Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2017 portant, d'une part, transfert aux " autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile " et, d'autre part, assignation à résidence dans le département pour une durée de trente jours.
Par un jugement n° 1704967 du 22 novembre 2017, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation au regard du séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Me A..., sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- le jugement retient à tort que la décision litigieuse a été retirée alors qu'elle n'a été qu'abrogée ;
- le préfet ne l'a pas invité à prendre connaissance de la décision abrogeant l'arrêté contesté ;
- la procédure mise en oeuvre pour décider de son transfert est irrégulière ;
- la décision de transfert, qui ne précise pas les autorités responsables de sa demande d'asile ni ne fixe le pays de destination, est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit car il aurait dû faire l'objet d'une reprise en charge et non d'une prise en charge ;
- elle est également entachée d'erreurs de fait dès lors que son nom est inexactement retranscrit et qu'il ne s'est jamais rendu au Ghana ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit car elle ne pouvait être fondée sur les articles 3.1 et 12 du règlement Dublin III ;
- la mesure d'assignation à résidence méconnaît les dispositions des articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête de M. B... a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 25 mai 2018, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... D..., rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais, né le 1er janvier 1983 et entré en France, selon ses déclarations, le 8 avril 2017, a demandé à bénéficier de l'asile. Par arrêté du 17 novembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes, constatant qu'il avait pénétré dans l'espace Schengen au moyen d'un visa délivré par les autorités consulaires néerlandaises au Ghana, a décidé, d'une part, de le transférer aux " autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile " et, d'autre part, de l'assigner à résidence dans le département des Alpes-Maritimes. M. B... relève appel du jugement, en date du 22 novembre 2017, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Par un arrêté n° 2017-11-011 en date du 22 novembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a " rapporté " l'arrêté n° 2017-11-011 du 17 novembre 2017. Ce faisant, il en a opéré, non l'abrogation comme le soutient par M. B..., mais le retrait, quelque qualification que le préfet ait cru devoir lui donner dans son mémoire en défense devant le tribunal.
4. Pour prononcer un non-lieu à statuer, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que, le jour de l'audience, le préfet des Alpes-Maritimes l'a informé de l'édiction de l'arrêté du 22 novembre 2017 mentionné ci-dessus. Ce dernier, produit aux débats de première instance et communiqué à M. B..., n'étant cependant pas devenu définitif à la date du jugement, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a prononcé à tort un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. B... dirigées contre les décisions de transfert et d'assignation à résidence du 17 novembre 2017. Le jugement du tribunal administratif de Nice est entaché d'irrégularité et M. B... est, dès lors, fondé à en demander l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par M. B....
Sur la légalité de l'arrêté du 17 novembre 2017 :
6. D'une part, le retrait en cours d'instance de l'acte attaqué est une cause de non-lieu, même si l'acte rapporté a reçu exécution, ce retrait devant cependant avoir acquis un caractère définitif. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 novembre 2017 opère le retrait de l'arrêté attaqué, cela en toutes ses dispositions. D'autre part, M. B..., qui ne soutient pas ne pas avoir été destinataire du courrier " Convocation au service des étrangers " daté du 21 novembre 2017 par lequel les services préfectoraux lui ont demandé de se rendre dans leurs locaux en vue de lui notifier la décision rapportant son arrêté de transfert, doit être regardé comme ayant eu connaissance de cette décision de retrait, à défaut de notification, le 25 novembre 2017, soit à la date à laquelle son avocat devant le tribunal administratif a accusé réception, au moyen de l'application Télérecours, de la communication, par le greffe de ce tribunal, du mémoire en défense du préfet de Alpes-Maritimes ainsi que des deux pièces jointes, en l'occurrence la convocation au service des étrangers en vue de la notification de la décision du 22 novembre 2017 retirant l'acte du 17 novembre 2017 et ladite décision de retrait. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas soutenu que M. B..., qui n'y avait d'ailleurs aucun intérêt, ait formé un recours contentieux à l'encontre de cette décision de retrait dans le délai raisonnable d'un an après en avoir eu connaissance. Dans ces conditions, le retrait est devenu définitif et la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 novembre 2017 a perdu son objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
8. Si le constat du non-lieu à statuer prononcé par la présente décision n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour, elle implique, à tout le moins, que le préfet des Alpes-Maritimes ou le préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, enregistre la demande d'asile de M. B..., en application des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 précité du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, ou au préfet territorialement compétent, de faire droit à la demande en ce sens de M. B..., dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par Me A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice n° 1704967 du 22 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en annulation présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nice.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, de faire droit à la demande de M. B... en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme C... D..., présidente assesseure,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 octobre 2019.
N° 18MA03666 5