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29/10/2019 | FRANCE | N°17MA03000

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 29 octobre 2019, 17MA03000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurocorse Voyages a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500532 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juillet 2017, le 2 décembre 2017,

le 16 juillet 2018 et le 24 août 2018, la société Eurocorse Voyages, représentée par Me B..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurocorse Voyages a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500532 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juillet 2017, le 2 décembre 2017, le 16 juillet 2018 et le 24 août 2018, la société Eurocorse Voyages, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 juin 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.

Elle soutient que :

- le jugement, entaché d'erreurs matérielles et d'erreurs de droit, est irrégulier ;

- elle a droit à la décharge demandée pour les moyens déjà présentés en première instance ;

- elle a droit à l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée dont la base d'imposition est constituée par la marge pour l'activité d'organisation de circuits touristiques ;

- elle a droit à l'application du taux réduit de 2,1 % de taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de transport de voyageurs ;

- lors d'une vérification de comptabilité, l'administration a admis l'application de ce taux réduit et de ce régime de taxe sur la valeur ajoutée pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ;

- une expertise comptable est, le cas échéant, nécessaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré des résultats de la seconde vérification de comptabilité est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par la société Eurocorse Voyages ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier, notamment les pièces produites le 6 juillet 2019 et le 7 juillet 2019.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eurocorse Voyages exerce une activité consistant, notamment, dans le transport de voyageurs et l'organisation de séjours touristiques. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, l'administration a notifié, selon la procédure contradictoire, divers rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. La société Eurocorse Voyages fait appel du jugement du 22 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. En se bornant à indiquer que le jugement du tribunal administratif de Bastia est irrégulier en raison d'erreurs matérielles et d'erreurs de droit, sans apporter d'autre indication, la société Eurocorse Voyages n'assortit pas ses moyens de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée. Il ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. En l'espèce, la société Eurocorse Voyages ni n'énonce les moyens soulevés en première instance auxquels elle entend se référer ni même ne joint ses écritures devant les premiers juges. Ainsi, elle ne fournit pas les précisions indispensables à l'appréciation du bien-fondé de tels moyens. Ils ne peuvent qu'être écartés.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 306 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les États membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis (...) ". L'article 307 de la même directive dispose que : " Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l'article 306, par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l'agence de voyages au voyageur (...) ". Aux termes de l'article 308 de la même directive : " Pour la prestation de services unique fournie par l'agence de voyages, est considérée comme base d'imposition et comme prix hors TVA, au sens de l'article 226, point 8), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou du tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) e) Pour les opérations d'entremises effectuées par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le prix effectif facturé à l'agence ou à l'organisateur par les entrepreneurs de transports, les hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent matériellement les services utilisés par le client (...) ".

6. Il résulte des articles 306 à 308 de la directive du 28 novembre 2006, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, que le régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée prévu pour les agences de voyages et pour les organisateurs de circuits touristiques s'applique aux opérateurs économiques qui, même s'ils ne bénéficient pas formellement de la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuits touristiques, organisent en leur nom propre une ou des prestations de services généralement attachées à la réalisation d'un voyage et qui, pour fournir ces prestations, recourent à des tiers assujettis. Ce régime d'imposition particulier, repris au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts, ne s'applique qu'aux prestations acquises par une agence de voyages auprès de tiers, et non aux prestations propres, qu'elle a elle-même matériellement exécutées, lesquelles relèvent des dispositions du a du 1 de ce même article.

7. Il résulte de l'instruction que la société Eurocorse Voyages vend des séjours touristiques comprenant tant des prestations propres que des prestations acquises auprès de tiers et que l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts en l'absence de décomposition du prix forfaitaire du séjour touristique payé par les clients de la société Eurocorse Voyages permettant de déterminer le coût des prestations qu'elle a acquises auprès de tiers et, par suite, la marge réalisée sur de telles prestations. Les pièces produites en appel, constituées principalement par des factures qu'elle a émises et ne comportant pas les factures qu'elle a réglées pour les prestations acquises auprès de tiers, ne permettent pas au juge de s'assurer du caractère exhaustif, contesté par l'administration, des factures présentées par la société notamment devant l'expert-comptable qui a effectué une étude à sa demande et de déterminer avec une précision suffisante la marge ainsi réalisée. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise qui, sur le fondement de telles pièces, ne présenterait pas un caractère utile, le moyen relatif au redressement tenant au rejet de l'application du régime prévue au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 279 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit (...) en ce qui concerne : (...) b quater) Les transports de voyageurs ". L'article 297 du même code, applicable au présent litige, dispose que : " I. 1. Dans les départements de Corse, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de : (...) 2° 2,10 % en ce qui concerne (...) les prestations de services visées (...) aux a à b decies de l'article 279 (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % une opération réalisée au cours de l'année 2008 et dix opérations de l'année 2010 en l'absence de présentation de factures probantes attestant du bien-fondé de l'application du taux réduit de taxe. Par suite, en se bornant à se prévaloir de l'existence de marchés publics de transport scolaire passés avec le département de Corse du Sud et à produire la copie de tels marchés, la société Eurocorse Voyages ne conteste pas utilement le rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé à ce titre.

10. En dernier lieu, à supposer même que les conditions d'exploitation de la société Eurocorse Voyages n'aient pas été modifiées, la circonstance qu'à la suite d'une seconde vérification de comptabilité, l'administration aurait admis l'application de ce taux réduit de 2,1 % et de ce régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016 est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé des rappels en litige dans la présente instance.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eurocorse Voyages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la société Eurocorse voyages au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Eurocorse Voyages est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurocorse Voyages et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. A..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

5

N° 17MA03000

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03000
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise - Caractère frustratoire.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : MICHALLON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-29;17ma03000 ?
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