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10/10/2019 | FRANCE | N°19MA02774

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 19MA02774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1806326 du 13 février 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal

administratif de Montpellier du 13 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1806326 du 13 février 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur droit en inversant la charge de la preuve ;

- le tribunal administratif a commis une erreur droit en ayant une interprétation restrictive des articles R. 316-1 et R. 316-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles R. 316-1 et R. 316-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par les décisions de l'OFPRA et la CNDA ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les articles 2, 3 et 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de l'Aude a produit un mémoire en défense le 27 août 2019 par lequel il conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens sont infondés.

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme D... par une décision du 30 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante nigériane née le 7 juillet 1991, relève appel du jugement du 13 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 316-1 ; (...) Le service de police ou de gendarmerie informe également l'étranger qu'il peut bénéficier d'un délai de réflexion de trente jours, dans les conditions prévues à l'article R. 316-2 du présent code, pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionnée au deuxième alinéa ". Aux termes de l'article R. 316-2 du même code : " L'étranger à qui un service de police ou de gendarmerie fournit les informations mentionnées à l'article R. 316-1 et qui choisit de bénéficier du délai de réflexion de trente jours mentionné au cinquième alinéa du même article se voit délivrer un récépissé de même durée par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 311-4. Ce délai court à compter de la remise du récépissé. Pendant le délai de réflexion, aucune mesure d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'étranger en application de l'article L. 511-1, ni exécutée. Le délai de réflexion peut, à tout moment, être interrompu et le récépissé retiré par le préfet territorialement compétent, si l'étranger a, de sa propre initiative, renoué un lien avec les auteurs des infractions mentionnées au premier alinéa de l'article R. 316-1 du présent code, ou si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public. ".

3. D'autre part, les dispositions de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité chargent les services de police d'une mission d'information, à titre conservatoire et préalablement à toute qualification pénale, des victimes potentielles de faits de traite d'êtres humains. Ainsi, lorsque ces services ont des motifs raisonnables de considérer que l'étranger pourrait être reconnu victime de tels faits, il leur appartient d'informer ce dernier de ses droits en application de ces dispositions. En outre les dispositions de l'article R. 316-2 précitées instaurent un délai de réflexion de trente jours, pendant lequel aucune mesure de reconduite à la frontière ne peut être prise, ni exécutée, pour permettre à un étranger susceptible d'être reconnu victime de faits de traite d'êtres humains de décider s'il se place, ou non, sous la protection des autorités judiciaires et dépose plainte à cet effet. Cette période de réflexion précédant nécessairement le dépôt de plainte, la circonstance qu'aucune plainte n'ait été déposée à la date d'une mesure d'éloignement ne saurait faire obstacle à ce que l'étranger susceptible d'être reconnu victime de faits de traite d'êtres humains puisse se prévaloir de ces dispositions à cette date.

4. En l'espèce, Mme D... soutient avoir été interpelée au cours du mois de juin 2017 et avoir, lors de son audition par les services de police, informé lesdits services de sa qualité de victime d'un réseau de prostitution. Elle soutient qu'aucune des informations prévues aux dispositions précitées ne lui aurait été fournies, notamment en ce qui concerne le délai de réflexion. Toutefois, à supposer qu'une telle audition ait effectivement eu lieu et qu'à cette occasion, l'intéressée ait fourni des informations sur sa qualité de victime, il ressort des pièces du dossier qu'aucune mesure d'éloignement n'a été prise à la suite de cette interpellation. En effet, ce n'est que le 17 décembre 2018, à la suite du rejet de la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée le 19 octobre 2017, que le préfet a, sans qu'aucune audition par les services de police n'ait eu lieu, pris à l'encontre de l'intéressée une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Mme D..., qui n'allègue pas avoir, avant l'édiction de la décision contestée, informé les services de police, lors d'une nouvelle audition ou lors de sa demande de titre, de sa qualité de victime, ne saurait se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 316-1 et R. 316-2 précité et des erreurs de droit qu'auraient commises le premier juge au regard de ces dispositions et au regard de la charge de la preuve ne peuvent qu'être écartés.

5. En second lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en se croyant en situation de compétence liée, du défaut d'examen sur l'opportunité d'une mesure de régularisation au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés par adoption des motifs des premiers juges aux points 4, 6 et 8 du jugement, qui n'appellent pas de précision en appel.

Sur la décision fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa ".

7. L'arrêté en litige mentionne la nationalité nigériane de l'intéressée ainsi que la reconduite dans le pays d'origine et est ainsi suffisamment motivé s'agissant du pays de destination. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation.

8. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. / 2° Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. / 3° N'est pas considéré comme "travail forcé ou obligatoire" au sens du présent article : a) tout travail requis normalement d'une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l'article 5 de la présente Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle ; b) tout service de caractère militaire ou, dans le cas d'objecteurs de conscience dans les pays où l'objection de conscience est reconnue comme légitime, à un autre service à la place du service militaire obligatoire ; c) tout service requis dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté ; d) tout travail ou service formant partie des obligations civiques normales " . L'article L 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Les seules déclarations de l'intéressée devant la juridiction et devant l'office français de protection de réfugiés et apatrides, ainsi que la seule production d'une attestation de prise en charge médico-sociale de la part d'une association en France ne peuvent suffire à établir le risque de mort, de torture, d'esclavage ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans le pays d'origine. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué. L'ensemble de ses conclusions doit, par suite, être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019 où siégeaient :

- M. Poujade président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

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N° 19MA02774

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02774
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : ROSÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-10;19ma02774 ?
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