Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 mars 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1701791 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 janvier 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 16 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard puis de lui octroyer un titre de séjour dans le délai d'un mois, sous la même astreinte, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé car il ne statue pas sur les moyens tirés de l'absence de procédure contradictoire et de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a observé aucune procédure contradictoire préalable ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de fait car il a entamé des démarches de régularisation dès son entrée en France conformément aux dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se dispensant d'examiner l'ensemble de circonstances de l'espèce ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de séjour contesté sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2019.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré pour la première fois en France en 2011, M. B..., ressortissant sénégalais né le 10 juillet 1977, a demandé, le 28 février 2017, une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 16 mars 2017, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé le 7 février 2009, à Dakar, une ressortissante tchèque avec laquelle il a eu deux enfants, nés à Prague en 2007 et 2010, et s'est vu pour cette raison délivrer par les autorités tchèques une carte de résident, le 8 septembre 2011, avant de s'installer en France, avec son foyer, en octobre 2011. Si le couple a divorcé le 17 janvier 2017, il n'en demeure pas moins et il n'est pas sérieusement contesté par le préfet de l'Hérault que M. B... résidait de manière stable en France depuis près de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué, en y étant bien inséré socialement. Par ailleurs, le jugement de divorce accorde un droit de visite et d'hébergement à M. B..., qui affirme, sans être contredit, avoir conservé des liens étroits avec ses enfants et contribuer à leur entretien. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté contesté porte une atteinte excessive aux intérêts privés et familiaux du requérant et le moyen tiré de la violation de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et à conclure, en conséquence, à l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 16 mars 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus et en l'absence de tout changement intervenu dans la situation de M. B..., d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celui-ci de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701791 du tribunal administratif de Montpellier du 13 décembre 2018 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 16 mars 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... F..., présidente-assesseure,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 octobre 2019.
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N° 19MA00167