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15/10/2019 | FRANCE | N°18MA02484

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 15 octobre 2019, 18MA02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Clinique Clémentville a demandé au tribunal administratif de Montpellier de :

- prononcer la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 52 285 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;

- prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1702891 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la restitution s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Clinique Clémentville a demandé au tribunal administratif de Montpellier de :

- prononcer la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 52 285 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 ;

- prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1702891 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la restitution s'élevant à 52 285 euros d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée que la société anonyme Clinique Clémentville a acquitté au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 (article 1er) et la réduction de la cotisation de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015 d'un montant correspondant à la différence entre la cotisation qu'elle a acquittée et celle résultant de l'application d'un rapport d'assujettissement de 82 % (articles 2 et 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2018 ;

2°) de rejeter le surplus de la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de rétablir les droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 d'un montant de 52 285 euros et la cotisation de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015 d'un montant de 89 440 euros.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la livraison de médicaments cytostatiques prescrits dans le cadre d'un traitement ambulatoire par des médecins exerçant à titre indépendant dans des cliniques, qui est indissociable de la prestation de soins, est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée et que, par suite, la société anonyme Clinique Clémentville n'est pas fondée à soutenir que le coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée applicable devrait augmenter et que le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires devrait diminuer corrélativement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, la société anonyme Clinique Clémentville, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C- 366/12 du 13 mars 2014, C-88/09 du 11 février 2010 et C-111/05 du 29 mars 2007 ;

- l'arrêté du 4 avril 2005 pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale et fixant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Clinique Clémentville, qui exploite un établissement de soins, a formé des réclamations en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de taxe sur les salaires au titre des années 2014 et 2015 au motif que les livraisons de médicaments cytostatiques dans le cadre de traitements ambulatoires contre le cancer avaient été exonérées à tort de la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale a rejeté ces réclamations. La société anonyme Clinique Clémentville a alors demandé au tribunal administratif de Montpellier le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'issue de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, en conséquence de la majoration des droits à déduction en résultant, et la réduction corrélative des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2014 et 2015. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 3 avril 2018 en tant que le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la restitution s'élevant à 52 285 euros d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée et la réduction de la cotisation de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015 correspondant à la différence entre la cotisation acquittée et celle résultant de l'application d'un rapport d'assujettissement égal à 82 %.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, applicable à compter du 1er janvier 2007, qui reprend l'article 13 A de la sixième directive du 17 mai 1977 : " 1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent : (...) b) l'hospitalisation et les soins médicaux, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ; / c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ". Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4. (...) / 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

3. Il découle de l'arrêt Finanzamt Dortmund-West c. Klinikum Dortmund GmbH de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 mars 2014 que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de la livraison de médicaments cytostatiques prescrits par un médecin exerçant à titre indépendant dans un établissement de santé privé titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, sur le fondement du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, est subordonnée à la condition que cette opération soit matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux principale.

4. D'une part, d'un point de vue matériel, l'Institut national du cancer est chargé, en application de l'article L. 1415-2 du code de la santé publique, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige, de coordonner les actions de lutte contre le cancer, notamment en définissant, au titre du 2° de cet article, des référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en cancérologie ainsi que des critères d'agrément des établissements et des professionnels de santé pratiquant la cancérologie. En application de ces dispositions et de l'article D. 1415-1-9 de ce code, le conseil d'administration de l'Institut a fixé, par un avis publié le 16 juin 2008, les critères d'agrément auxquels les établissements pratiquant la cancérologie doivent satisfaire conformément aux dispositions du 3° de l'article R. 6123-88 du même code, dans sa rédaction alors applicable. Selon ces critères, l'oncologue détermine pour chaque patient, en concertation avec l'équipe médicale, un programme personnalisé de soins comprenant un protocole d'administration des médicaments. Ce programme fixe le calendrier prévisionnel des consultations, des examens médicaux, de l'administration des médicaments cytostatiques, ainsi que les modalités de surveillance et de prise en charge des effets secondaires en cours de traitement. Les médicaments, préparés par la pharmacie à usage intérieur de l'établissement, sont exclusivement administrés au patient par l'équipe médicale, sur prescription de l'oncologue et sous le contrôle étroit de ce dernier. Par suite, la livraison au patient des médicaments cytostatiques, qui ne constitue pas une fin en soi pour ce dernier, doit être regardée comme indispensable à la réalisation de la prestation de soins par l'oncologue.

