de cette reconstitution, est irrégulière et M. et Mme A... ont été privés d'une garantie. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs à cette cotisation, ils sont donc fondés à en demander la décharge.

En ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 :

6. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable en cas de procédure de redressement contradictoire : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". D'autre part, l'article L. 73 du même livre dispose que : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales (...) lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ".

7. En l'espèce, Mme A... n'a déposé aucune déclaration de résultat pour l'année 2014, malgré l'envoi d'une mise en demeure du 1er juin 2015. L'administration a donc à bon droit évalué d'office le bénéfice imposable. Par suite, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales qui n'est pas applicable aux procédures d'imposition d'office. En tout état de cause, conformément à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification du 21 septembre 2015 comporte l'indication des éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination.

8. En deuxième lieu, M. et Mme A... n'ont pas demandé, avant la mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire contestée, la communication des documents de transport obtenus par l'administration. De telles pièces ayant été mentionnées dans la proposition de rectification qui leur a été adressée s'agissant de la reconstitution de chiffre d'affaires au titre de l'année 2014, ils ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.

9. En troisième lieu, l'article L. 193 du même livre dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". L'administration ayant à bon droit, pour les motifs déjà mentionnés aux points 5 et 6, évalué d'office le bénéfice imposable au titre de l'année 2014, il appartient à M. et Mme A... d'établir le caractère exagéré des droits dont ils demandent la décharge ou la réduction.

10. Pour rejeter la comptabilité de l'activité de Mme A..., l'agent vérificateur s'est fondé sur des achats non comptabilisés de marchandises et sur l'absence des livres journaux détaillant les recettes réalisées qui étaient globalisés en fin de journée sans justificatif. De telles irrégularités justifient, par leur importance et leur gravité, le rejet de la comptabilité.

11. En tout état de cause, les pièces comptables produites ne sont pas probantes pour les motifs mentionnés au point précédent et n'établissent pas que le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible serait supérieur à celui retenu par l'administration.

12. En outre, pour reconstituer les recettes tirées des ventes d'agrumes, le vérificateur a évalué les quantités d'agrumes acquises par Mme A... en 2014 auprès de fournisseurs espagnols à partir de quelques factures qui lui ont été communiquées au cours de la vérification et de documents de transport obtenus dans le cadre de l'exercice du droit de communication et de l'assistance fiscale internationale auprès des autorités espagnoles. Il a ensuite appliqué le prix de vente constaté sur les sites de Carcassonne et de Limoux (Aude). Il a ainsi déterminé le prix d'achat et un coefficient de marge. En se limitant à indiquer, de manière générale, que la rectification est arbitraire, marquée par un préjugé à leur encontre, M. et Mme A... n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. En outre, la circonstance qu'ils n'ont pas eu connaissance de la totalité des documents de transport obtenus par l'administration, dont ils n'ont d'ailleurs pas demandé la communication avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, n'est pas à elle-seule de nature à faire regarder les impositions en litige comme étant exagérées. Enfin, s'agissant des " incohérences " rapidement indiquées par les requérants, il convient de noter que le montant de 1 104 615 euros pour le chiffre d'affaires pour l'année 2014 est celui que Mme A... a présenté au vérificateur le 26 juin 2015 à la fin du contrôle et que celui du résultat imposable a été majoré de 25 % en application du 1° du 7 de l'article 158, Mme A... n'étant pas adhérente d'un centre de gestion ou association agréés.

13. Par suite, M. et Mme A... n'établissent pas le caractère exagéré de la cotisation supplémentaire au titre de l'année 2014 à laquelle ils ont été assujettis.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne leur a pas accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 correspondant à la rectification des bénéfices industriels et commerciaux qui résulte de la reconstitution du chiffre d'affaires, et des pénalités correspondantes. L'état de l'instruction ayant permis de statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par M. et Mme A..., une expertise ne présenterait pas de caractère utile. Il n'y a donc pas lieu de désigner avant-dire droit un expert sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser à M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il est accordé à M. et Mme A... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 correspondant à la rectification des bénéfices industriels et commerciaux, et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. B..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

7

N° 18MA03550

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03550
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise - Caractère frustratoire.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : PELLEGRINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-29;18ma03550 ?
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