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29/10/2019 | FRANCE | N°18MA03549

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 29 octobre 2019, 18MA03549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et de l'amende de 5 000 euros prévue à l'article 1729 D du code général des impôts au titre de l'année 2012 et de l'année 2014.

Par un jugement n° 1800315 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurre

nce de la somme de 46 641 euros en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur aj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et de l'amende de 5 000 euros prévue à l'article 1729 D du code général des impôts au titre de l'année 2012 et de l'année 2014.

Par un jugement n° 1800315 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 46 641 euros en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et de la somme de 5 000 euros correspondant à l'amende au titre de l'année 2012 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2018, le 17 mai 2019 et le 17 juin 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 restant en litige à la suite des dégrèvements prononcés au cours de la première instance et de l'amende de 5 000 euros prévue à l'article 1729 D du code général des impôts au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 sans motiver son jugement ;

- le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la désignation d'un expert afin d'examiner la comptabilité sans motiver son jugement ;

- le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur les moyens tirés de l'absence de motivation par l'administration de son refus de prendre en compte l'ensemble des frais généraux et la taxe sur la valeur ajoutée déductible et de l'incohérence existant en raison d'un résultat reconstitué supérieur en 2014 par rapport à l'omission de recettes évaluée d'office ;

- s'agissant de l'amende de 5 000 euros, le tribunal administratif a omis de statuer sur le vice de forme qu'elle a soulevé ;

- elle a droit à la désignation d'un expert afin de procéder à une analyse des écritures comptables de l'activité ;

- elle a droit à la décharge des rappels en litige par les moyens qu'elle a soulevés en première instance par les écritures et pièces qu'elle a alors présentées ;

- les rappels maintenus de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 sont fondés sur des hypothèses d'achats auprès de petits producteurs non établis et un coefficient de marge excessif ;

- l'administration n'a jamais communiqué les pièces constituant les contrats de transports de marchandise par la route (CMR) qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui auraient permis de constater l'insuffisance d'achats d'agrumes au titre de l'année 2013 ;

- les rappels maintenus de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 sont infondés, le montant de la taxe déductible étant supérieur à celui retenu arbitrairement par l'administration.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 décembre 2018 et le 29 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il a prononcé des remises le 20 juillet 2018 de montants de 982 euros et de 1 669 euros pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre, respectivement, de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et d'un montant de 5 000 euros correspondant à l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts au titre de l'année 2014 ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête à hauteur de la remise, prononcé le 20 juillet 2018, des sommes de 982 euros et 1 669 euros correspondant aux montants des intérêts moratoires sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre, respectivement, de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de la somme de 5 000 euros correspondant à l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts due au titre de l'année 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce, depuis 2012, l'activité commerciale de vente de fruits, légumes et autres produits d'origine espagnole qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. L'administration a notifié à Mme B... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur l'ensemble de la période ainsi qu'une amende de 5 000 euros appliquée tant à l'année 2012 qu'à l'année 2014. En cours d'instance devant le tribunal administratif de Montpellier, l'administration fiscale a abandonné les rappels et amende au titre de l'année 2012 et, réexaminant la reconstitution de chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2013, a également prononcé un dégrèvement en droits et pénalités d'un montant de 42 991 euros portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels et amende restant en litige à la suite de ces dégrèvements.

I. Recevabilité de la requête :

2. A la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Mme B..., l'administration a prononcé, le 20 juillet 2018, en application de l'article 1756 du code général des impôts, la remise des sommes de 982 euros et 1 669 euros correspondant aux montants des intérêts moratoires sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre, respectivement, de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de la somme de 5 000 euros correspondant à l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts due au titre de l'année 2014. Les conclusions de Mme B... tendant à la décharge de telles sommes, dépourvues d'objet lors de l'enregistrement de la présente requête, sont donc irrecevables.