5. Il s'ensuit que la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé, d'une part, et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé, d'autre part, sont matériellement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie.

6. D'autre part, d'un point de vue économique, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de ses arrêts Aktiebolaget NN du 29 mars 2007 et Graphic procédé du 11 février 2010 que, pour apprécier si une livraison de biens et une prestation de services constituent une prestation unique, il convient de se placer du point de vue du consommateur moyen.

7. En vertu des dispositions de l'arrêté du 4 avril 2005 pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, les médicaments cytostatiques dispensés dans un établissement de santé privé titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique font l'objet d'une prise en charge directe par l'assurance maladie. En application du 3° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale alors applicable, aujourd'hui repris au 4° de l'article L. 160-14 de ce code, la participation de l'assuré à la prise en charge des frais de santé est supprimée, dans le cadre d'un forfait global de soins, lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une tumeur maligne ou d'une affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique. Aux termes de ces différentes dispositions, le patient pris en charge dans le cadre d'un traitement ambulatoire contre le cancer par un médecin oncologue exerçant à titre libéral dans le cadre d'un établissement de santé privé à caractère lucratif ne supporte pas le coût des médicaments cytostatiques qui lui sont administrés dans le cadre des soins de chimiothérapie.

8. Il en résulte en tout état de cause que, du point de vue du patient, la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé sont économiquement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir ni de l'existence de volets distinguant les frais d'hospitalisation et ceux liés aux médicaments dans le bordereau de facturation établi en vertu de l'article R. 161-40 du code de la sécurité sociale, qui ne constitue pas une facture pour le patient, ni de l'inscription des médicaments onéreux sur une liste spécifique, ces règles de facturation et de prise en charge des dépenses hospitalières ne concernant, en l'absence de toute facturation des médicaments cytostatiques au patient, que les seules relations entre les établissements de santé et les organismes de sécurité sociale.

9. Il résulte de ce qui précède que le traitement du cancer par chimiothérapie forme objectivement, pour le patient moyen, une prestation unique, dont la décomposition entre la livraison de médicament cytostatique et la prestation médicale, étroitement liées d'un point de vue matériel et économique, revêtirait un caractère artificiel.

10. Dès lors, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la possibilité de dissocier la livraison de médicaments cytostatiques prescrits par un médecin exerçant à titre libéral au sein d'un établissement privé de soins et la prestation médicale pour prononcer la restitution s'élevant à 52 285 euros d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.

11. En second lieu, aux termes du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts : " (...) L'assiette de la taxe est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations (...) le rapport existant, au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels est établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société requérante qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'y a pas lieu, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur les salaires due par la société, de modifier le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société anonyme Clinique Clémentville qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total de cette société.

12. Dès lors, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, estimant qu'il était possible de dissocier la livraison de médicament cytostatique prescrit par un médecin exerçant à titre libéral au sein d'un établissement privé de soins et la prestation médicale, a prononcé pour ce motif la réduction de la cotisation de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015 correspondant à la différence entre la cotisation acquittée et celle résultant de l'application d'un rapport d'assujettissement égal à 82 %.

13. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société anonyme Clinique Clémentville devant le tribunal administratif et devant la Cour.

14. La société anonyme Clinique Clémentville n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations des points 460 à 480 de l'instruction administrative BOI-TVA-CHAMP-10-30-60-50, publiée au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 20 novembre 2013, qui concerne les ventes de médicaments ou autres produits réalisées par les médecins propharmaciens et dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la restitution s'élevant à 52 285 euros d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée et la réduction de la cotisation de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015 correspondant à la différence entre la cotisation acquittée et celle résultant de l'application d'un rapport d'assujettissement égal à 82 %.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la société anonyme Clinique Clémentville au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1702891 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par la société anonyme Clinique Clémentville au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 sont remis à sa charge à concurrence de 52 285 euros.

Article 3 : La cotisation de taxe sur les salaires acquittée par la société anonyme Clinique Clémentville au titre de l'année 2015 est remise à sa charge à hauteur de la cotisation initialement acquittée.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société anonyme Clinique Clémentville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme Clinique Clémentville.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. B..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

7

N° 18MA02484

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02484
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP ONELAW

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-15;18ma02484 ?
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