II. Bien-fondé de la requête :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, le tribunal administratif de Montpellier, en se limitant à indiquer, au point 13 du jugement attaqué, que Mme B... a obtenu en cours d'instance un dégrèvement partiel " à hauteur de la somme qu'elle avait déclarée " n'a pas insuffisamment motivé son jugement, eu égard au caractère particulièrement succinct du moyen mentionné dans le mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 22 février 2018, après ce dégrèvement. En outre, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties et dès lors qu'il a indiqué, aux points 6 et 7 du jugement attaqué que la comptabilité de l'activité de la requérante n'était pas probante, a répondu de manière suffisante, au point 14 du jugement attaqué, aux moyens relatifs à l'inexactitude du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration au titre de l'exercice clos en 2014. Enfin, en mentionnant les motifs pour lesquels les moyens soulevés par la requérante lui paraissaient devoir être écartés, les premiers juges ont nécessairement indiqué que l'instruction leur permettait de se prononcer sur la demande de décharge dont ils étaient saisis et qu'une expertise ne présentait donc pas de caractère utile. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le rejet, au point 14 du jugement attaqué, de sa demande tendant à la désignation d'un expert serait insuffisamment motivé.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. Il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. En l'espèce, Mme B... se limite à renvoyer, sans les détailler, aux moyens contenus dans ses deux mémoires de première instance qu'elle joint en production. En outre, le dégrèvement intervenu au cours de la première instance, entre le premier et le second mémoire de la requérante, a modifié le litige. Par suite, Mme B... ne fournit pas les précisions indispensables à l'appréciation du bien-fondé de tels moyens. Ils ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 :

5. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". En l'espèce, l'administration, après avoir évalué au cours de la procédure d'imposition le chiffre d'affaires de l'année 2013 à partir de celui de l'année 2014, a estimé au cours de l'instance devant le tribunal administratif qu'elle devait procéder à une nouvelle reconstitution s'appuyant sur les conditions de l'exploitation de l'année 2013. Cependant, elle n'a jamais communiqué à Mme B... les contrats de transports de marchandise par la route (CMR) qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui ont permis, au cours de la première instance, de reconstituer à nouveau le chiffre d'affaires de l'année 2013. Elle ne l'a pas informée avant la mise en recouvrement des rappels, notamment dans la proposition de rectification du 21 septembre 2015 prise sur le fondement de l'article L. 76 du même livre, de l'utilisation de tels contrats qui fondent cette nouvelle évaluation du chiffre d'affaires. Il ne résulte pas de l'examen des écritures produites en défense tant devant le tribunal administratif que devant la Cour administrative d'appel de Marseille que la requérante ait été informée avec une précision suffisante de l'origine et de la teneur de ces documents. Par suite, la procédure, en tant qu'elle concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 résultant de cette reconstitution, est irrégulière et Mme B... a été privée d'une garantie. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs à ces rappels, elle est donc fondée à en demander la décharge.

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 :

6. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". L'article L. 193 du même livre dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

7. En l'espèce, Mme B... s'est abstenue de déposer dans le délai légal les déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires qu'elle était tenue de souscrire au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période selon la procédure de la taxation d'office et il lui appartient d'établir le caractère exagéré des droits dont elle demande la décharge ou la réduction.

8. Pour rejeter la comptabilité de l'activité de Mme B..., l'agent vérificateur s'est fondé sur des achats non comptabilisés de marchandises et sur l'absence des livres journaux détaillant les recettes réalisées qui étaient globalisés en fin de journée sans justificatif. De telles irrégularités justifient, par leur importance et leur gravité, le rejet de la comptabilité.

9. Les pièces comptables produites ne sont pas probantes pour les motifs mentionnés au point précédent et n'établissent que le montant de taxe déductible serait supérieur à celui retenu par l'administration.

10. En outre, pour reconstituer les recettes tirées des ventes d'agrumes, le vérificateur a évalué les quantités d'agrumes acquises par Mme B... en 2014 auprès de fournisseurs espagnols à partir de quelques factures qui lui ont été communiquées au cours de la vérification et de documents de transport obtenus dans le cadre de l'exercice du droit de communication et de l'assistance fiscale internationale auprès des autorités espagnoles. Il a ensuite appliqué le prix de vente constaté sur les sites de Carcassonne et de Limoux (Aude). Il a ainsi déterminé le prix d'achat et un coefficient de marge. En se limitant à indiquer, de manière générale, que la rectification est arbitraire, marquée par un préjugé à son encontre, Mme B... n'assortit pas ses moyens de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. En outre, la circonstance qu'elle n'a pas eu connaissance de la totalité des documents de transport obtenus par l'administration, dont elle n'a d'ailleurs pas demandé la communication avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, n'est pas à elle-seule de nature à faire regarder les impositions en litige comme étant exagérées.

11. Par suite, Mme B... n'établit pas le caractère exagéré des rappels au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires auxquels elle a été assujettie.

12. L'état de l'instruction permet de statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par Mme B.... Ainsi, une expertise ne présenterait pas de caractère utile. Il n'y a donc pas lieu de désigner avant-dire droit un expert sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne lui a pas accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013.

III. Frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il est accordé à Mme B... la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... épouse B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. C..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

7

N° 18MA03549

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03549
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise - Caractère frustratoire.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : PELLEGRINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-29;18ma03549 ?
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